Grandeurs et petitesses de la condition humaine

Publié le par Michel Monsay

Grandeurs et petitesses de la condition humaine

Le grand cinéaste turc, Nuri Bilge Ceylan, est un habitué du Festival de Cannes, il y a déjà reçu une Palme d'or pour Winter sleep, deux Grand prix du jury pour Il était une fois en Anatolie et Uzak et un Prix de la mise en scène avec Les trois singes. Pour son magnifique dernier film, Les herbes sèches, c'est son actrice principale, l'intense Merve Dizdar, qui a été récompensée par le Prix d'Interprétation Féminine. On pourrait aussi y associer, le personnage central masculin, remarquablement interprété par Deniz Celilogu, parfait d’ambiguïtés. Comme souvent dans la filmographie de Nuri Bilge Ceylan, les grands espaces naturels environnants servent d’écrin à l’examen d’une nature humaine isolée et circonscrite. Ici, sous des cieux tumultueux en Anatolie, la neige est partout, immaculée, majestueuse, colmatant le son des pas réduits à quelques crissements lointains. Ces paysages sont cadrés somptueusement, comme toujours chez ce cinéaste esthète. La finesse du regard de Nuri Bilge Ceylan n’aura jamais été plus exacerbée que dans ce film, dont le but est d’examiner au scalpel les limites entre le bien et le mal. Le dispositif qu'il met en place pour cela lui permet de balayer tout ce qui se délite dans nos sociétés, contaminé par la lâcheté, le cynisme, l’abêtissement, le communautarisme, l’individualisme, l’hypocrisie jusqu’au plus reculé des villages. La hauteur de vue déployée et la densité vertigineuse de certains échanges rapprochent l’œuvre d’un précis philosophique de très haute volée, qui interroge sur l’état de la Turquie rurale entre pauvreté et poids des traditions, et plus généralement ce qui peut se nouer de magnifique et de misérable dans les relations humaines.  Au cœur du film se forme un triangle amoureux où l'amour n'a rien de pur, c'est un jeu cruel et mélancolique que le cinéaste orchestre avec une lucidité terrible et superbe. Les images de Nuri Bilge Ceylan sont une nouvelle fois d’une grande beauté, on voit clairement l’œil du photographe qu’il est encore, et d’ailleurs le film est émaillé de superbes photos fixes de visages et de paysages. Plus qu’un très grand film, Les herbes sèches est une expérience à vivre comme le cinéma nous en offre ponctuellement, dont on ressort admiratif.

Publié dans Films

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