Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

replay

Portrait d'un homme exemplaire au destin hors norme

Publié le par Michel Monsay

Portrait d'un homme exemplaire au destin hors norme

L’immigration étant actuellement et comme toujours au centre d’un épineux et douloureux débat, il pourrait ne pas être inutile de considérer ce très beau documentaire d’Isabelle Wekstein, qui nous offre un exemple d’intégration républicaine particulièrement heureux. Ady Steg (1925-2021), curieusement peu connu du grand public, fut une figure importante du judaïsme français en même temps que de la recherche médicale. Né dans une bourgade juive perdue au fin fond de la Tchécoslovaquie, dans un milieu traditionaliste, il arrive en France avec sa famille en 1932, à l’âge de 7 ans et tombe amoureux des vertus émancipatrices de la République française. Retour de volée glaçant durant l’Occupation, port de l’étoile jaune, père déporté à Auschwitz, miracle de la survie. Ady Steg sort de la guerre avec plus que les honneurs, après avoir rejoint les Forces françaises de l’intérieur en zone libre, à l’âge de 17 ans. Et on n’a rien vu encore. La médecine l’attendait, il en conquiert bientôt les sommets. Avec le professeur Pierre Aboulker à la tête du service d’urologie de l’hôpital Cochin, il opère le général De Gaulle, puis succède au professeur en 1976, et y opère le président François Mitterrand, en 1992, d’un cancer de la prostate, puis partage avec lui le lourd secret de sa maladie jusqu’à la fin. On doit également au Professeur Steg notamment, l’organisation moderne des urgences. Soucieux, par fidélité à ses origines, de défendre un judaïsme intégré dans la cité, il devient une figure de la communauté, comme président du CRIF, puis de l’Alliance israélite universelle, sans parler, plus tard, de son rôle prépondérant au sein de la mission d’étude sur la spoliation des juifs de France. Sous le portrait d’un homme au destin exemplaire, ce que ce film évoque plus largement, c’est bel et bien la relation  que ce destin suggère, des juifs de France à leur pays au cours du XXe siècle. Histoire connue, certes, mais que le montage de ce film, que l’on sent à fleur de peau, présente sous le jour d’une menace qui, jusqu’au plus haut niveau de l’État, ne se sera jamais complètement éteinte. « Peuple sûr de lui et dominateur » (Charles de Gaulle sur la guerre des Six-Jours en juin 1967). « Français innocents » (Raymond Barre au sujet des victimes non juives de l’attentat de la rue Copernic, à Paris, le 3 octobre 1980), amitié indéfectible entre François Mitterrand et René Bousquet, cette belle guirlande nationale dit à quel point, après des siècles de massacre ininterrompu, après la Shoah et les 6 millions de juifs assassinés, l’antisémitisme se révèle une maladie incurable de l’humanité. On doit ce magnifique documentaire à Isabelle Wekstein, réalisatrice en plus d’être avocate, défenseure, notamment, des éditeurs indépendants face à l’ogre Bolloré. Elle était la belle-fille d'Ady Steg, qu’elle côtoya de près et filma longuement en 2011 : « Il ne voulait pas se mettre en avant mais il avait accepté, pour les archives familiales. » Un témoignage vivant, bouleversant d’humanisme et d’excellence, dont la sagesse résonne avec force dans les temps déchirés que nous traversons.

Ady Steg, un parcours juif, une histoire française est à voir ici ou sur le replay de France TV.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Un contresens nourri de scandale et de gloire

Publié le par Michel Monsay

Un contresens nourri de scandale et de gloire

Avec ses lunettes, sa sucette et son rouge à lèvres rouge sur l'affiche du film de Stanley Kubrick, Lolita a longtemps été perçue comme le fruit défendu qui ne demanderait qu’à être croqué. Or, Lolita est une petite fille, elle a 12 ans, ce qui ne l’empêche pas de dire : « Regarde ce que tu m’as fait. Je devrais appeler la police et leur dire que tu m’as violée », comme l’écrit Vladimir Nabokov dans son livre Lolita, publié en 1955 en France, et trois ans plus tard aux États-Unis. Mais alors comment une enfant abusée a pu devenir une icône érotique dans l’imaginaire collectif ? Comment est-on arrivé à un si désastreux contresens ? Ce passionnant documentaire d’Olivia Mokiejewski se propose de faire le point sur la question. D’abord en revenant sur la genèse du livre. Vladimir Nabokov savait que Lolita serait une bombe à retardement : de fait, elle explosa au milieu des années 1950. En s’attaquant au tabou de la pédophilie, l’écrivain américain d’origine russe choque. Jugé immoral et pervers, le manuscrit est refusé par tous les grands éditeurs américains, et c’est finalement en France que le livre sera publié. Le ministère de l’intérieur le fait interdire, la censure durera un an. Mais, comme souvent, l’atmosphère sulfureuse qui entoure l’ouvrage, et déplaît à Nabokov, qui voulait un triomphe littéraire et non un scandale, attire moult lecteurs : le livre connaît un succès bientôt mondial. En 1962, Stanley Kubrick porte Lolita à l’écran, mettant de côté le côté pédophile de l’histoire, ce qui contribue à alimenter le malentendu et à faire de Lolita dorénavant un nom commun et non plus un nom propre. Invité, en 1975, sur le plateau de l’émission Apostrophes, Vladimir Nabokov corrige un Bernard Pivot égrillard : Lolita n’est pas une jeune fille perverse, mais « une pauvre enfant que l’on débauche ». Mais c’est sans aucun doute au Japon que l’image de Lolita a été la plus pervertie, comme en témoigne l’usage que l’on fait des jeunes filles dans les mangas, dans lesquels la pornographie juvénile est autorisée. Un contresens total pour Vanessa Springora. Pour l’auteure du Consentement, Lolita est une condamnation de la pédophilie : « Je me suis sentie prise en compte grâce à ce livre. Je me suis beaucoup identifiée à elle », affirme celle qui, à 13 ans, rencontra un homme de trente-six ans son aîné, Gabriel Matzneff. Quand est posée la question, à la fin du documentaire, sur la possibilité ou non de publier un ouvrage tel que Lolita à l’heure de #metoo, Vanessa Springora est catégorique : se priver d’un tel chef-d’œuvre serait « aberrant ».

Lolita, méprise sur un fantasme est à voir ci-dessous ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Thriller politique haletant

Publié le par Michel Monsay

Thriller politique haletant

Jean-Paul Salomé, dont c'est le meilleur film à ce jour, orchestre habilement un climat paranoïaque teinté de sexisme dans La Syndicaliste, pour raconter un monde gouverné par les hommes (patrons, politiques, policiers). L’expression masculinité toxique n’est pas employée, pourtant, elle suinte à chaque séquence où l'héroïne affronte ces hommes de pouvoir. Le cinéaste n’invente rien, tout est vrai dans l'histoire de cette syndicaliste lanceuse d'alerte qui dérange, et, chose suffisamment rare pour être notée, tous les noms des protagonistes de cette affaire édifiante ont été conservés. Il met en scène avec beaucoup de finesse le combat d’une femme pour retrouver sa dignité et son honneur. Seul le talent tragique d’Isabelle Huppert permet à cette héroïne sacrificielle de rester debout, après tout ce qu’elle a subi. Avec ses lunettes stylées, ses tenues tirées à quatre épingles et sa blondeur d’une orgueilleuse féminité, la grande Isabelle Huppert mêle sécheresse et humanité, acier trempé et chair blessée, sourire carnassier et regard désemparé, parfois dans un même plan. L'ensemble de la distribution est irréprochable. La mise en scène frontale, rapide, autoritaire, rappelle le cinéma engagé d'Erin Brockovich, seule contre tous. La syndicaliste, ce brûlot passionnant et révoltant, véritable plongée dans les coulisses de la France industrielle, de ces enjeux secrets, de ces manigances et ces coups bas, est avant tout le beau portrait d'une femme engagée qui a payé très cher le prix de la vérité.

La syndicaliste est à voir ici pour 4 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Une odyssée humaniste et spectaculaire

Publié le par Michel Monsay

Une odyssée humaniste et spectaculaire

Le Cercle des neiges réinvestit le drame inspiré par un fait réel, à savoir le crash d'un avion uruguayen dans la cordillère des Andes en 1972. Si l’événement a marqué son époque, Juan Antonio Bayona en tire un film à la mise en scène sensible et viscérale. Par ses courtes focales qui accentuent le moindre détail, la moindre texture et le manque flagrant de ressources à disposition du groupe de survivants, chaque plan se raccroche à l’interaction des corps et à leur transformation dans un désert glacial. Au fur et à mesure, on a l’impression de sentir le froid et les odeurs de cet espace mortifère, tandis que les rares signes de vie présents à l’écran semblent atteindre une forme poétique. Cette beauté s'exprime dans l’équilibre parfois précaire entre la dimension mélodramatique du récit, portée par la musique anxiogène et mélancolique de Michael Giacchino, et son souhait de coller au plus près de l’expérience éreintante des protagonistes. La prouesse du Cercle des neiges est de parvenir à traiter de front la dureté de son sujet et ses questionnements moraux, sans sombrer dans une vulgarité sensationnaliste. Le cinéaste creuse les systèmes qui naissent de nos instincts, de notre soif de survie et de notre peur de la mort, le tout avec une approche universelle aux allures quasi-mythologiques. Ce film bouleversant questionne notre humanité et notre rapport au sacré dans une approche sensible et subtile. Cette relecture immersive et profondément touchante de la catastrophe aérienne de 1972, sans sacrifier au sens du spectacle, est un tour de force à la fois visuel et métaphysique.

Le cercle des neiges est à voir ici sur Netflix pour 5,99 € avec pub ou 13,49 € sans pub, un mois sans engagement.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Une comédie sentimentale branchée sur courant très alternatif

Publié le par Michel Monsay

Une comédie sentimentale branchée sur courant très alternatif

Cette comédie pétillante est une version drôle et grinçante de Scènes de la vie conjugale, servie par des dialogues étincelants et de très bons comédiens qui s’amusent autant que nous. Il faudrait presque tous les citer : Camille Chamoux, Damien Bonnard, Jeanne Balibar, Ariane Ascaride, Sofian Khammes. Le réalisateur Ilan Klipper filme le couple en crise comme un terrain à déminer avec une liberté de ton assez exaltante. La crudité et la vivacité des dialogues, l’incongruité des situations, la précision de la direction d’acteurs, l’ironie constante, le désespoir en bandoulière… : il y a du Woody Allen (époque Maris et femmes) dans cette comédie pour adultes consentants. Après avoir fait ses débuts dans le documentaire à la Frederik Wiseman, Ilan Klipper opère un audacieux virage vers un cinéma populaire de qualité reposant sur l’alchimie parfaite entre le nounours Damien Bonnard et la tigresse Camille Chamoux. Radiographie de la vie de couple, de ses grandes défaites et de ses petites victoires, Le Processus de paix pose aussi la question : c’est quoi être normal en 2023 ? Est-ce encore être un couple hétéro, monogame, avec deux enfants, alors que les alternatives n’ont jamais été si nombreuses : union libre, coparentalité, couples qui trouvent leur félicité conjugale dans le divorce… C’est poilant, joyeusement foutraque, angoissé et ça sent le vécu.

Le processus de paix est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Documentaire passionnant aux images grandioses

Publié le par Michel Monsay

Documentaire passionnant aux images grandioses

Cette expédition scientifique islandaise est tout à la fois une métaphore de la genèse du vivant et une déclaration d’amour à des paysages uniques. Durant six jours, un géologue, une géo-microbiologiste, un guide de haute montagne et un photographe longent sur 250 kilomètres la dorsale océanique émergée reliant Hekla, l’un des volcans les plus actifs d’Islande, au glacier Vatnajökull, la plus grande calotte glaciaire du pays. Ces paysages magnifiques sont très semblables à l’idée qu’on se fait de la Terre il y a quatre milliards d’années. Objectif du voyage : mieux comprendre les origines de la vie. Pays de glace et de feu à la conjonction de deux plaques tectoniques, sorti de l'eau il y a environ 20 millions d'années, soit très récemment sur l'échelle géologique, l'Islande possède la plus grande concentration de volcans actifs au monde. Sa nature sauvage et ses paysages modelés au gré des éruptions, des séismes et de l'évolution des glaciers en font un territoire mouvant, semblable à ce que pouvait être la Terre il y a quatre milliards d'années. Les régions les plus hostiles d'Islande, faites de lave en fusion, de geysers bouillonnants et de roche brute, abritent pourtant de fascinantes formes de vie primitives, comparables à celles qui se sont développées dans les premiers océans. Le film invite en fait à envisager les paysages islandais comme des symboles de la saga de la création : chaos originel, apparition des végétaux (mousses et lichens)… Le mode de déplacement, de la randonnée à cheval ou à pied, permet de moins se focaliser sur la science brute que sur le regard des scientifiques sur la nature, et notamment sur le volcanisme. Résilience des fermiers locaux, industrie géothermique… Rien n’est oublié dans ce beau documentaire, à la fois pour comprendre ce pays et les origines de notre planète. Côté visuel, les arrêts sur image permettent de grappiller quelques secondes d’éblouissement devant les clichés d’Olivier Grunewald, et les prises de vues par drones au lent mouvement de montgolfière sont tout aussi remarquables.

Islande, la quête des origines est voir ci-dessous ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Dans la lignée de Fleabag, voici une autre comédie piquante au regard féminin

Publié le par Michel Monsay

Dans la lignée de Fleabag, voici une autre comédie piquante au regard féminin

Comédie romantique américaine d’une grande originalité, cette minisérie est une jolie surprise aussi improbable que drôle et touchante. Elle met en scène une femme mariée qui change de vie et de partenaire chaque fois qu’elle a un orgasme. Il y a dans Slip un regard résolument féministe sur ce que la vie peut offrir quand on est une femme. Faire de l’orgasme féminin le point de départ d’un voyage intérieur est une des belles idées de la série, qui en tire une réflexion stimulante sur les liens entre la libido et l’énergie vitale, entre la jouissance et l’intimité. La performance de la comédienne principale Zoe Lister-Jones est un régal de bout en bout, y compris lorsqu'elle chante, et passe par tous les registres. C’est d’autant plus impressionnant, qu’elle est également créatrice, scénariste et réalisatrice de cette fiction en sept épisodes. Loin des autofictions complaisantes, Slip se détache aussi par son parti pris comique et l’inventivité de la mise en scène. Jamais moralisatrice, Zoe Lister-Jones, qui mixe astucieusement le fantastique et la comédie romantique, signe une minisérie enlevée sur la quête d’identité à travers le prisme de la sexualité.

Slip est à voir ici pour 10,99 € un mois d'abonnement sans engagement sur OCS, ou mieux en profitant des 7 jours offerts et en résiliant avant la fin des 7 jours.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Derrière le génie, l’histoire d’un couple puissamment uni malgré les crises

Publié le par Michel Monsay

Derrière le génie, l’histoire d’un couple puissamment uni malgré les crises

Longtemps, Bradley Cooper s'est rêvé chef d'orchestre. Enfant, il jouait à diriger des symphonies et espérait recevoir une baguette pour Noël. Devenu réalisateur, le voici qui s'offre Maestro, un film d'une grande ambition esthétique et narrative. Il y raconte le chef d'orchestre, pédagogue et compositeur Leonard Bernstein, auteur, entre autres, de la partition du chef-d'œuvre West Side Story. Loin d'un biopic conventionnel, ce qui passionne le cinéaste comédien chez le maestro, c'est la question de la tension qu'inflige le génie à la vie privée. Bradley Cooper ne laisse jamais sa profonde admiration pour Bernstein affadir sa vision du personnage. Son Lenny est à la fois un monstre capable de blesser sciemment ceux qu'il aime, un charmeur irrésistible et un génie musical. Il y a du Clint Eastwood chez Bradley Cooper. Comme son illustre aîné, qui l'a dirigé dans American Sniper et dans La mule, l'acteur révèle, la quarantaine venue, sa vraie nature : celle d'un metteur en scène. Dans une époque où le cinéma américain, obstinément tourné vers un public adolescent, tend à simplifier les enjeux, Bradley Cooper ose les rendre plus subtils, plus complexes. 2023 avait commencé fort avec Tár de Todd Field, biopic imaginaire d'une cheffe d'orchestre monstrueuse jouée à la perfection par Cate Blanchett, l'année s'achève avec Maestro, un autre film musical majeur. Interprété avec rage et talent de manière impressionnante par le réalisateur lui-même, le film vaut aussi par la performance de l'excellente Carey Mulligan toute en délicatesse et en émotion. Fort du triomphe de son coup d’essai, A star is born, Bradley Cooper a eu les mains bien plus libres pour ce Maestro, et cela se voit clairement. Le film vient  prolonger sa réflexion sur le couple, l’art et la célébrité, dans un schéma plus ingénieux, et explore les compromis d’une vie consacrée à faire grandir la musique, et d’un mariage hanté par l’homosexualité du chef d’orchestre. L’orientation sexuelle de Bernstein ne vient en rien invalider l’amour entre Felicia et lui, mais le confirme, le renforce, le met à l’épreuve. Maestro s’inspire du paysage intérieur de Bernstein. C’est un film qui, comme le musicien lui-même, va là où il veut, laisse de côté ce qui lui chante, se laisse guider par son plaisir, et nous permet de rentrer dans l’intimité de Bernstein comme si nous étions cachés derrière la porte. Un grand moment d’émotion, musclé, lyrique, théâtral et subtil à la fois.

Maestro est à voir ici sur Netflix pour 5,99 € avec pub ou 13,49 € sans pub, un mois sans engagement.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Les terrifiants dessous de la cyberguerre

Publié le par Michel Monsay

Les terrifiants dessous de la cyberguerre

En six épisodes addictifs, cette minisérie à la John Le Carré mais version 2.0 montre le nouveau visage de l’espionnage. Guerre virale de la désinformation, sites internet bidons, fake News, manipulation des images… La paranoïa est désormais poussée à son extrême, gangrénant de l’intérieur la sécurité intérieure des démocraties. Parmi les nombreuses qualités de cette série, signalons le personnage principal Saara interprétée avec une belle intensité par Hannah Khalique-Brown, l'ensemble de la distribution est d'ailleurs impeccable avec notamment Mark Rylance, qui avait obtenu un Oscar pour Le pont des espions, et Simon Pegg, un des personnages centraux de Mission impossible. Le personnage de Saara est d'autant plus intéressant que c'est une anti héroïne, femme de l’ombre indienne, musulmane, introvertie et geek silencieuse, clairement engagée dans les renbseignements britanniques pour des questions de diversité. Autre qualité de la série : sa mise en scène, qui plutôt que de filmer des écrans d’ordinateur, convertit les colonnes de chiffres en autant de labyrinthes et dédales mentaux dans lesquels s’égare Saara. Donnant ainsi naissance à des séquences visuelles ludiques, où Saara évolue dans des tunnels, bâtisses et autres décors, reposant sur de faux raccords et images manquantes qui distordent de notre logique et exacerbent notre curiosité. Peter Kosminsky, l'un des plus grands réalisateurs de la télévision britannique, auteur de remarquables séries et téléfilms, a enquêté trois ans pour lever le voile sur ces conflits qui se déroulent par claviers interposés. Comme dans Le Serment (2011), sa série sur la responsabilité anglaise dans le conflit israélo-palestinien, ou The State (2017), centrée sur des adolescents britanniques qui partent faire le djihad en Syrie, c’est à travers le regard de la jeune génération que l’ex-reporter et documentariste questionne la possibilité d’un monde meilleur dans The Undeclared War. Une fois encore le créateur anglais s’empare de la fiction pour ausculter le monde et constater le chaos géopolitique contemporain. The undeclared war alerte ainsi sur cette guerre de l’information qui sévit, et sur les réseaux sociaux qui peuvent être détournés pour influencer les opinions publiques, en se livrant au passage à une prédiction malheureusement réaliste aussi sombre que frappante.

The undeclared war est à voir ici en choisissant l'offre Canal + séries  à 6,99 €, un mois sans engagement.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

Déracinement et des ailes

Publié le par Michel Monsay

Déracinement et des ailes

En 2021, Lina Soualem présentait son premier documentaire poignant, Leur Algérie, centré sur les parents de son père, l’acteur Zinedine Soualem. Deux ans plus tard, la réalisatrice de 33 ans s’attaque au côté maternel et choisit de partir d’un récit individuel fort pour raconter une histoire collective. C’est d’ailleurs la première fois que sa mère, Hiam Abbass, apparaît dans un film documentaire. L’actrice palestinienne à la carrière internationale, qui a notamment tourné pour Cédric Klapisch, Jim Jarmusch, Steven Spielberg ou encore Denis Villeneuve, est devenue aussi une figure familière du petit écran, entre l'excellente minisérie Oussekine (sur Disney+), Succession ou Tout va bien. Depuis trente ans, elle jongle entre films palestiniens, européens et américains. Une carrière lancée après avoir quitté, un peu avant ses vingt-cinq ans, sa Palestine natale et son village de Deir Hanna, où elle est née en 1960. Lina Soualem entraîne sa mère dans un voyage sur les lieux perdus de son enfance, près du lac de Tibériade, et dans la mémoire familiale. Peu à peu, au fil de questions assez directes et d’approches subtiles faites de poèmes et de scènes jouées, elle cerne la force déployée par sa mère pour s’affranchir de la tradition patriarcale et assumer son choix de liberté. Revenir à Deir Hanna, c’est aussi mettre en lumière les figures féminines de la lignée, elles aussi marquées par le déracinement. Um Ali, l’arrière-grand mère, a été expulsée de son village natal lors de la Nakba, (« catastrophe » en arabe, qui désigne l’exode forcé de sept cent mille Palestiniens lors de la création d’Israël). Nemat, la grand-mère, est devenue institutrice, malgré les obstacles dressés par la guerre. Entrelacement d’images du présent, de films familiaux, d’archives historiques, Bye bye Tibériade navigue entre le récit intime et l’histoire, ravivant les douleurs mais aussi la capacité de résistance de quatre générations de femmes palestiniennes. Son regard tendre embrasse le chagrin comme les moments de drôlerie, et compose une méditation émouvante sur la liberté d’être soi, la transmission et la puissance des héritages.

Bye bye Tibériade est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

Partager cet article
Repost0

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 > >>