Émouvante découverte à la mélancolie tragique

Publié le par Michel Monsay

Émouvante découverte à la mélancolie tragique

Découvrir Anna Karina et Marie Laforêt dans un film rare de Valerio Zurlini est déjà en soi une promesse de plaisir. Des filles pour l’armée la tient jusqu’au bout en permettant aux deux actrices d'exprimer tout leur talent, sans oublier Léa Massari dans un rôle plus en retrait. Le cinéaste, à qui l'on doit quelques chefs-d’œuvre du doute existentiel comme Été violent (1959) La Fille à la valise (1961), Journal intime (1962) ou Le Professeur (1972), n’évoque pas dans ce film l’espoir des mouvements de résistance durant la seconde guerre mondiale, mais expose sans fard ni échappatoire les exactions de l’armée italienne, renvoyant au pays un reflet peu flatteur. Il suit un jeune lieutenant italien chargé d’accompagner des prostituées pour approvisionner des bordels militaires dans la Grèce occupée. Le récit prend pour cadre l’un des épisodes les plus aberrants de la seconde guerre mondiale, à savoir la guerre éclair que l’Italie a déclarée à la Grèce, en octobre 1940, une pure fanfaronnade de Mussolini visant à en remontrer à son partenaire allemand. Épopée grotesque et sans lendemain, comme le fut la campagne éthiopienne, mais qui, pour être vaine, n’en fit pas moins un nombre considérable de morts, de blessés, de déplacés, de désastres humains. Zurlini ne choisit pas pour rien ce conflit à l’éloquente absurdité : Rome attaquant Athènes, ce sont les principes mêmes de la civilisation occidentale qui s’auto-dévorent. La situation du lieutenant, escortant les prostituées comme on distribue du bétail, au cœur d’un pays à feu et à sang, recoupe l’image d’une impasse historique, voire métaphysique : celle d’une aventure humaine si gravement compromise qu’elle semble arrivée en bout de course. A travers ces femmes s’exprime une féminité pragmatique, aiguillonnée par la nécessité, saisie dans ses urgences parfois triviales ou sordides, mais aussi lumineuse quand elle s’oppose à la bestialité des militaires, dépeints comme des hordes de soudards en rut. La grande question du film, vertigineuse, concerne bien évidemment les relations entre hommes et femmes en temps de guerre. De l’amour, une forme quelconque de tendresse, d’entente, peuvent-ils encore naître sur un charnier ? Presque impossible, répond Zurlini, sceptique, tant les corps sont occupés à s’exploiter ou à survivre, à se prendre ou à se déprendre. Reste le profond sentiment de dégoût qui croît dans la tête du lieutenant : quelque chose comme la honte d’être un homme.

Des filles pour l'armée (Le soldatesse) est à voir ici sur OCS pour 10,99 €, un mois sans engagement, sachant qu'il y a 7 jours offerts et que l'on peut résilier du coup sans rien payer avant la fin des 7 jours.

Publié dans replay

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