Un récit familial délicat et empreint de mélancolie
Pour la France est basé sur un épisode intime douloureux de l'histoire familiale du réalisateur Rachid Hami : la mort de son petit frère, Jallal Hami, suite à l'organisation d'un bizutage imitant le débarquement de Provence dans des conditions extrêmes, à l'École militaire de Saint-Cyr, en octobre 2012. Le cinéaste est parti de ce drame pour signer une très belle fiction romanesque en forme d’odyssée familiale entre la France, l’Algérie et Taïwan, qui raconte l'histoire d'un jeune homme né en Algérie, musulman, banlieusard, français et patriote, qui après des études brillantes à Science-Po et TaiDa (Taiwan National University) s’est engagé à l’école militaire de Saint-Cyr où il a trouvé la mort par la faute de ses camarades. Le film n'est pas du tout ce que l'on aurait pu croire. Avec ce drame terrible que Rachid Hami a vécu, on pouvait s'attendre à un réquisitoire contre l'armée, à pointer les responsabilités, la lenteur de la justice. À l'inverse, le film sonne comme un champ d'honneur à son frère, comme pour lui rendre les honneurs qu'il n'a finalement jamais eus. Il se concentre sur des rapports sensibles, pudiques, un magnifique procédé sur la fraternité et sur ces lignes de tension qui traversent la famille depuis leur venue en France pour fuir la guerre civile en Algérie. Il raconte aussi en filigrane un travail d'intégration, celle d'un soldat comme les autres, mais étant d'origine arabe, il voulait absolument faire mieux que les autres. C'est là que la vraie colère du film s'incarne, même si elle est sourde et tenue, elle nourrit constamment et subtilement la mise en scène et le scénario, qui visent à offrir une représentation juste de la famille française maghrébine, loin des clichés. Rachid Hami, qui semble avoir fait de la nuance son mot d'ordre, nous touche au cœur et à l'esprit avec l'histoire d'un amour fraternel compliqué, en dépeignant avec pudeur les relations souvent conflictuelles entre deux hommes à la fois infiniment proches et radicalement différents, parfaitement incarnés par Karim Leklou et Shaïn Boumedine, mais aussi par les autres acteurs, tous totalement investis dans leur personnage.