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Le pardon est-il possible ?

Publié le par Michel Monsay

Le pardon est-il possible ?

Les repentis s’ouvre par une scène choc, l’assassinat du politicien Juan María Jáuregui, par les séparatistes basques, membres de l’ETA en 2000.  Cet ancien préfet laisse une fille de 19 ans et une femme Maixabel Lasa, dont le film relate une partie de son histoire. La réalisatrice madrilène Icíar Bollaín a tiré un grand film politique sur le remords et le pardon, où la réconciliation, même si beaucoup persistent à la refuser, n’est pas une utopie. Couronné de trois Goyas, l'équivalant espagnol des Césars, dont celui de la meilleure interprète féminine attribué à Blanca Portillo, que l'on avait déjà aimée dans Volver et Étreintes brisées d'Almodovar, ce film bouleversant décrit la volonté de dialogue de certains terroristes de l’ETA avec les proches des victimes, et comment cette initiative a préparé le chemin d’une paix jusque-là introuvable. Pas de manichéisme ici mais une réflexion pertinente sur le pardon comme réponse à la violence. Pour son huitième long métrage, Icíar Bollaín retrouve Luis Tosar, qu’elle avait précédemment dirigé dans le puissant Même la pluie, douze ans auparavant. En  terroriste, marqué par le remord et la honte, il compose un personnage émouvant faisant face à Bianca Portillo, magnifique en veuve prête à pardonner l’impardonnable. Tous les autres acteurs sont remarquablement dirigés, habités par une authenticité criante. Dans la reconstitution de cette histoire vraie, la cinéaste a trouvé matière à des face-à-face d’une authentique force dramatique. À cela vient s’ajouter une forme de neutralité qui, paradoxalement, devient un atout. Aux échanges qui ont lieu, aucune signification n’est donnée, ni politique ni religieuse. Les mots ne réparent rien, n’effacent rien : ils sont précieux simplement parce qu’il est devenu possible de les dire, de les écouter. Le dialogue ne veut rien prouver, mais il prend la place de la violence, qui n’aura pas le dernier mot. Pour mémoire, l’ETA, créé en 1959, en réaction au franquisme, a mené une lutte armée pendant plus de cinquante ans, causant la mort sur le territoire espagnol de 837 personnes (dont 506 policiers et militaires). En Espagne, ce film qui évoque des blessures toujours douloureuses a été accueilli comme un événement majeur et a remporté un important succès. Ce n'est que justice, tant la cinéaste refuse le manichéisme en multipliant les interactions entre les personnages aux positions contradictoires, interrogeant par là le spectateur, sans lui imposer une lecture confortable du prêt à penser si courant dans le cinéma militant.

Les repentis est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Comédie de moeurs irrésistible sur l'hypocrisie de la société britannique du XIXe siècle

Publié le par Michel Monsay

Comédie de moeurs irrésistible sur l'hypocrisie de la société britannique du XIXe siècle

Emma, l’entremetteuse imaginée par Jane Austen, révèle toutes ses nuances dans cette belle adaptation produite par la BBC en 2009. Quatre épisodes d’une heure permettent d’affiner chaque personnage, notamment de nuancer le portrait d’Emma, d’abord perçue comme une grande enfant qui manipule les êtres comme des poupées, et que l'on va découvrir peu à peu bien plus sensible qu'il n'y paraît. Sous l’art maîtrisé et vachard de la conversation et les tourments sentimentaux, l’adaptation de Sandy Welch restitue la mélancolie, souvent oubliée, du roman d’apprentissage, en composant une délicate chronique de l'Angleterre provinciale du XIXe siècle. Des paysages bucoliques aux costumes d’un raffinement exquis, des comédiens très inspirés avec un mention spéciale pour Romola Garai et Jonny Lee Miller, cette minisérie distille un charme assez irrésistible, sans oublier d’être piquante.

Emma est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Il était une fois Ennio Morricone

Publié le par Michel Monsay

Il était une fois Ennio Morricone

Giuseppe Tornatore, le réalisateur de Cinema paradiso, signe un grand documentaire sur Ennio Morricone, maestro de la musique de films. Illustré par une phénoménale compilation d’archives, le film s’appuie sur une série d’entretiens inédits où, pour la première fois, cet homme très discret évoque sans détour les moments clés de son existence, et détaille surtout la genèse de ses partitions. Il faut absolument l’entendre fredonner ses musiques les plus célèbres (Il était une fois dans l’Ouest, Le Clan des Siciliens…) et expliquer comment il a superposé les thèmes, choisi les arrangements, combiné voix, bruits et instruments pour coller à telle ou telle scène. Souvent inspiré, le montage glisse du témoignage à l’image, et permet de découvrir, grâce à de larges extraits de films, comment les intentions d’Ennio Morricone sont devenues partitions. Issu d’un milieu modeste, promis à une carrière de compositeur classique, ce féru de contrepoint et de musique expérimentale est pourtant passé de l’autre côté du miroir à la fin des années 1950. Beaucoup de témoignages élogieux de personnalités de tous horizons dans ce documentaire, dont certains plus pertinents que d'autres comme ceux de Bernardo Bertolucci ou de Clint Eastwood, qui éclairent le génie singulier du maestro, sa faculté à savoir immédiatement devant l’image quel chemin et quelles sonorités emprunter. Avec quelque 500 bandes originales de films et plus de 70 millions de disques vendus dans le monde, Ennio Morricone a construit une œuvre monumentale qui inclut également des compositions symphoniques contemporaines, de la musique de chambre et des accompagnements de chansons. Personne n’a su créer comme lui des musiques de films aussi entêtantes, instantanément génératrices de nostalgie. Giuseppe Tornatore détaille parfaitement le processus qui a graduellement transformé un petit trompettiste en géant musical du XXe siècle. L’aura d’Ennio Morricone est immense, au point qu’elle l’a consolé de ne pas avoir réussi à abandonner la musique de film pour la composition savante. Il a fini par comprendre que travailler pour le cinéma n’était pas déshonorant, et qu’en restant dans ce domaine, son impact et son influence ont été plus indélébiles que s’il avait été un artiste discret œuvrant pour une chapelle d’initiés. Outre le bonheur de réécouter ses musiques et de revoir les extraits de films qui vont avec, ce documentaire est un passionnant et émouvant récit de l'acte de création.

Ennio est à voir ici pour 4,99 € en location ou les plates-formes de VOD.

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Poignant thriller social sur le désir de maternité

Publié le par Michel Monsay

Poignant thriller social sur le désir de maternité

Ce premier long-métrage de Léopold Legrand aborde la délicate question du désir d'enfant, et de la parentalité. Du bien au mal. Du monde des nantis à celui des pauvres gens. Du respect de la loi à la loi du désir (d’enfant). Passer de l’autre côté. Traverser les frontières si ténues jusqu’au point de non-retour. La force du scénario est de toujours transgresser les limites sans que jamais on refuse d’y croire. Parce qu’il n’y a aucune malice et à peine de calcul dans la proposition, que d’aucuns jugeraient indécente. Il y a toute la détresse et l’humanité du monde. La mise en scène, au plus près des personnages, nous entraîne dans leur tête : on y est, on y croit. Il faut dire que ce qui, sur le papier, pouvait sembler à la limite du jouable est ici interprété par un éblouissant quatuor d’acteurs, avec une mention spéciale pour Judith Chemla et Sara Giraudeau, toutes deux bouleversantes. Sans jugement moral, le film explore toute la palette de sentiments qui traversent les deux couples, lancés dans une folle entreprise. Orfèvrerie d’écriture, le premier long métrage de Léopold Legrand réussit à traiter un thème particulièrement délicat avec une précision psychologique qui évite le mélo. Thriller social et intime, le film explore chaque motivation, chaque hésitation autour de l’arrangement, et d’abord celles des deux femmes, devenues étrangement complices. Léopold Legrand, lui-même sensibilisé par son histoire personnelle à ces questions d'abandon et d'adoption, évite l'écueil de la caricature sur un sujet qui pourrait l'y précipiter, avec une mise en scène sans gras, sans pathos ni misérabilisme, qui sert au mieux l'intensité du propos.

Le sixième enfant est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Savoureux rapports de classe dans le New-York de la fin du XIXe

Publié le par Michel Monsay

Savoureux rapports de classe dans le New-York de la fin du XIXe

Le créateur de  Downton Abbey et Gosford Park, Julian Fellowes, offre une savoureuse chronique des rivalités entre nouveaux riches et vieille élite dans le New York de 1880. Cette série explore la période dorée de l’après-Guerre de Sécession, l’explosion économique, bancaire et démographique des États-Unis. Les fortunes des magnats de l’acier, du commerce et de la spéculation grossissent aussi vite qu’elles fondent au soleil. Dans The Gilded Age, on retrouve les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de Downton Abbey, la polyphonie entre l’étage des maîtres et celui de la domesticité, la lecture de la grande histoire à travers les tribulations des privilégiés, mais aussi quelques innovations comme cet arc narratif qui met aux prises une jeune fille de bonne famille désargentée et une jeune intellectuelle afro-américaine. Julian Fellowes s'attaque aussi au mythe de l'autodidacte américain. Il fait une radioscopie de la naissance du capitalisme, et cela donne à la série une épaisseur et une densité qui en fait une fresque passionnante. La production de cette série n’a pas lésiné sur les moyens : un casting étincelant avec Carrie Coon, Morgan Spector, Cynthia Nixon, Christine Baranski, tous quatre stars des séries américaines, et les jeunes Louisa Jacobson (fille de Meryl Strrep), Denée Benton, des décors et costumes impressionnants, un scénario vif et acéré dont les personnages de fiction et les péripéties sont inspirés de personnes et de faits bien réels. Ajouté à cela, des dialogues piquants et plein d'humour, des protagonistes qui ne sont jamais totalement ce qu'ils laissent à croire, une réalisation élégante, qui montrent à merveille la vacuité de ce petit monde bourgeois et aristocrate autocentré, ultraconservateur et bien loin des préoccupations du monde qui l’entoure. Passionné par les rapports de classe, Julian Fellowes s'en donne ici à cœur joie. A sa mise en parallèle coutumière du monde des maîtres et des serviteurs, s'ajoutent donc la confrontation entre anciens et nouveaux riches ainsi qu'entre Blancs et Noirs.

The Gilded age est à voir ici sur OCS pour 10,99 €, un mois sans engagement, sachant qu'il y a 7 jours offerts et que l'on peut résilier du coup sans rien payer avant la fin des 7 jours.

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Passionnante immersion au cœur de l'un des événements sportifs les plus suivis au monde

Publié le par Michel Monsay

Passionnante immersion au cœur de l'un des événements sportifs les plus suivis au monde
Passionnante immersion au cœur de l'un des événements sportifs les plus suivis au monde

C'est le Tour de France comme on ne l'a jamais vu. Lors de l’édition 2022, Netflix a filmé l’envers du décor. Cela donne Tour de France : au cœur du peloton, une série-documentaire de huit épisodes bluffants, qui réussit à en faire un récit haletant pour ceux qui ont suivi la course l’an dernier et à capter l'attention des novices, à la fois en vulgarisant les règles, les enjeux, les stratégies, et en maintenant un suspense du début à la fin. Dans Tour de France : au cœur du peloton, le téléspectateur est embarqué dans les bus de huit équipes, dans les voitures des dirigeants et des commentateurs, dans les hôtels des coureurs,... Il y a aussi des caméras installées sur les vélos. Mais ça va plus loin que l'aspect sportif. Ce sont des histoires humaines qui sont racontées. Netflix a misé sur une trentaine de protagonistes du Tour, est allé les filmer dès le printemps, dans leur quotidien comme Thibaut Pinot (qu'on voit nourrir ses chèvres chez lui en Haute-Saône), dans leur préparation (Julian Alaphilippe qui s'entraîne avant d'apprendre qu'il ne sera finalement pas sélectionné). Des récits émouvants, par exemple l'histoire de Fabio Jakobsen qui a failli mourir lors d'un accident dans un sprint en 2020 et qui gagne une étape sur ce Tour de France. On comprend aussi avec cette série que le cyclisme est autant un sport individuel que collectif. Le leader d'une équipe a des « domestiques » qui lui facilitent la vie, prennent le vent, fatiguent les adversaires et font le ménage autour de lui pour le placer avant un sprint ou une attaque. Or ces sous-fifres, parfois, ont aussi des ambitions personnelles… La subtilité de cette série est d’expliquer toutes ces stratégies par des exemples lors du Tour de France 2022. Il y a la course en elle-même et des séquences captées dans les coulisses de chaque équipe : briefing, consignes données en direct depuis la voiture du directeur sportif, adaptation de la tactique aux événements, aux rivaux, à la météo, capacité des coureurs à y répondre, débrief à l’hôtel… Le tout est d’une fluidité assez impressionnante, avec des protagonistes qui laissent parfois leur langue de bois sur les plateaux télé. On parle aux spécialistes tout en prenant subtilement le néophyte par la main. Il faut ajouter que, pour une fois, la mise en scène de la course et les cadrages renouvellent la vision qu’on en avait. On mesure mieux la dangerosité d’un sprint final, d’une descente de col à 105 kilomètres-heure, la vitesse du peloton, l’effort à déployer lors d’une ascension. Que l'on soit mordu de vélo ou pas, force est de constater que l'on prend vite goût au bruit des dérailleurs, à la tension des chutes au sein du peloton, aux gueules cassées des coureurs à la fin des étapes, et à l'ambiance générale de ce sport si exigeant qu'est le cyclisme professionnel.

Tour de France : Au cœur du peloton est à voir ici sur Netflix à partir de 5,99 € (avec ou sans pub) pour un mois sans engagement.

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Émouvante découverte à la mélancolie tragique

Publié le par Michel Monsay

Émouvante découverte à la mélancolie tragique

Découvrir Anna Karina et Marie Laforêt dans un film rare de Valerio Zurlini est déjà en soi une promesse de plaisir. Des filles pour l’armée la tient jusqu’au bout en permettant aux deux actrices d'exprimer tout leur talent, sans oublier Léa Massari dans un rôle plus en retrait. Le cinéaste, à qui l'on doit quelques chefs-d’œuvre du doute existentiel comme Été violent (1959) La Fille à la valise (1961), Journal intime (1962) ou Le Professeur (1972), n’évoque pas dans ce film l’espoir des mouvements de résistance durant la seconde guerre mondiale, mais expose sans fard ni échappatoire les exactions de l’armée italienne, renvoyant au pays un reflet peu flatteur. Il suit un jeune lieutenant italien chargé d’accompagner des prostituées pour approvisionner des bordels militaires dans la Grèce occupée. Le récit prend pour cadre l’un des épisodes les plus aberrants de la seconde guerre mondiale, à savoir la guerre éclair que l’Italie a déclarée à la Grèce, en octobre 1940, une pure fanfaronnade de Mussolini visant à en remontrer à son partenaire allemand. Épopée grotesque et sans lendemain, comme le fut la campagne éthiopienne, mais qui, pour être vaine, n’en fit pas moins un nombre considérable de morts, de blessés, de déplacés, de désastres humains. Zurlini ne choisit pas pour rien ce conflit à l’éloquente absurdité : Rome attaquant Athènes, ce sont les principes mêmes de la civilisation occidentale qui s’auto-dévorent. La situation du lieutenant, escortant les prostituées comme on distribue du bétail, au cœur d’un pays à feu et à sang, recoupe l’image d’une impasse historique, voire métaphysique : celle d’une aventure humaine si gravement compromise qu’elle semble arrivée en bout de course. A travers ces femmes s’exprime une féminité pragmatique, aiguillonnée par la nécessité, saisie dans ses urgences parfois triviales ou sordides, mais aussi lumineuse quand elle s’oppose à la bestialité des militaires, dépeints comme des hordes de soudards en rut. La grande question du film, vertigineuse, concerne bien évidemment les relations entre hommes et femmes en temps de guerre. De l’amour, une forme quelconque de tendresse, d’entente, peuvent-ils encore naître sur un charnier ? Presque impossible, répond Zurlini, sceptique, tant les corps sont occupés à s’exploiter ou à survivre, à se prendre ou à se déprendre. Reste le profond sentiment de dégoût qui croît dans la tête du lieutenant : quelque chose comme la honte d’être un homme.

Des filles pour l'armée (Le soldatesse) est à voir ici sur OCS pour 10,99 €, un mois sans engagement, sachant qu'il y a 7 jours offerts et que l'on peut résilier du coup sans rien payer avant la fin des 7 jours.

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Blockbuster magistral dans une nature sublimée et menacée par un impérialisme écocide

Publié le par Michel Monsay

Blockbuster magistral dans une nature sublimée et menacée par un impérialisme écocide

S’appuyant sur un univers onirique où s’affirme une volonté de préserver la nature, James Cameron signe un époustouflant blockbuster esthétique, écologique et humaniste. Le cinéaste aime l’innovation et les effets spéciaux. Preuve en est sa filmographie, de Terminator à Titanic en passant par Aliens le retour, True Lies, Abyss , et le premier volet d’Avatar, James Cameron s’est imposé comme un maître du cinéma à grand spectacle. La double prouesse d'Avatar : La Voie de l’eau réside dans ce paradoxe : rien n’a changé, et pourtant, tout a changé. L’héritage du premier film est toujours aussi prégnant, et la sensation d’être en terrain connu confirme à quel point la révolution de 2009 a été en avance sur son temps. Néanmoins, par une simple cicatrice sur la peau d'un personnage, par la subtilité d’une expression faciale et par la richesse photoréaliste du moindre centimètre carré de décor, Avatar 2 redéfinit la notion de cinéma virtuel. Tout est dans le sens du détail, quasi indiscernable et sublime, qui se dégage de chaque image, pour insuffler la vie dans les corps de ces extraterrestres numériques. La technologie, bien que flamboyante, s’efface au profit de ce qui a toujours été la priorité du cinéaste : la limpidité de ses images en mouvement, de leur enchaînement, et de la narration qu’elles servent. La beauté sidérante des séquences sous-marines, dont la qualité du rendu n’a d’égal que la richesse de sa faune et de sa flore, nous rappelle la passion de James Cameron pour l'océan et ses profondeurs. Cet Avatar confirme son savoir-faire et la richesse de son univers formel. Il emprunte à plusieurs genres : western, fable écologique, documentaire animalier, film de guerre. La Voie de l’eau est un peu un mix 2.0 entre La Horde sauvage (Peckinpah), La Forêt d’émeraude (Boorman), Le Monde du silence (Malle et Cousteau), percuté par le Moby Dick de Melville. Si Cameron a l’art de faire du neuf avec du vieux, il l’accommode à sa sauce pour le transformer en menu 3 étoiles, certifié bio. Au western classique dans lequel Hollywood a, jusqu’aux années 1970, donné le mauvais rôle aux Indiens, il substitue un récit alternatif, où les méchants sont des Yankees. Un petit coup de griffe du Canadien Cameron au grand frère envahissant états-unien. Il avait déjà égratigné la bonne société britannique dans Titanic. Avatar : La voie de l'eau confirme l’audace d’un cinéaste visionnaire, toujours un coup d’avance à Hollywood. De film en film, il repousse les limites de l’innovation technologique, renouvelant sans cesse l’invention des frères Lumière à la manière d’un Méliès des temps modernes. On savait James Cameron capable de nous ébahir à nouveau. On ne se doutait tout simplement pas du niveau d'excellence avec lequel il le ferait. Le projet pharaonique est réussi. Avec ses préoccupations environnementales de préservation du vivant, Cameron signe une épopée de plus de trois heures sidérante. Du grand spectacle qui rend métaphoriquement hommage à la beauté de notre planète bleue, à l’heure fatidique de l’effondrement des écosystèmes et de la disparition de milliers d’espèces, c'est la promesse d’un envoûtement collectif pour embrasser l’image idéale d’un monde déjà perdu. Ce film redéfini aussi ce qu'est le cinéma spectaculaire, quand le reste de la production se déploie dans la plus grande pauvreté formelle d’une image soumise à l’hommage permanent des franchises qu’il habite. On attendait de Cameron qu’il formule une réponse aux standards posés par Marvel. La démonstration est éclatante. Avatar : La voie de l'eau autorise le spectateur à s’oublier, à passer outre une prouesse technologique si omniprésente qu’elle devient évidente, naturelle. Cameron résout ainsi le grand paradoxe d’une fresque qui célèbre le vivant par l’exaltation du simulacre, prodigieux délire où le cinéaste n’embrasse le monde qu’à la condition d’en recréer le plus petit atome. Une véritable expérience sensorielle avec une rare cohérence et un résultat magnifique qui nous entraîne dans un voyage où il faut lâcher prise pour accepter l’inouï d’un monde inconnu.

Avatar : La voie de l'eau est à voir ici pour 1,99 € en location ou en VOD.

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Passionnant voyage intérieur pour percer l'énigme

Publié le par Michel Monsay

Passionnant voyage intérieur pour percer l'énigme

Actrice fascinante par son physique, son regard, son aura trouble et bien sûr son talent, Charlotte Rampling se dévoile dans ce documentaire en forme d’autoportrait, qui s’appuie sur son journal intime. Beau portrait de cette artiste britannique dont le français est élégant et les confessions aussi troublantes que ses films aux personnages subversifs. Comment devient-on Charlotte Rampling, cette femme à la fois douce et menaçante, cette énigme qui vous attire au fond de l'image avec ses yeux vert mousse et ses paupières de légende ? Comment la fille d'un strict militaire anglais, médaillé olympique du 4 × 400 m aux JO de Berlin de 1936 et d'une peintre aussi gracieuse que volatile, est-elle devenue l'héroïne sulfureuse de tant de films ? Des Damnés de Visconti (1969) à Portier de nuit de Liliana Cavani (1974), en passant par La Chair de l’orchidée, de Patrice Chéreau, (1975), de Max mon amour de Nagisa Oshima (1986) à Swimming Pool de François Ozon (2003) pour ne citer qu'eux, elle danse délicatement, comme par inadvertance ou avec un sens inné du destin, sur la corde raide de la trans­gression et l'ivresse de la décadence. Charlotte Rampling a été surnommée « The Look ». Si clair, si lointain qu’il semble vous traverser en vous embrasant au passage, son regard est profondément déstabilisant. Et s’il y a un mystère Charlotte Rampling, il est contenu dans ses indéchiffrables prunelles… Repérée dans une rue du Swinging London, la jeune femme n’a pas eu le temps de jouir de l’insouciance de ses 20 ans. En 1966, le suicide de sa sœur aînée vient tout dévaster. Le documentaire identifie ce drame comme la matrice mortifère de toute son existence, et le cinéma comme une réponse visuelle dans une matière noire. Puisqu’il s’agit d’exorciser sa peine, elle se voue à des rôles subversifs et iconoclastes. Dans cette mise en danger permanente, l’actrice trouve son équilibre, toujours sur le fil. Jusqu’à l’arrivée au port dans le cinéma de François Ozon, avec lequel elle tourne quatre films. Dont le premier en 2000, Sous le sable, où le cinéaste offre à Charlotte Rampling le rôle suprême consistant à jouer ce qui précisément l’a hantée toute sa vie : une disparition. Ce très beau portrait signé Valérie Manns s’attache élégamment à lever le voile sur la présence paradoxale de cette actrice anglaise si continentale : timide et audacieuse, splendide et douloureuse, terriblement intense et fuyante à la fois.

L'énigme Charlotte Rampling est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Un sourd et déchirant témoignage de souffrance et d’injustice

Publié le par Michel Monsay

Un sourd et déchirant témoignage de souffrance et d’injustice

Les frères Dardenne, cinéastes essentiels depuis La Promesse en 1996, fidèles à la morale et à la rigueur qui gouvernent toutes leurs fictions, racontent cette histoire terrible avec un sens de l'épure et une sobriété qui servent au mieux un récit tragiquement exemplaire. Un récit qui échappe aux pièges du didactisme comme à ceux, non moins redoutables, de l'angélisme et du misérabilisme. Dans cet univers brutalement contemporain où l'humanisme et la générosité sont foulés aux pieds, seule l'amitié indéfectible entre les deux jeunes personnages dessine une lueur d'espoir. Les cinéastes, sans une image de trop, mettent en scène ce sentiment de fraternité qui unit leurs protagonistes et qui leur permet, malgré les abominations de toutes sortes, de croire en des lendemains meilleurs. Qu’est-ce qui émeut tant dans Tori et Lokita ? Il y a tout d’abord cette évidente simplicité de ton et de regards posés sur deux enfants, une fille et un garçon d’origine africaine, des migrants, autant dire des parias. L’économie des mots tirant à l’épure, les ellipses, la force du hors-champ sont toujours bien présents dans ce film, des marques de fabrique essentielles des cinéastes belges tel le renouvellement de leur confiance en l’intelligence du spectateur. Pas besoin de montrer par le menu l’abjection de violences sexuelles, inutile de raconter le passé tourmenté des protagonistes. Ce sont de petits détails qui parlent, un plan, un mot ici ou là, une gestuelle ou une posture, un étonnement ou une hésitation, les situations encore, qui toutes, précisément, appellent à mieux voir, mieux entendre, mieux comprendre une réalité souvent niée, cachée, voire ignorée. Mais davantage, les frères Dardenne traitent dans Tori et Lokita d’un sentiment magnifique qui existe entre ces deux mômes malmenés, courant à perdre raison après leur destinée, étranglés par leurs réalités désespérées : ce besoin, cette nécessité rarement racontée au cinéma aussi finement jusqu’à présent, c’est celui de faire famille, de s’inventer une vie en se rassemblant, pour se rassurer, s’épauler, survivre, se sauver. Cette dimension porte le film à un point d’émotion insoupçonnée. S’il y a des œuvres qui touchent en premier lieu l’esprit pour finalement atteindre le cœur, Tori et Lokita fait superbement partie de celles-là. La loi du plus fort et l’exploitation du plus faible ont éradiqué l’innocence, la tendresse. Lesquelles subsistent entre Tori et Lokita, comme un trésor de contrebande, une solidarité magnifique et cependant menacée dans une vie qui les expose au pire. Leur souffrance est montrée pudiquement, exprimée à mi-voix, parce qu’elle ne fait aucun bruit et demeure invisible dans un monde qui ne veut rien entendre ni voir. Les frères Dardenne signent une fois encore un  scénario original d'une puissance qui serre le cœur pour stigmatiser une réalité contemporaine : l’immigration économique africaine en Europe. Lucides et courageux, ils réalisent un de leurs films les plus forts, Prix spécial du 75e Festival de Cannes, une récompense de plus à leur impressionnant palmarès.

Tori et Lokita est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toutes les plateformes de VOD.

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