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L’art de la succulente légèreté

Publié le par michelmonsay

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Consécration pour cette alsacienne de 34 ans, désignée chef pâtissier de l’année par ses pairs et dans le guide Gault et Millau 2013, pour ses remarquables desserts mêlant habilement classicisme et modernité, qui font le bonheur des clients du restaurant Lasserre. Dans ce haut-lieu de la gastronomie qui a deux étoiles au Michelin, Claire Heitzler a trouvé l’écrin idéal à l’épanouissement de sa sensibilité créative après un parcours d’une grande richesse.

 

L’année se termine bien pour Claire Heitzler, elle vient d’être élue chef pâtissier de l’année à la fois par les 8950 chefs référencés au Michelin et par le guide Gault et Millau. Si elle apprécie à sa juste valeur la double reconnaissance, cette compétitrice dans l’âme ne veut pas se laisser griser par les nombreuses sollicitations qui en résultent, et n’oublie surtout pas de rester concentrée au quotidien sur les desserts qu’elle confectionne entourée de sa brigade : « C’est aussi une récompense pour mon équipe et pour le restaurant Lasserre, qui me permet matériellement et humainement, avec 7 personnes qui travaillent avec moi en pâtisserie, d’exercer dans les meilleures conditions. » Depuis quelques années le métier a bien évolué, un chef pâtissier n’est plus en-dessous du chef de cuisine, Claire Heitzler apprécie cette autonomie dont elle a besoin pour pleinement exprimer son talent.

A l’approche des Fêtes, la traditionnelle bûche de Noël sera une nouvelle fois incontournable, et chaque année c’est la même rivalité créative entre les grandes maisons. Chez Lasserre, la carte est composée de classiques comme la bûche, et de créations plus personnelles comme le dessert du 31 décembre que va proposer la chef, à base de marrons et de cassis dans un dessin assez volumineux constellé d’étoiles. Pour autant, elle prend le même plaisir à donner le jour à de nouvelles recettes qu’à réinventer les classiques à sa manière : « J’y apporte de la légèreté, de la fraîcheur, des fruits et j’aime que mes desserts soient d’une part peu sucrés, les palais saturent à la fin d’un repas, et d’autre part qu’ils soient ludiques, colorés, appétissants. Même si on mange avant tout avec les yeux, il ne faut pas que le côté esthétique prenne le dessus sur le gustatif, comme on a pu le voir à Paris depuis quelque temps. »

 

Le bon établissement pour s’épanouir

Cela fait maintenant deux ans que cette jeune femme perfectionniste est arrivée chez Lasserre, après un passage difficile au Ritz où elle n’a pas obtenu les moyens qui correspondaient à ses attentes pour développer son potentiel créatif. Alors que chez son employeur actuel qui a opéré en 2010 un rajeunissement de son équipe avec un nouveau chef de cuisine, un nouveau directeur de restaurant et donc un nouveau chef pâtissier, elle a retrouvé l’inspiration et l’amour de son métier. Outre les récentes distinctions obtenues, les clients du restaurant mangent davantage de desserts qu’avant, et sont très réceptifs à ce mélange de classicisme et de modernité. Elle aime par-dessus tout surprendre la personne qui va déguster, en dissimulant à l’intérieur d’un dessert une texture inattendue, sans pour autant utiliser trop de saveurs différentes, préférant plutôt décliner un produit sous plusieurs formes, comme le fruit en mousse, marmelade ou sorbet, pour le mettre en valeur et que le client le reconnaisse.

Pour Claire Heitzler, la pâtisserie : « C’est un moment de plaisir et de gourmandise, le sucre, nous en avons tous besoin, notamment lorsque nous n’avons pas le moral, il est un élément important de notre alimentation. Très tôt attirée par les métiers de bouche, j’ai préféré la pâtisserie à la cuisine, pour son côté plus délicat, plus fin, plus précis et où l’on peut davantage jouer avec les couleurs et les formes.»

 

Les coulisses de la création

Les idées de nouveaux desserts lui viennent souvent avec l’envie de travailler un produit de saison d’une qualité exceptionnelle, comme récemment la poudre de pistache de Syrie que lui a proposée son fournisseur, qui continue à lui livrer malgré la situation dramatique de son pays. Une fois le produit trouvé, elle cherche avec quoi l’associer afin d’atteindre un équilibre. Pour la pistache qui est douce et grasse, ce sera des fraises des bois de Malaga qui sont très parfumées, et un confit de cassis pour amener une pointe d’acidité. Reste ensuite à consulter sa carte actuelle afin de créer un dessert différent dans la forme et la couleur. Puis commencent les essais avec son second durant 15 jours à 3 semaines pour finaliser la création.

Parmi ses plus belles réussites, il y a un dessert aux pistaches et aux agrumes réalisé au Japon lorsqu’elle était chef pâtissier du restaurant Beige d’Alain Ducasse, où l’on retrouvait quelques points essentiels qui caractérisent Claire Heitzler : La légèreté, la qualité des produits et un magnifique jeu de couleurs. Dans ses créations chez Lasserre, elle en évoque une dont elle aimait beaucoup l’esthétisme et la fraîcheur, qui était composée d’un demi dôme de mousse au champagne avec un sorbet à la fraise des bois caché à l’intérieur, le tout posé sur une gelée de litchis et avec des fraises bois sur le dessus.

 

Naissance d’une vocation

C’est en travaillant dans le restaurant d’amis de ses parents pour se faire de l’argent de poche lorsqu’elle est au collège, que Claire Heitzler sent que sa voie est là. D’autant qu’elle habite durant son enfance alsacienne en face de la fameuse pâtisserie de Christine Ferber, et s’arrête régulièrement pour regarder travailler en cuisine. Pourtant ses parents fonctionnaires ne la poussent pas dans cette direction, et en tant que fille elle a du mal à trouver un maître d’apprentissage. Ces obstacles la motivent encore plus, et elle ne va avoir de cesse de prouver sa valeur. Elle commence par quatre années dans un lycée hôtelier où l’aspect pratique lui manque, et choisit définitivement la pâtisserie en intégrant celle de Thierry Mulhaupt à Strasbourg durant deux ans, où elle devient meilleur apprenti d’Alsace. Après cette formation en pâtisserie de boutique où elle acquiert de solides bases, elle s’oriente vers la restauration dont elle aime l’effervescence, et devient commis chez Troisgros à Roanne. Période très riche où elle apprend beaucoup, avant d’enchaîner dans un autre 3 étoiles chez Georges Blanc, puis devient chef pâtissier à 24 ans au restaurant l’Amphitryon à Lorient.

 

L’enrichissement d’autres cultures

L’envie de travailler à l’étranger l’amène à Londres dans un autre établissement étoilé, avant qu’Alain Ducasse ne lui propose d’abord le Plaza Athénée à Paris qu’elle décline à cause d’une marge de manœuvre trop étroite, puis le restaurant Beige à Tokyo qu’elle accepte pour ne pas refuser une seconde fois au grand chef français. Pourtant l’Asie ne l’attire pas de prime abord, et la première année se révèle très difficile à cause de la différence de culture et de manière de travailler, mais les deux années suivantes vont durablement la marquer : « C’est un pays magnifique autant au niveau des rencontres, que de sa culture et sa gastronomie où je me suis éclatée une fois passée l’adaptation. Cette expérience japonaise où l’on privilégie une pâtisserie assez légère, peu sucrée et avec beaucoup de fruits a largement influencé mes créations d’aujourd’hui. »

Voulant ensuite se confronter à un univers hôtelier, elle prend la direction du Park Hyatt de Dubaï où elle gère en tant que chef pâtissier un restaurant français, un restaurant arabique avec 3 pâtissiers syriens, une boutique de pâtisseries et les petits déjeuners dans les chambres de l’hôtel. Ces deux années passées aux Emirats arabes unis l’ouvrent à la fois à des saveurs inconnues de son palais, qu’elle continue en permanence à éduquer, et à de nouvelles responsabilités où elle ne fait pas que créer. Sans parler de la clientèle qui mange en plus grosse quantité et dont les goûts ne sont pas vraiment les mêmes qu’au Japon.

 

Sa passion pour seul guide

Enrichies de toutes ces expériences et même si elle se sent bien à l’étranger, elle revient en France pour accepter la proposition du Ritz à Paris, le légendaire établissement de la place Vendôme, avant de trouver l’épanouissement et la consécration chez Lasserre. En dehors du restaurant, Claire Heitzler ne fait que très rarement la cuisine si ce n’est pour sa famille ou des amis, mais avec son ami lui-même dans la restauration, ils préfèrent aller manger dehors lorsqu’ils ne travaillent pas. Elle fréquente quatre fois par semaine un club de sport pour éliminer les bienfaits de ses pâtisseries et le stress, qu’elle oublie également en s’occupant de ses bonsaïs. Pour finir, lorsqu’on lui demande le moment qu’elle préfère dans son métier, on ressent l’intensité de sa passion : « C’est indéniablement la finalisation d’un dessert quand j’ai trouvé la dernière petite touche, que je le regarde en ayant la banane et en me disant qu’il est beau et bon et va apporter du plaisir au client. C’est aussi lorsque l’on donne un challenge à un jeune apprenti et qu’il le réussit, cela fait vraiment plaisir. »

 

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Populaire et exigeant

Publié le par michelmonsay

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Depuis plusieurs années, Vincent Lindon est au sommet de son art. Il incarne ses personnages avec une justesse sidérante et a le bon goût de choisir ses films en faisant un quasi sans-faute. Cet homme bouillonnant au jeu physique et instinctif, aime les gens et s’en inspire par mimétisme pour toucher la vérité du métier de comédien. A 53 ans avec plus de 50 films à son actif, il est, chose assez rare, autant apprécié du public que de la critique et de la profession.

 

A l’affiche du plus beau film de la rentrée, « Quelques heures de printemps » , Vincent Lindon dont c’est la deuxième collaboration avec le réalisateur Stéphane Brizé après « Mademoiselle Chambon », a littéralement adoré à la fois le travail avec ce cinéaste et les deux scénarios qu’il lui a proposés. Si à la lecture d’une histoire, ce comédien instinctif rêve d’être le personnage, il acceptera le rôle, aucun autre critère ne compte : « Je ne choisis pas un film parce qu’il est engagé, a un rapport avec l’actualité, ou va me permettre d’être un acteur civique qui défend une cause. Cela dit, tous les grands films que ce soit des comédies ou des drames ont une résonnance sociologique. Pour qu’un film dure et entre dans la mémoire des gens, il ne doit pas être qu’une histoire, il doit aussi parler d’eux. »

Il se trouve que dans son dernier film il est question de la fin de vie, problème qui revient sur le devant de la scène avec la réflexion que vient de lancer le Président Hollande sur le sujet. Qu’un film soit rattrapé ou provoque l’actualité et que l’on en parle ailleurs que dans les pages cinéma, Vincent Lindon ne le recherche pas au début mais il en est ravi si cela arrive. Comme pour « Welcome » avec les immigrés clandestins de Calais. Il n’aime pas les classifications qui différencient un cinéma d’auteur d’un cinéma populaire, selon lui un film peut être les deux à la fois et il ne veut surtout pas être enfermé dans l’un ou l’autre.

 

Sa conception du métier

Même s’il ne souhaite pas trop parler de sa manière d’aborder un rôle, de s’approprier un personnage, il livre quelques pistes : « Si je cherche à expliquer comment je fais, je vais en devenir conscient et y perdre quelque chose. Je peux seulement dire que je regarde énormément les gens, leur façon de bouger, de parler, comment ils mettent leurs chaussures, retroussent les manches de leur chemise, tournent leur café, comment ils mangent. C’est ça qui m’intéresse et je pense que c’est là où sont les personnages, le reste est de la philosophie.» Lui qui vient d’une famille très bourgeoise, il n’est attiré que par des personnages appartenant aux classes moyennes ou des ruraux : « J’aime leur façon de vivre, d’être pudique avec leurs sentiments. » Etre acteur n’est pas un état mais juste un métier pour Vincent Lindon, et de ce fait il ne se sent pas supérieur aux autres et reste très abordable. Il aime faire des courses au supermarché, prendre le train, boire des coups au café avec des gens, avoir une vie de monsieur tout le monde.

Son jeu physique, qui utilise un incroyable mimétisme, s’épure avec le temps. Il essaie de plus en plus de remplacer une phrase par un regard, une réaction, une émotion, un silence. D’ailleurs, une dame croisée dans la rue lui a dit : « J’adore comment vous faites pour jouer en silence. »

 

L’incroyable absence de récompense

Depuis de nombreuses années, il est considéré comme l’un des tous meilleurs comédiens français et pourtant il n’a jamais obtenu de prix. A 35 ans, il l’analysait avec tristesse et aigreur, à 45 avec étonnement et aujourd’hui à 53 ans, avec philosophie et joie en se disant : « Pourvu que ça dure parce que ça commence à devenir très classe. Je préfère voir le titre du Parisien l’année dernière, « Vite un César pour Lindon », que de l’avoir. Pardon pour la comparaison mais Chaplin et Mitchum n’ont jamais eu l’Oscar, et Tom Hanks l’a eu deux fois. Ou bien en France, Montand, Ventura, Dewaere n’ont jamais eu de César, franchement ça a de la gueule de ne pas en avoir. » Il reconnaît cependant que des acteurs très talentueux ont un César, mais ce côté très direct lorsqu’il a quelque chose à dire quel que soit son interlocuteur, caractérise assez bien celui que l’on compare souvent à Patrick Dewaere.

Cette liberté qu’il revendique haut et fort est son luxe à lui, pour cela il n’est propriétaire de rien, ni maison, ni appartement, ni bateau, ni piscine et n’a aucun crédit. Il peut ainsi ne pas tourner pendant un moment, choisir les films qu’il veut, refuser des grosses productions mais lorsqu’il s’engage, il a une règle : « Un film est une entreprise et comme mon père m’a toujours appris à être scrupuleux, je ne veux pas qu’un producteur ou un distributeur perde de l’argent dans une entreprise à laquelle j’ai participé amplement. »

 

Des grands films et des belles rencontres

Sur la cinquantaine de films tournés, Vincent Lindon a l’impression que depuis 1996 et « Fred » de Pierre Jolivet, il s’est passé quelque chose et de ce fait sa filmographie a pris une autre dimension, même si avant il conserve une tendresse pour « La crise » et « Gaspard et Robinson ». Il faut bien reconnaître que depuis une quinzaine d’années, on l’a adoré autant que lui a pris du plaisir à tourner dans Vendredi soir, Welcome, Mademoiselle Chambon, Ceux qui restent, Ma petite entreprise, Toutes nos envies ou son dernier qui sort en septembre, Quelques heures de printemps. Cette carrière de grande qualité signifie aussi pour lui de belles rencontres humaines : « Coline Serreau, Philippe Lioret, Benoit Jacquot, Alain Cavalier, Stéphane Brizé, pour n’en citer que 5. Avec eux, au-delà de l’aspect cinématographique, c’est une façon de se parler, une courtoisie sur le tournage avec les gens de l’équipe et une absence de familiarité qui me plaisent. »

Le théâtre se jouant au moment de la journée où Vincent Lindon aime flâner, boire des coups, refaire le monde, il préfère s’en passer. Cela dit, le cinéma le comble pleinement par sa richesse, sa mobilité où chaque jour est différent, et il ne comprend pas ceux qui disent que le cinéma est moins dangereux que le théâtre du fait que l’on puisse refaire une prise. Lui, dès que la caméra tourne, il est à fond pour donner le meilleur de lui-même.

 

Une découverte qui a tout changé

Pourtant le cinéma est arrivé par hasard dans sa vie, en s’inscrivant à 24 ans au cours Florent où il y avait des belles filles, il ne pensait pas qu’il allait avoir le coup de foudre pour ce métier. L’adolescent avait rêvé d’être médecin, avocat ou haut gradé dans la police pour mener des enquêtes. Il garde un mauvais souvenir de son enfance jusqu’à 14 ans, avec plusieurs souffrances comme le divorce de ses parents, l’apparition de ses tics. Ensuite, cela s’est amélioré peu à peu et depuis l’âge de 20 ans, cet homme angoissé par la mort adore la vie tout en étant conscient de son caractère bouillonnant : « C’est vivant, ça bouge, ça circule à l’intérieur, je me sens comme le lapin Duracell, je fais marcher mon cerveau en permanence parfois pour des conneries, souvent même, j’ouvre ma gueule tout le temps pour dire ce que je pense y compris quand ça ne me regarde pas, et je suis souvent en colère. »

La presse people qui a régulièrement rendu compte de ses relations, il s’en moque éperdument et leur intente des procès pour le respect du droit à la vie privée et à l’image, et surtout pour qu’on lui fiche la paix.

 

Des valeurs saines

Nostalgique de la génération précédent la sienne, il n’apprécie que très moyennement notre époque : « Plein d’électrons se heurtent au sens de mes valeurs. » Il ne supporte pas les gens qui passent leur temps plongé dans leur téléphone mobile avec Twitter et Facebook notamment. Il revendique plus de civilité, d’humilité, d’attention aux autres. Lorsqu’il ne tourne pas, Vincent Lindon ne s’ennuie jamais, il aime passer du temps avec ses amis, s’occuper de ses enfants, courir, nager, jouer à la pétanque, regarder des films tard.

Sans plan de carrière même si elle évolue idéalement, il ne pense pas à l’avenir si ce n’est à continuer de découvrir des histoires qui déclenchent en lui l’étincelle : « Je n’ai jamais su vers où je voulais aller, je regarde souvent derrière pour voir si j’ai avancé, mais jamais devant. La définition de l’art est que l’on ne tombe jamais pile là où on l’avait décidé, ou alors on n’a pas fait de l’art. Si jamais demain, aucune proposition ne me plaît pendant 3 ans, j’arrête le cinéma et j’ouvre un restaurant. Je n’accepterai pas un film pour manger. Je ne galvauderai pas ce que j’ai fait avec autant de passion et de précision. »

 

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Une trajectoire hors normes

Publié le par michelmonsay

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D'abord médecin rhumatologue puis chercheuse jusqu'à devenir Docteur ès sciences en étant Bac + 19, Claudie Haigneré est à ce jour la seule femme astronaute européenne à avoir volé dans l'espace. Après avoir été Ministre de la recherche puis des affaires européennes, elle dirige aujourd'hui Universcience, la réunion du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie.

 

Depuis deux ans et demi, Claudie Haigneré s'est vue confier la mission de regrouper le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie de Paris, dans un même établissement public appelé Universcience. Elle en a été nommée présidente en février 2010, une évidence dans la continuité de son parcours. La science, la technologie, le partage des connaissances, la transmission ont toujours été ses principales motivations. Pouvoir agir en réunissant ces deux lieux prestigieux l'a incitée à relever le challenge : "On est dans une civilisation de l'information, à la fois  complexe et accélérée avec des avancées scientifiques, des progrès technologiques. Il est important pour le public d'avoir des repères, Universcience a l'ambition d'accompagner chacun. Pour autant, cette réunion n'est pas facile, les deux maisons étant de taille, de culture et de statut différents, je dois penser à un avenir qui nous soit commun sans que chacune ne perde son âme et son identité."

 

Mettre la science à portée de tous

Cet ambitieux projet l'amène à rechercher des partenaires en région et des moyens financiers pour le mettre en place. Outre les subventions des ministères de la culture et de la recherche, Universcience a obtenu dans le cadre du grand emprunt 2010, une enveloppe dédiée à des investissements d'avenir, notamment dans le domaine de l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire. A ce sujet le 1er forum territorial de la culture scientifique et technique qui s'est tenu en septembre 2010, a réuni l'ensemble des acteurs nationaux et régionaux pour définir la meilleure gouvernance possible à la mise en place de cet enjeu majeur du XXIe siècle irrigant aussi les territoires ruraux.

Comme le précise Claudie Haigneré : "Mon rôle est d'organiser la meilleure médiation entre les savoirs des scientifiques et la connaissance de chacun. Être un passeur entre les cahiers des chercheurs et ce que le public peut s'approprier de manière à comprendre la science et la technologie. Autant dans l'éducation des plus jeunes en suscitant des vocations que dans la formation à la responsabilité de citoyen, pour préparer l'avenir avec audace et créativité."

 

La politique pour servir la science

Femme d'engagement sur des sujets qui lui sont chers plutôt que femme politique, elle n'a toujours accepté des missions que dans des domaines où elle se sentait légitime. Lorsque Jean-Pierre Raffarin lui propose de devenir Ministre de la recherche en 2002, puis Ministre des affaires européennes en 2004, elle témoigne d'un cursus scientifique impressionnant et d'une collaboration de travail avec l'agence spatiale européenne de plusieurs années. Cette période au gouvernement, malgré un contexte difficile de guerre contre "l'intelligence" et de "non" au référendum du traité européen, a permis à Claudie Haigneré de porter certaines de ses convictions jusqu'au bout.

En premier lieu, elle a reconstruit la politique spatiale française et européenne après l'explosion en plein vol d'Ariane 5 en 2002, et depuis, plus aucun échec pour la fusée européenne sur les 38 lancements effectués. Une autre grande fierté pour la ministre de la recherche est l'attribution à la France, du lieu de construction et d'exploitation du démonstrateur du réacteur de fusion nucléaire ITER. Grand projet de production d'énergie par une fusion comme au cœur des étoiles, en collaboration avec l'Europe, les Etats-Unis, la Russie, le Japon, la Chine et l'Inde. Claudie Haigneré et son équipe ont aussi eu l'idée d'une agence nationale de la recherche, qui sera créée juste après son départ du gouvernement. Elle ajoute : "Je suis heureuse qu'entre 2004 et aujourd'hui, il y ait eu une prise de conscience concernant l'importance du développement de la recherche et des technologies innovantes. En 2004, ma voix a commencé à porter, la rue m'a aidée à la diffuser et aujourd'hui la recherche est une priorité reconnue et mise en œuvre."

 

Une élève surdouée

Au commencement de ce parcours, il y a une petite fille de 12 ans qui voit à la télé les premiers pas de l'homme sur la lune : "Ce qui appartenait au domaine du rêve est devenu possible. Je n'ai pas décidé cette nuit-là de devenir astronaute mais quelque chose s'est allumée dans ma tête, j'ai lu des revues, regardé des reportages." Claudie Haigneré est une brillante élève qui arrive au Bac avec 2 ans d'avance, ce qui l'empêche d'intégrer l'INSEP pour devenir prof de gym. Elle choisit alors médecine pour étudier la physiologie et l'anatomie afin de bien préparer le concours de l'INSEP l'année suivante. En finissant major cette première année si difficile, il lui paraît évident qu'elle doit continuer, tout en ne s'éloignant pas trop de sa première passion.

Elle devient médecin rhumatologue, spécialiste en traumatologie du sport, puis développera ensuite un programme de recherche en vol sur le fonctionnement du corps qu'elle présentera lors de sa candidature pour devenir astronaute. De sa pratique médicale, elle retient : "J'ai choisi d'exercer en équipe à l'hôpital Cochin la rhumatologie, qui n'est pas une spécialité d'urgence, où l'on s'occupe du fonctionnement du corps en prenant le temps d'expliquer au patient." Sa soif d'apprendre toujours plus, la pousse à aller jusqu'à Bac + 19 en accumulant les diplômes et en devenant étudiante chercheuse au CNRS, ce qui lui permet d'obtenir le titre de Docteur ès sciences.

 

L'aventure spatiale

L'appel à candidatures du Centre national d'études spatiales en 1985 pour recruter des astronautes, recueille 1000 dossiers, seulement 7 sont retenus dont une femme, Claudie Haigneré. Elle analyse ainsi sa sélection : "Des compétences, la détermination, une bonne santé, des bons critères physiques, physiologiques, psychologiques, une bonne structuration, des capacités à s'adapter, à communiquer, à apprendre les langues, et une part de chance." Après ses années de recherche en neurosciences sur le rôle de la gravité dans la coordination des mouvements, elle est choisie pour être astronaute doublure sur des vols franco-russes et part s'entraîner en 1992 à la cité des étoiles près de Moscou. Elle y passe près de 10 ans où malgré des entraînements difficiles durant lesquels elle se donne à 200%, être la seule femme ne lui pose pas de problèmes.

Elle devient la première et unique femme astronaute européenne à avoir volé, et ce à 2 reprises en 1996 (station orbitale russe MIR) et 2001 (Station Spatiale Internationale) où elle séjourne en tout 25 jours dans l'espace : "D'un seul coup tout se met en œuvre, vous êtes installé tout en haut de la fusée et c'est la mise à feu. Ce que vous aviez répété en simulateur s'avère bien différent de la réalité. En 8 min les 3 étages de propulsion de la fusée mettent en orbite le vaisseau Soyouz à 200 km de la terre, puis s'ensuivent 48h de manœuvres pour s'amarrer à la station spatiale qui se trouve à 400 km. La station se déplace à 28 000 km/h, on fait donc 16 fois le tour de la terre par jour. C'est magique d'ouvrir la porte de l'écoutille, d'être en microgravité, de regarder par le hublot… avec cette responsabilité de mener à bien le programme scientifique à bord de la station. Le retour est plus viril que le décollage qui se fait par poussées progressives. Ca bouge énormément et c'est tellement au-delà de ce que notre système vestibulaire est capable de comprendre, que j'ai eu l'impression la 1ère fois de m'écraser contre le pupitre de bord. J'ai donc fermé les yeux pendant une minute, le second vol, je ne les ai pas fermés."

 

Une reconnaissance à double sens

En tant que médecin et scientifique, Claudie Haigneré a particulièrement apprécié durant ses 2 vols, de découvrir les possibilités qu'a le corps d'utiliser les 3 dimensions de l'espace. Le spectacle vu par le hublot lui a fait prendre encore davantage conscience, de la responsabilité des humains face à la beauté et la fragilité de la terre porteuse de vie au milieu du cosmos noir. Toutes ces années passées en coopération internationale au cours des missions au sol et dans l'espace ou en travaillant pour l'Agence spatiale européenne lui ont apporté beaucoup de bonheur et de nombreuses distinctions russes, allemandes et françaises en étant notamment Commandeur de la Légion d'honneur.

A 55 ans, lucide sur son incroyable parcours, elle conclue simplement : "Avec tout ce que l'on m'a donné, j'ai eu beaucoup de chance, et de part toute l'estime que l'on m'a témoignée, je suis redevable à beaucoup de gens. Voilà pourquoi je suis aujourd'hui dans la transmission, le partage et la promotion de la culture scientifique et technique. Avoir cette responsabilité est une fierté et un engagement total."

 

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Entre douceur et humour grinçant

Publié le par michelmonsay

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Portrait réalisé en mars 2011

 

 

Déjà 37 ans d’une carrière jalonnée de chansons entrées au Panthéon de la variété française de qualité, pour Louis Chedid. Il revient après le succès du Soldat rose, le conte musical qu’il a composé, avec un nouvel album plus intimiste enregistré avec son fils -M-. Il est actuellement en plein cœur d’une tournée, le meilleur moment pour cet humaniste à la fois rêveur et très lucide.

 

C’est un chanteur heureux que l’on retrouve, dont le dernier album sorti en novembre 2010 a reçu un accueil favorable des médias, et du public en devenant disque d’or. Aboutissement et récompense d’un travail assez long dans lequel Louis Chedid s’est beaucoup investi en parlant un peu plus de lui, et en allant chercher l’inspiration au plus profond de ses émotions. Ce monde d’apparences dans lequel on vit ne l’a jamais intéressé, et à 63 ans, il se concentre encore plus sur l’intériorité, que ce soit la sienne ou celle des gens qu’il rencontre. Chose rare à notre époque, il n’a pas peur des bons sentiments à partir du moment où ils sont sincères, voilà pourquoi il a intitulé son album : On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à distiller des chansons aux paroles grinçantes, avec la douceur qui le caractérise si bien.

Malgré l’expérience accumulée avec ses 15 albums précédents et la notoriété acquise, il n’est pas assis sur des certitudes et ressent la même appréhension à chaque fois : « Les gens comparent toujours les nouvelles chansons aux anciennes, aujourd’hui il n’y a plus de valeur sûre, on peut avoir de très bonnes ventes pour un disque et puis beaucoup moins celui d’après. »

 

La belle entente

Cet album est à part dans sa carrière. S’il l’a écrit et composé comme toujours, pour la première fois il a entièrement enregistré les 11 chansons avec son fils Matthieu (-M- de son nom de scène) dans une approche artisanale en jouant tous les instruments uniquement à deux : « J’ai fait des disques très produits, notamment enregistrés aux fameux studios Abbey Road à Londres avec des instruments à cordes, mais là j’avais envie d’un album dépouillé qui mette en valeur l’émotion, la voix, les paroles, être le plus à nu possible. D’ailleurs, je ne désespère pas de faire un album guitare voix, en tout cas j’aimerai bien l’essayer sur scène, cela apporte une fraternité, un courant humain. »

Cela fait déjà 19 ans qu’il travaille avec son fils mais jamais encore totalement comme ici. Au-delà de l’entente humaine il y a une entente musicale qui a été le moteur durant toutes ces années de cette collaboration débarrassée de tout ego. Louis Chedid considère Matthieu comme l’un des meilleurs musiciens français actuels, et il n’a pas tout à fait tort au vu des demandes de toutes parts dont -M- est l’objet : « C’est un privilège de l’avoir à mes côtés, et il participe pleinement au succès de l’album. »

 

Le secret d’une réussite

Très humble par rapport à la longévité de sa carrière et à la chance de ne pas être un artiste dont l’heure de gloire n’a duré qu’un temps, il reconnaît avoir eu un acharnement salutaire dans les moments de doute : « Personne ne vous attend, il faut prouver que vous êtes encore là, notamment après des échecs. Une carrière est faite de hauts et de bas, les bas peuvent soit vous couler soit vous aider à avancer, savoir gérer ces moments est la base d’un métier artistique. » Pur autodidacte, il n’a jamais pris de cours de chant si ce n’est avec les Petits chanteurs à la croix de bois, ni de guitare où il a appris tout seul à l’oreille. A l’image de Paul McCartney, il compose ses chansons sans savoir écrire une note de musique.

Un premier jet vient instinctivement puis il peaufine les paroles et les arrangements. S’il aime avant tout les ballades avec de belles mélodies que l’on retrouve abondamment dans sa discographie, comme Anne ma sœur Anne ou Ainsi soit-il, il s’est régulièrement laissé aller avec bonheur à des morceaux plus rythmés comme l’excellent God save the swing. Sa préférence chez les autres artistes allant à des chansons empreintes d’une certaine tristesse, dont l’ambiance le fascine comme Avec le temps de Léo Ferré ou Yesterday des Beatles.

 

La communion avec le public

La scène a toujours été le moment le plus jubilatoire pour lui, surtout après la 3ème chanson une fois passée la tension au début du concert. C’est là qu’il peut donner la pleine expression de son art : « Dans notre métier en dehors de la scène, il y a soit un intermédiaire entre l’artiste et le public, soit ce sont des petits morceaux de votre travail comme à la télé. Alors qu’en concert, votre vie défile durant deux heures et vous êtes en direct avec les gens sans intermédiaire. Si vous leur donnez ce qu’ils attendent, vous recevez en retour un amour, une chaleur. » Ceux qui ne connaissent pas Louis Chedid sur scène pourraient penser que sa prestation est assez figée, alors qu’en fait c’est le contraire et le public finit debout en dansant.

Il reconnaît néanmoins l’importance de la télé ou la radio comme diffuseur, et il est toujours impressionné d’entendre la première fois une de ses chansons écrites seul dans son coin, qui tout d’un coup est écoutée par des milliers voire des millions de personnes.

 

Le Soldat rose

Ayant participé avec un grand bonheur à Emilie jolie en 1979, il a longtemps eu envie lui aussi de composer une comédie musicale pour enfants que les parents apprécieraient également. Il créé en 2006 avec Pierre Dominique Burgaud, Le Soldat rose, en réussissant à convaincre une sacrée brochette de grands noms de la chanson française, comme Alain Souchon, Francis Cabrel, Bénabar, Sanseverino, Vanessa Paradis, -M-, Jeanne Cherhal, et d’autres. Outre l’enregistrement de l’album, la prestigieuse troupe dont il fait partie en interprétant le rôle de la panthère noire en peluche, donne deux représentations au Grand Rex à Paris dans un spectacle qui sort par la suite en DVD. Au final, 2 Victoires de la musique pour Le Soldat rose, plus de 400 000 exemplaires vendus, et une tournée triomphale avec de jeunes chanteurs qui ont repris les rôles de leurs illustres prédécesseurs. Expérience très gratifiante pour Louis Chedid, qui au-delà du succès, a pu mesurer la confiance et l’amitié que lui ont témoigné tous ces artistes.

 

L’amour du cinéma

Cette aventure va se prolonger, puisque Louis Chedid va lui-même réaliser prochainement un dessin animé sur Le Soldat rose, en revenant ainsi à ses premiers amours. Passionné de cinéma durant son adolescence où il passe ses journées à la Cinémathèque, il rêve de devenir réalisateur. Par un concours de circonstances, il apprend le montage et en fait quelques années notamment à la Gaumont. A côté de cela, en 1973 il fait écouter des maquettes de chansons chez Barclay et enregistre son premier album. Il continue le montage et la musique en parallèle jusqu’à la fin des années 70 où il signe son premier tube T’as beau pas être beau. A partir de là, sa carrière prend une nouvelle dimension, il arrête le cinéma mais lui rend hommage à travers deux superbes chansons : Ainsi soit-il et Hold-up.

 

Un humanisme créatif de mère en fils

Fait assez rare, le succès a touché 3 générations dans la famille Chedid. Louis étant au milieu d’une incroyable filiation, avec Andrée sa mère, grande écrivaine humaniste, et Matthieu, un des leaders de la chanson pop actuelle : « Je ne crois pas au facteur génétique, si c’était aussi simple, tous les « fils de » réussiraient. Chacun de nous trois dans son domaine a eu la hargne d’y arriver, après il y a eu une transmission de sensibilité, d’ouverture sur les autres, de chaleur humaine, d’indépendance, de savoir être en harmonie avec le monde extérieur, d’aller au bout de ses projets, et de comprendre l’importance du travail dans nos métiers. »

Louis Chedid a toujours refusé la contrainte, dès l’école jusqu’après le Bac, où il choisit d’être artiste en partie pour être libre. Si on a compris qu’il ne rechigne pas à la tâche lorsqu’il est en période d’écriture, d’enregistrement ou de concert, le reste du temps c’est un doux rêveur qui aime se balader, bouquiner et arrêter le mouvement. Cela dit, ses bulles d’oxygènes ne durent jamais très longtemps, et assez vite se fait sentir un manque, qu’il ne manquera pas de combler en 2011 avec la tournée et la réalisation du dessin animé.

 

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Une détermination à toute épreuve

Publié le par michelmonsay

Florian Rousseau 009

 

En étant triple champion olympique et en ayant récolté 10 titres de champion du monde de cyclisme sur piste dans les disciplines de la vitesse, du keirin et du kilomètre, Florian Rousseau possède l’un des plus beaux palmarès du sport français. La reconversion de ce passionné s’est faite naturellement en devenant entraîneur national du sprint sur piste et de Grégory Baugé en particulier, avec de grands espoirs de médailles aux JO de Londres cet été.

 

A quelques jours du début des Jeux, l’excitation est palpable pour Florian Rousseau devenu entraîneur depuis 2005. La magie de cet événement opère toujours autant, le stress et les doutes sont aussi là, peut-être plus que s’il était lui-même sur le vélo. Se sont ses deuxièmes Jeux comme entraîneur après Pékin 2008, où la récolte avec une seule médaille d’argent était moyenne au regard des objectifs bien supérieurs pour Londres. L’or olympique est visé à la fois par équipe mais aussi en individuel avec notamment Grégory Baugé, le champion du monde de vitesse entrainé par Florian Rousseau. Celui-ci a rapidement su qu’il avait des dispositions pour transmettre, et apporter des conseils avisés aux jeunes cyclistes lorsqu’il était lui-même compétiteur.

 

Un virage naturel

A peine sa carrière terminée à 30 ans, il s’est retrouvé entraîneur de l’équipe de France sans passer par des niveaux intermédiaires, et tout s’est enchaîné sans qu’il ne se pose de questions : « Même si cela fait une vingtaine d’années que je suis à l’INSEP, il n’y a aucune lassitude, le métier d’entraîneur n’a rien à voir avec la vie d’athlète. Après 7 ans, je continue d’apprendre au quotidien, et en plus la relation humaine est passionnante. Même si je suis sur le bord de la piste, il y a toujours cette envie de gagne en moi, cette flamme. Je ne dis pas qu’au début l’adrénaline provoquée par une victoire ne m’a pas manqué, mais aujourd’hui les émotions que j’ai avec les athlètes que j’entraîne lorsqu’ils gagnent, sont très fortes aussi. »

Cette nouvelle expérience a forcé sa nature introvertie à s’ouvrir aux autres et à montrer davantage ce qu’il ressent. Florian Rousseau a aussi appris à s’adapter à la personnalité d’un coureur, sans essayer de calquer son propre modèle. La relation psychologique entre l’entraîneur et son athlète est aussi importante à ses yeux que la préparation physique. Aujourd’hui, 12 coureurs sont sous sa responsabilité à l’INSEP, 9 hommes et 3 femmes spécialisés dans les épreuves de sprint, et même s’il est l’entraîneur particulier du meilleur mondial Grégory Baugé, il tient à la cohésion du groupe qui s’entraîne le plus souvent ensemble. Le cyclisme sur piste français avec 88 médailles olympiques depuis 1896 est la 1ère nation mondiale, et Florian Rousseau contribue aujourd’hui à transmettre cet héritage, cette culture de la gagne que lui-même a porté si haut.

 

Un discret sur le devant de la scène

Son palmarès impressionnant avec 3 médailles d’or aux JO et une d’argent, plus 10 titres de champion du monde, lui a apporté une belle notoriété pour sa discipline plutôt confidentielle en dehors des Jeux. Cette hypermédiatisation des JO où il est passé au journal de 20h, a fait la une de L’Equipe et où on le reconnaît encore aujourd’hui dans la rue, l’amuse et ne lui laisse aucune amertume par rapport à d’autres sports sur le devant de la scène en permanence. Très rigoureux sur son entraînement et n’aimant pas se mettre en avant, il n’a pas profité autant qu’il aurait pu de sa notoriété durant sa carrière, en refusant des sollicitations notamment pour la télé. Maintenant qu’il est entraîneur, il l’accepte plus volontiers pour faire parler du cyclisme sur piste ou pour soutenir des causes, comme récemment avec la fédération française de cardiologie afin de promouvoir l’activité physique.

 

Rien ne vaut les Jeux Olympiques

Sport semi-professionnel, le cyclisme sur piste ne permet pas à tous ses pratiquants d’en vivre, seul les coureurs ayant un nom reconnu peuvent obtenir des partenaires pour du sponsoring, surtout lorsqu’ils brillent aux JO comme Florian Rousseau. Certains sont tétanisés par l’enjeu exceptionnel des Jeux, d’autres comme lui s’en nourrissent : « Etre champion olympique est le graal d’un sportif ». Il l’a été dans les disciplines du kilomètre en 1996, du keirin et en vitesse par équipe en 2000. Seul petit bémol de sa carrière, ne pas avoir été champion olympique de vitesse individuelle à Sydney en 2000, alors qu’il était le meilleur au monde depuis 4 ans. La forte rivalité avec un autre français Laurent Gané qu’il réussit à battre en ½ finale après 3 manches très disputées et épuisantes, l’empêche de se présenter en pleine possession de ses moyens pour la finale où il est dominé et obtient la médaille d’argent. Le lendemain en se battant comme un chien selon ses mots, il devient champion olympique de keirin.

 

Un mental hors du commun

Sydney avec 3 médailles, 2 d’or et une d’argent, restera le plus beau souvenir de sa carrière, ainsi que le 3ème titre consécutif de champion du monde de vitesse qu’il obtient en 1998, d’autant que cela se passe à Bordeaux devant sa famille et 5000 personnes qui hurlent dans le vélodrome. Sa fin de carrière est plus délicate, il se sent un peu usé, manque de motivation et ne se qualifie pas pour les Jeux d’Athènes en 2004. Il est temps de tourner la page pour Florian Rousseau surtout que le mental a toujours été une de ses principales forces. Capable de se surpasser lorsque l’enjeu est important à ses yeux, il a récolté ainsi 18 médailles mondiales et 4 olympiques en 13 ans de carrière. A côté de ce mental, il s’imposait une hygiène de vie sans concessions : « Si je loupais un entraînement, je culpabilisais, et même le 1er janvier j’y étais sans que je ne le ressente comme un sacrifice. Idem pour les soirées où je rentrais à minuit, le bon vin dont je ne prenais qu’un demi-verre, et mes amis d’enfance auprès desquels je n’ai pas entretenu les relations. J’étais égoïste, il n’y avait que le vélo à 100%. »

 

Un corps sculpté par le travail

Ses performances et sa morphologie impressionnante ont inévitablement éveillés des soupçons de dopage, notamment dans un reportage assez orienté de l’émission Envoyé spécial : « Cela m’avait blessé, mais quel moyen j’avais de prouver que l’on pouvait faire du très haut niveau dans ma discipline en étant sain. D’autant que c’était peine perdue avec le cyclisme sur route qui est vraiment touché par le dopage, et les gens n’hésitant pas à faire un amalgame. La masse musculaire des pistards s’acquiert avec des années de travail à soulever des barres, et 25 heures d’entraînement par semaine sur le vélo, où il y a de la souffrance physique. Pour repousser sans cesse mes limites, cela m’est arrivé d’aller très loin dans l’effort et de vomir après, d’avoir mal à la tête, de me sentir très mal. Pourtant, c’était toujours un plaisir d’aller à l’entraînement. »

 

A peine enfourché un vélo, déjà champion !

Assez rêveur en classe et d’un tempérament très sportif dès son plus jeune âge, le vélo est arrivé par hasard pour Florian Rousseau à 12 ans, lorsque son parrain lui en offre un à Noël, et lui propose de participer 6 mois plus tard à une course locale où il finit 2ème. Ce résultat va déterminer sa vie. Attiré d’abord par le cyclisme sur route dans lequel il s’identifie à Bernard Hinault, il gagne de nombreuses courses dans sa région natale près d’Orléans, où le terrain plat favorise les arrivées au sprint. Il fait parallèlement un peu de piste et à 16 ans on lui propose d’intégrer l’INSEP, détectant en lui un potentiel pour le haut niveau. A partir de là, tout s’enchaîne à une vitesse incroyable… puisqu’il devient rapidement champion de France, puis à 18 ans champion du monde juniors et dès l’année suivante, il obtient son 1er titre de champion du monde chez les grands.

 

Le culte de la performance physique

Ce besoin de sport qu’il a toujours eu est présent encore aujourd’hui à 38 ans, où il continue par addiction à s’entraîner 6 heures par semaine. Lorsqu’il ne fait pas de vélo, il pratique la plongée sous-marine, aime les voyages, la nature, bien manger maintenant qu’il peut se l’autoriser un peu plus, et aller voir d’autres sports ou des spectacles qui mettent en avant la performance physique, comme la danse ou le cirque. Pour l’avenir, il se souhaite une vie toujours aussi remplie avec des émotions aussi fortes en restant entraîneur encore quelques années. Puis, il sera temps de trouver un nouveau défi, peut-être à la direction technique nationale du cyclisme. Ou pour s’amuser de temps en temps, être consultant ponctuel à la télé, même si la 1ère expérience à la fin de sa carrière n’avait pas été concluante, mais c’était avant d’opérer sa mue d’athlète à entraîneur, époque où il était encore un peu sauvage et pas très à l’aise.

 

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« Toucher ceux qui se croient intouchables pour les rendre plus humains »

Publié le par michelmonsay

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Petite interview de Gérald Dahan et portrait réalisé en décembre 2010

 

 

L’incroyable talent d’imitateur de Gérald Dahan lui a permis de s’illustrer par ses fameux canulars téléphoniques et des chroniques cinglantes sur France Inter et aujourd’hui sur Sud Radio. Alors qu’il s’apprête à jouer son nouveau spectacle, ce trublion de 39 ans qui a obtenu son premier cachet à 14 ans, nous dit son amour de la scène et du contact avec le public.

 

Pouvez-vous nous parler du métier d’humoriste ?

Gérald Dahan - On ne devient pas humoriste ou comique, on l’est sans le savoir. Il y a des ficelles que l’on apprend à maîtriser au fil du temps, mais il s’agit plus d’une vocation, qui pour moi est née dès l’âge de 8 ans, que d’une profession. Le regard d’un humoriste sur la société consiste à essayer de provoquer le rire en faisant réfléchir, pour se moquer des angoisses du quotidien et dédramatiser un peu les choses. Pour ma part, j’ai choisi de désacraliser l’univers politique en essayant de toucher ceux qui se croient intouchables pour les rendre plus humains. Les moments que je préfère dans mon métier se passent sur scène, quand je suis derrière le rideau juste avant le début du spectacle et à la fin lorsque le public est debout. Ce contact avec le public est vraiment excitant, irremplaçable, et induit souvent des improvisations. Le rire est le propre de l’homme et fait partie des choses essentielles dont on a besoin pour être équilibré.

 

Quel regard portez-vous sur le monde agricole ?

G.D. - J’avais dans ma famille beaucoup de viticulteurs puisque je suis né à Cognac, et j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de faire les vendanges. J’ai un profond respect pour les gens qui travaillent la terre et contribuent de ce fait à nous nourrir. Je regarde toujours la provenance des produits que j’achète et privilégie systématiquement ceux qui viennent de France. Je le fais à la fois par goût et pour avoir une garantie de qualité. Le bio ne m’est pas indispensable, à part pour les œufs … je ne sais pas pourquoi, ce n’est pas rationnel !

 

De quoi est faite votre actualité ?

G.D. - Je fais une chronique du lundi au vendredi à 8h30 sur Sud Radio autour de l’actualité politique, qui est très fournie depuis plusieurs mois. En juillet, je serai à Montréal pour le festival « Juste pour rire » qui fête ses 30 ans. Ensuite j’enchaîne avec le festival d’Avignon où je présenterai dans la programmation du Off, mon nouveau spectacle « Gérald Dahan cent voix en l’air », durant une semaine au théâtre le Capitole, puis fin octobre à la Nouvelle Eve à Paris. A la même époque sortira un livre de mes chroniques intitulé « Crapule », illustré par Cabu, aux éditions du Cherche midi.

 

Avez-vous une blague sur le monde agricole ?

G.D. - Un paysan : Est-ce que vais vivre longtemps docteur ?

Le médecin : Ca fait longtemps que vous travaillez ?

P : Je travaille la terre depuis que j’ai 8 ans.

M : Ce n’est pas de très bon augure, est-ce que vous buvez ?

P : J’ai des vignes et je fais moi-même mon vin, je bois bien 1 litre par jour.

M : Il faut arrêter de boire, est-ce que vous fumez ?

P : Je fume 1 à 2 paquets par jour.

M : Il faut arrêter de fumer, est-ce que vous aimez la bonne chair ?

P : Je bouffe comme 4.

M : Il faut vous calmer, et sinon au niveau sexuel ?

P : Je ne suis pas le dernier, j’ai quelques souris dans le coin qui ne sont pas mécontentes de moi.

M : Il faut vous calmer aussi.

P : Si j’arrête tout ça, je vais vivre longtemps ?

M : Pas forcément mais par contre le temps risque de vous paraître long !

 

 

 

Portrait réalisé en décembre 2010

 

 

Appuyer là où ça fait mal

  

Habitué à l’antenne de France Inter, où il a travaillé 6 ans dans les années 1990 sur l’émission « Rien à cirer » de Laurent Ruquier, puis tous les jours au mois d’août de cette année où il était seul à l’antenne durant 50 min pour « Parlez-moi d’humour », Gérald Dahan ressent une grande frustration après l’arrêt brutal de sa chronique matinale de 8h55. Malgré les bonnes audiences et les félicitations de la direction, il ne sera intervenu qu’à 12 reprises avant d’être remercié du jour au lendemain suite à une charge assez féroce contre Michèle Alliot-Marie (MAM). En imitant la voix d’une personnalité, il distillait son billet subversif face à un invité politique avec un indéniable talent, une liberté et un courage trop rares aujourd’hui.

La décision du patron de France Inter a pour le moins surpris l’humoriste : « Je pense que Philippe Val a vendu son âme au diable. Il est très éprouvé psychologiquement par cette ambivalence dans sa conduite, en essayant de minimiser ce qu’il dénonçait avant à Charlie Hebdo, notamment la liberté d’expression sous pression. Il ne fait aucun doute que cette décision intervenant 24h après ma chronique sur MAM, soit politique.» Il s’en est suivi une polémique dans la presse où chacune des parties est resté sur ses positions, mais que penser de ce débarquement inopiné qui intervient après ceux de Stéphane Guillon, Didier Porte et Raphaël Mezrahi ?

 

Rebondir pour encore mieux railler

Cet exercice à la radio qu’il a adoré faire, a permis à cet artiste un peu dans la lune et fâché avec la ponctualité, d’être plus rigoureux. Au-delà de cet apport fonctionnel, il a eu la satisfaction personnelle de pouvoir s’adresser d’un coup à 2 millions d’auditeurs. Nul doute que l’on va très vite le retrouver sur une autre antenne. Depuis la fin octobre, Gérald Dahan a reçu un très large soutien des auditeurs et de la profession, en même temps que des propositions à la télévision et la radio. Il va prendre le temps d’y réfléchir, mais pour le moment avec ce changement de planning il a envie de retrouver l’espace de liberté que représente la scène, et prépare un spectacle intitulé « Interdit » qu’il lancera en janvier au Casino de Paris.

En s’inspirant comme toujours de l’actualité, il endossera de nouveau son rôle d’humoriste pour à la fois faire rire mais aussi réfléchir, avec des textes plus saignants que ses collègues : « L’humour par définition est une forme d’esprit railleuse qui peut prendre plusieurs aspects : pédagogique, militant, ironique, cynique, loufoque, burlesque ou absurde. » La référence en matière d’imitation reste Thierry Le Luron, selon Gérald Dahan : « Il a donné ses lettres de noblesse au métier d’imitateur, lui permettant de passer en vedette alors qu’il était cantonné aux premières parties. Le Luron était un persifleur avec une classe et un talent très complet. »

 

L’incroyable impact des canulars

Incontournables dans la carrière de Gérald Dahan, sont les canulars téléphoniques. Après en avoir fait quelques uns dans l’émission « Rien à cirer », il en enregistre 150 pour la radio Rire et Chanson en s’attaquant à des personnalités à priori intouchables. L’un des plus fameux est celui où se faisant passé pour le président Chirac convalescent, il demande à Zidane à propos du match décisif contre l’Irlande pour la qualification au mondial 2006, que les joueurs de l’équipe de France mettent la main sur le cœur au moment de la Marseillaise. Non seulement la France entière a pu voir la mise en pratique de ses consignes le soir du match, mais le canular a été téléchargé 2 millions de fois sur Internet et a fait 79 journaux télévisés dans le monde entier.

Un travail d’investigation pour bien maîtriser le sujet est nécessaire à la réussite et à l’impact du canular, explique t’il : « L’organisateur de ma tournée dans les Antilles m’avait demandé de piéger le président de la région Guadeloupe, par un canular dont j’avais le secret, pour créer le « buzz » et mieux me faire connaître. En me faisant passer pour le président Sarkozy, j’ai proposé à Victorin Lurel un portefeuille ministériel alors qu’il était soutien de Ségolène Royal. Je me suis retrouvé à la une de France Antilles et ma tournée était pleine. » Il a arrêté ses canulars en 2007, mais songe à y revenir sans préciser la date pour bien surprendre son monde.

 

Genèse d’un drôle de phénomène

Ce don d’imitateur, Gérald Dahan l’a manifesté très tôt, à tel point qu’à 8 ans il écrit sa future biographie, et va réussir à atteindre les objectifs qu’il s’est fixé en n’ayant jamais gagné sa vie autrement qu’en faisant rire. Soutenu par ses parents, il remporte des concours d’imitation et obtient son premier cachet à 14 ans, 200 francs et 2 bouteilles de Pineau pour cet originaire de Cognac en Charente. Sa région, à laquelle il a toujours un attachement familial, et professionnel depuis cette année en ayant créé un festival Rire et Rock sur une idée de Ségolène Royal.

En plus de ses qualités vocales qui font aussi de lui un très bon chanteur, Gérald Dahan est doté d’une audition au-delà de la moyenne et d’une grande capacité d’observation. Celle-ci lui permet de déceler chez quelqu’un le décalage entre l’image voulue et l’image perçue. Ayant commencé très tôt l’imitation avec la difficulté pour une voix d’enfant de reproduire une voix d’adulte, il a tout de suite compris l’importance de la gestuelle et de l’expression du visage. Aujourd’hui encore, la partie mime est très présente dans ses imitations et donne un relief saisissant aux personnages. Il ajoute : « Je n’utilise aucun accessoire et m’attache vraiment à créer une illusion, en n’interprétant pas la personne, mais en étant cette personne. A la fois dans la syntaxe, la psychologie du personnage et en ne recherchant jamais la caricature mais plutôt l’hyperréalisme, c’est pour cela que je n’imite pas de femmes. »

 

Une vraie conscience politique

Etant complètement immergé dans l’actualité, il en suit toutes les infos en permanence, et de ce fait observe des personnalités parfois durant des années avant d’avoir le déclic qui lui donnera envie de les croquer. Pour Nicolas Sarkozy, il s’y est intéressé dès le début mais sans l’imiter, jusqu’au jour où le maire de Neuilly est ressorti de la maternelle prise en otage, avec un enfant sous le bras : « Je me suis dit, c’est Bruce Willis made in France, j’ai trouvé drôle ce petit bonhomme qui joue les gros bras. »

Après une tentative de récupération de l’UMP il y a 5 ans, dont il a souffert et qu’il a eu du mal à faire oublier, il revendique un équilibre en tapant autant à gauche qu’à droite : « Je pratique le tir au pigeon, ce n’est jamais mon fusil qui change d’épaule mais le pigeon qui arrive de tous les côtés. Mes spectacles, canulars ou chroniques en témoignent. J’ai une conscience politique et des convictions plutôt engagées, que j’essaie de ne pas faire transparaître. »

 

De la suite dans les idées

Solitaire dans la conception et la préparation de son travail, il aime néanmoins co-écrire ses textes avec entre autres Vincent Martigny chercheur en sciences politiques. Chacun de ses spectacles suit un fil conducteur. Pour Sarkoland, il avait imaginé ce que pouvait devenir la France après 5 ans de politique show-biz, la même mais en pire. Ensuite, il y a eu « De droite à gauche » où il analysait qui était toujours de droite, et encore de gauche. Enfin dans « Interdit », il va relever tout ce que l’on n’a plus le droit de faire.

A 37 ans, Gérald Dahan se voit à la fois continuer sa carrière d’imitateur mais aussi développer en parallèle son envie de devenir comédien de cinéma. Dans le privé, ce passionné d’équitation western et de voile, ne manquera pas de continuer à faire le pitre auprès de son entourage, premier public parfois sévère de son humour dévastateur.

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Une volonté à toute épreuve

Publié le par michelmonsay

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En ayant été la première femme à traverser l’Atlantique et le Pacifique à la rame, mais aussi à accomplir un tour du monde à la voile en solitaire à contre-courant, Maud Fontenoy s’est forgée une solide réputation. Elle s’en sert aujourd’hui pour alerter et transmettre par sa fondation et ses autres fonctions, l’impérieux besoin de préserver les océans, ce capital indispensable à l’avenir de l’homme.

 

Investie totalement dans sa fondation, Maud Fontenoy travaille même le dimanche pour parvenir à satisfaire les obligations et sollicitations, que génère son engagement pour la sauvegarde des océans et du littoral, particulièrement à travers une sensibilisation de la jeunesse. Vivant aujourd’hui à Marseille, elle regroupe ses rendez-vous sur Paris et les enchaîne à un rythme soutenu, toujours avec le même souci de persuader son auditoire. Comme à la conférence où elle est intervenue lors de l’Université de la terre à l’Unesco, dont elle est porte-parole pour les océans, qui avait pour thème de bâtir une société nouvelle en agissant pour la nature.

Également vice-présidente du Conservatoire du littoral, toutes les fonctions qu’elle cumule vont dans la même direction, cela lui semble très important d’avoir cette cohérence et de ne pas aller là où elle n’est pas légitime. A la manière d’un Nicolas Hulot, on l'a vue sur France 2 l'année dernière dans des documentaires produit par Luc Besson, où elle était partie sur son bateau à la rencontre d’hommes et de femmes qui se consacrent à la mer : « Cela a démontré sur différentes destinations qu’en sauvegardant les océans, on sauvegarde aussi les hommes. »

 

L’Unesco et le CES

Auprès de l’Unesco, Maud Fontenoy contribue dès qu’elle le peut à mettre en avant l’action de la commission océanographique internationale, de cohésion entre les états pour assurer les surveillances des océans, notamment par rapport aux tsunamis : « Cette commission est en train de mettre en place des procédures pour faciliter les évacuations en cas de tsunami, et pouvoir ainsi les conseiller à différentes zones territoriales, comme la Méditerranée par exemple où il existe des risques de séismes donc de tsunamis. » Cette jeune femme déterminée s’implique aussi deux fois par semaine en tant que personnalité qualifiée de la section de l’environnement du Conseil économique et social. Elle travaille actuellement avec ses collègues sur l’analyse et l’identification des actions à mener pour protéger la biodiversité, et sur la sécurité des plates-formes pétrolières.

 

Les enfants au centre de son engagement

En 2008 Maud Fontenoy, qui œuvre déjà dans le cadre associatif depuis une dizaine d’années pour transmettre ses valeurs et sa passion de la mer à la jeune génération, décide de créer sa fondation  en mettant l’accent sur l’éducation : « On ne peut plus être sur un discours culpabilisateur et moralisateur concernant l’écologie. Il faut faire comprendre à tout un chacun que l’harmonie avec la nature est indispensable à notre bien-être. C’est aussi de l’innovation technologique et scientifique en inventant ce que sera demain et en créant de l’emploi. On parle toujours de coût pour préserver l’environnement mais Il faut savoir par exemple, que la pollution des eaux côtières et les maladies qu’elle engendre coûtent 12 milliards de dollars à l’économie mondiale. En plus de cela, la manne océanique représente un capital que l’on est en train de dilapider. »

Dès l’âge de 21 ans, elle s’investit notamment auprès d’enfants malades ou habitant les cités, avec le désir de s’adresser à ceux que l’on vient voir moins souvent. Son message à l’époque est déjà de les amener vers la nature et le dépassement de soi. Message qui prend toute sa dimension quelques années plus tard lors de ses différents exploits sur les océans, en proposant un projet pédagogique qui permet aux jeunes de suivre le parcours de la navigatrice tout en apprenant.

 

Une enfance à part

L’écriture a toujours été un plaisir pour Maud Fontenoy, autant pour faire partager ses aventures que pour défendre une cause. Cela a commencé très tôt avec les rédactions qu’elle envoyait durant sa scolarité entièrement suivie par correspondance. Son enfance est loin d’être banale, la petite Maud a tout juste une semaine que ses parents l’embarquent sur le bateau familial avec ses deux frères, où elle va vivre jusqu’à l’âge de 15 ans en naviguant à travers le monde. Elle en garde un souvenir paradisiaque : « On était en plein cœur de la nature dans une vie simple et sobre, empreinte de liberté et dépossédée des habitudes de la consommation courante. Cela m’a donné des vraies valeurs. Mes parents m’ont appris qu’il était important d’aller au bout de ses rêves, de ne pas trop s’écouter, de batailler, d’être digne et de donner du sens à ce que l’on fait. » Le moins que l’on puisse dire est qu’elle a mis ces préceptes en application.

Elle vit quand même l’expérience de la vraie école, à l’occasion de son année de terminale qu’elle passe en internat. Après avoir décroché son Bac, elle enchaîne avec deux années de droit avec l’envie d’être avocat ou juge pour enfant : « Je voulais combattre les inégalités, l’injustice, donner de la voix à ceux qui n’en ont pas, mais au bout de deux ans, je me suis rendu compte que les bancs de la fac étaient trop stables pour moi et que j’avais besoin d’autre chose. »

 

Impossible n’est pas Maud

Bien évidemment la mer lui manque, elle fait l’école des Glénans, continue à naviguer avec sa famille, et en parlant avec Gérard d’Aboville, le maître en la matière, se dit que traverser l’Atlantique à la rame pour une femme serait un défi intéressant. Ce n’est pas la seule motivation qui la décide, elle aime la simplicité de l’embarcation, un bateau à rames très proche de l’eau. Il y a aussi le goût de l’effort, qui est une caractéristique importante de sa personnalité, et la volonté : « C’est sûr qu’il faut des bras, des jambes, des mains, mais c’est votre tête qui vous fait tenir. Deux hommes qui étaient des armoires à glace ont tenté la même année cette traversée, et ils ont tous deux abandonné. Ce ne sont pas les gros bras qui font tenir, la difficulté est de vivre sur ce truc minuscule dans le noir et dans les vagues. »

Ce bouillonnement, cette énergie vitale incroyable, ce besoin de vouloir sans cesse se dépasser que possède Maud Fontenoy, vont la pousser à réussir la traversée de l’Atlantique à la rame en 2003, et deux ans plus tard, celle du Pacifique.

 

Une double victoire

C’est probablement cette force qui l’aide à surpasser l’épreuve d’un cancer du col de l’utérus qu’on lui annonce quelques jours avant le départ de son 3ème défi. Après ses deux exploits à la rame, elle revient à ses premiers amours en tentant un tour du monde à la voile en solitaire à contre-courant, ce qui est évidemment beaucoup plus dur. Comme il est hors de question d’abandonner ce projet qu’elle prépare depuis deux ans, elle se fait opérer en urgence et part avec l’angoisse d’avoir une hémorragie interne et l’inquiétude de savoir si elle pourra avoir un enfant un jour : « Le fait que toute mon énergie vitale était concentrée à réussir ce défi en mer, m’a peut-être aidée à combattre aussi la maladie. » Partie de l’île de la Réunion le 15 octobre 2006, elle boucle son tour du monde 5 mois plus tard après avoir démâté et réparé son bateau durant 4 jours à la limite de ses forces. Une fois de plus, elle est la première femme à réaliser un tel exploit.

Si elle reconnaît que la solitude est très difficile à vivre intellectuellement face aux difficultés sur le bateau, elle n’a jamais envisagé de relever autrement ses défis : « C’est un combat personnel, il faut se renforcer soi-même pour pouvoir ensuite aider les autres. »

 

Une page est tournée

Ces exploits appartiennent au passé de Maud Fontenoy, aujourd’hui à 34 ans elle veut continuer à relever d’autres défis, ceux de son engagement à travers sa fondation et ses différentes responsabilités. Ce n’est pas pour autant qu’elle arrêtera de naviguer, elle a d’ailleurs il y a trois ans traverser l’Atlantique sur son voilier avec son garçon de 7 mois. Lorsqu’on lui évoque la peur, elle explique que curieusement c’est plutôt un atout : « La peur est une des premières questions qui vient en tête devant un défi. On croit qu’elle est paralysante mais en fait elle vous permet d’être plus rigoureuse, disciplinée, préparée, on la range dans un petit coin pour bien faire attention à tout. »

 

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Un humanisme viscéral

Publié le par michelmonsay

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Ecrivain renommé, lauréat du Goncourt et membre de l’Académie française, Jean-Christophe Rufin a vécu en 60 ans plusieurs vies en une seule. Médecin engagé dans l’humanitaire autant dans de très nombreuses missions à travers le monde qu’en tant que président d’ONG, il a aussi été entre autres ambassadeur au Sénégal, conseiller ministériel, attaché culturel au Brésil, et continue à se demander ce qu’il fera plus tard.

 

Il y a incontestablement une certaine proximité entre Jean-Christophe Rufin et Jacques Cœur, le héros de son dernier roman intitulé « Le grand Cœur ». Tous deux natifs de Bourges au lendemain de guerres, ils ont côtoyé le pouvoir et subi une forme de disgrâce, l’écrivain n’ayant pas été reconduit en 2010 à son poste d’ambassadeur de France au Sénégal. Il ne cache pas une admiration pour le protagoniste de son histoire : « Jacques Cœur a d’une certaine façon découvert l’Orient moderne et changé notre regard sur le monde. Né au creux de la guerre de 100 ans où la France connaissait la ruine et la famine, il a mis en place un extraordinaire système d’abondance qui a installé le pays dans une phase de développement. Nous avons en commun une haine de la guerre, une espérance de rapports humains fondés sur l’échange, le respect, et à son image je pense être quelqu’un de positif. »

Comme souvent pour ses romans d’aventures à la veine historique, le succès est au rendez-vous pour Jean-Christophe Rufin qui l’analyse au-delà de son fidèle lectorat, comme un besoin du public pour des héros positifs.

 

L’évidence de la médecine

Autre similitude entre le riche marchand devenu grand argentier du roi et l’écrivain, ils se servent du voyage comme instrument, au service du commerce pour l’un et de l’engagement humanitaire pour l’autre : « Quand je suis en vacances, je ne pars pas en voyage, je préfère rester chez moi en Haute-Savoie au cœur de la montagne. Je déteste aller quelque part sans avoir rien d’autre à faire que du tourisme. »

La médecine a rapidement été une évidence pour Jean-Christophe Rufin, d’abord par son grand-père qui l’exerçait, puis avec la 1ère greffe du cœur en 1967 qui a fini de le convaincre. Elevé par ses grands-parents à Bourges, son enfance est solitaire. Il lui faut attendre l’âge de 10 ans pour rejoindre sa mère qui travaille à Paris, et il rencontre son père pour la 1ère fois à 18 ans. En découvrant un horizon bouché dans l’univers hospitalier, le jeune médecin se dirige vers l’humanitaire. Ayant toujours préféré le contact avec le malade à la médecine scientifique, après avoir fait son service militaire comme coopérant en Tunisie, il s’engage auprès d’ONG naissantes comme Médecins sans frontières (MSF). Sa première mission en 1979 l’amène en Ethiopie, pays qui va le bouleverser et dans lequel il retournera à plusieurs reprises. Il y pénètre par la province d’Erythrée en se cachant dans le maquis et en accompagnant de nuit le mouvement de guérilla.

 

Au cœur de l’humanitaire

Cette vie le passionne et durant plusieurs années, il alterne de nombreuses missions avec des postes de médecins des hôpitaux à Paris. Après 6 ans avec MSF, il quitte l’organisation suite à une dispute comme il y en avait souvent à l’époque dans l’humanitaire français, et continue d’intervenir sur des situations de crise pour Action contre la faim (ACF). Il deviendra par la suite vice-président de MSF et président d’ACF.

Toutes ces missions lui font vivre des moments inoubliables comme le basculement des Philippines, où il s’est retrouvé poussé par la foule à l’intérieur du palais présidentiel, au moment même de la fuite du dictateur Marcos par hélicoptère. Ou comme la famine en Ethiopie : « La taille de cette catastrophe était impressionnante, on était littéralement submergé. Lorsqu’on déjeunait, les gens venaient taper contre les portes en fer de notre maison. » En découvrant toutes ces situations de guerre, de révolution, il ressent le besoin de comprendre, et parallèlement à son internat de médecine et ses missions, il entre à Sciences-Po dans un cursus aménagé. Cette réflexion sur le rôle de l’humanitaire dans les relations internationales, le conduit à écrire son premier livre sous la forme d’un essai en 1986, pour transmettre son expérience du terrain et identifier les pièges à déjouer.

 

Un terrain plus officiel

Toujours curieux de mondes nouveaux pour nourrir ses écrits, il approche celui du pouvoir en devenant conseiller du secrétaire d’état aux droits de l’homme Claude Malhuret en 86, et du ministre de la Défense François Léotard en 93. Pour celui-ci il s’occupe d’opérations de maintien de la paix, de ponts aériens sur des zones de conflit et se spécialise sur la Bosnie, où il contribue à faire libérer 11 otages français. Il prend des notes durant cette période trépidante comme il le faisait déjà lors des missions humanitaires, avec le désir de devenir romancier. Pendant plusieurs années, il écrit des essais n’osant pas se lancer dans le roman, il était perçu à l’époque davantage comme un technicien qu’un intellectuel. Entre les deux postes de conseillers ministériels, il part découvrir l’Amérique Latine en étant nommé attaché culturel et de coopération au Brésil où il reste 2 années.

Pour finir en beauté son expérience avec le pouvoir, il accepte comme un défi en 2007 le poste d’ambassadeur de France au Sénégal : « Pendant 3 ans j’ai résisté au président Wade, aux réseaux Françafrique, à Sarkozy, avec l’impression d’un bras de fer permanent tout en étant en accord avec la population, et en renouvelant les relations entre les deux pays. Les sénégalais m’adorent, le tout nouveau président Macky Sall m’a appelé il y a 2 jours pour me demander quand je venais. Je leur ai apporté ma connaissance de l’Afrique et davantage de respect, alors que la tendance de la France est de continuer à essayer de faire la loi dans ce pays. » Inévitablement, il a été remercié à la fin de son mandat qui n’a pas été renouvelé.

 

L’écriture enfin !

Jean-Christophe Rufin avait besoin de vivre toutes ces vies avant de franchir le pas du roman en 1997, et bien lui en a pris puisqu’en 4 ans il reçoit le Goncourt du 1er roman pour « L’abyssin », le prix Interallié pour « Les causes perdues » et le prix Goncourt en 2001 pour « Rouge Brésil ». En plus d’être récompensés, ses livres sont des succès, notamment « Rouge Brésil » vendu à 700 000 exemplaires et traduit en 19 langues. Il aime l’idée que le roman est un instrument pour traverser le monde, les couches sociales, pour restituer des portraits, des paysages, des couleurs, des émotions. Lorsque Jean-Christophe Rufin raconte une histoire, il a toujours besoin de distance, à la fois en prenant le temps nécessaire pour digérer ce qu’il a vécu et s’en servir quelques années plus tard dans la fiction, mais aussi en utilisant souvent un contexte historique pour évoquer des problématiques actuelles : « Au cœur de tous mes livres, il y a la rencontre de l’autre, la façon dont on accommode les différences soit entre des groupes humains, les français qui arrivent au Brésil au XVIe siècle (Rouge Brésil), soit entre deux individus, une femme française qui tombe amoureuse d’un brésilien (La salamandre), soit dans un dilemme interne, une femme franco-algérienne prise entre les mondes européen et musulman (Katiba). »

 

Ne jamais s’endormir sur ses lauriers

Autant le prix Goncourt que l’entrée à l’Académie française en 2008, Jean-Christophe Rufin les a vécus avec beaucoup de bonheur comme une reconnaissance, mais plutôt une étape qu’un aboutissement. A tout juste 60 ans, il est le plus jeune académicien et à ce titre contribue à inscrire l’institution dans la France d’aujourd’hui, en y faisant découvrir des nouveaux talents et en rappelant la nécessité de garder une ouverture vers l’international.

Comme le terrain humanitaire et son métier de médecin  lui manquent, il a décidé de repartir en mission dans les jours qui viennent : « Je suis allé l’an dernier en Haïti écrire un article pour Paris-Match. En visitant un camp de choléra, je me suis demandé ce que je fichais là et pourquoi je n’avais pas une blouse pour travailler avec les médecins. C’est mon métier et je n’ai pas envie de l’abandonner complètement. » Qui plus est, il ressent un besoin essentiel de continuer à vivre des moments forts pour nourrir son imaginaire d’écrivain. Autrement, quand il lui reste un peu de temps, cet homme qui s’est toujours demandé ce qu’il fera quand il sera grand, est tout autant rêveur que sportif au cœur de sa montagne savoyarde, où il aime pratiquer l’alpinisme, le vélo et la marche.

 

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Le goût de l’excellence

Publié le par michelmonsay

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Dans un décor classé, au cœur du pavillon Ledoyen créé en 1792, officie l’un des plus grands cuisiniers, Christian Le Squer, qui s’apprête à fêter ses 10 ans de 3 étoiles au Michelin. Si sa cuisine aux saveurs uniques magnifie la gastronomie française chez Ledoyen, on peut aussi la goûter dans deux restaurants aux prix plus accessibles que ce chef d’origine bretonne de 49 ans a ouvert récemment.


Au sein du groupe Epicure dont il est un des 7 actionnaires, Christian Le Squer est directeur de toutes les cuisines et de la stratégie culinaire des 3 établissements qui composent le groupe. Evidemment Ledoyen, qui sert en moyenne 280 couverts par jour à la fois dans son restaurant 3 étoiles avec un ticket moyen de 300 € et dans ses salons de réception. Le restaurant Etc créé en 2008, un bistrot chic à la déco contemporaine proposant une cuisine rustique avec élégance qui a une étoile au Michelin et dont le ticket moyen est de 80 €. Enfin le petit nouveau, La grande verrière dans le jardin d’acclimatation, un restaurant familial qui a ouvert cette année en proposant des plats simples revisités par le chef avec un ticket moyen de 28 €.

« Dans une économie qui change énormément, analyse Christian Le Squer, on doit être capable de s’adapter à ce que les gens recherchent. Le fait de jouer dans différentes catégories de prix avec les 3 restaurants, nous permet de sortir de notre tour d’ivoire, d’avoir une ouverture d’esprit, une culture de savoir toucher à tous les produits et d’être accessible à un plus grand nombre. » Le groupe a d’ailleurs en projet un nouveau restaurant avec un menu à 22 € boissons comprises.


 Une cuisine en mouvement

D’un restaurant à l’autre chacun dans son style de cuisine, au-delà de l’élaboration des plats, de la recherche des saveurs, il y a une différence de matières premières, où d’un côté le cuisinier a les meilleurs produits possibles et de l’autre des produits moins onéreux dont il va tirer le maximum. Afin d’alimenter les 3 cartes qui sont renouvelées régulièrement, Christian Le Squer donne ses consignes chaque jour à deux de ses cuisiniers, pour faire des essais durant deux heures à la recherche d’un goût, d’une cuisson. L’élaboration d’un nouveau plat prend environ un mois pour trouver l’assemblage et les saveurs recherchées. Dans cette cuisine en mouvement perpétuel, en plus de créer de nouveaux plats, il fait évoluer les anciens, saison après saison, jusqu’à obtenir un mariage parfait qui donne parfois de très grands plats et font la réputation d’un grand chef.

Ainsi chez Ledoyen, il y en a 5 qui atteignent les sommets de la gastronomie française : le turbo, les langoustines, l’anguille, les ris de veau et le croquant de pamplemousse cuit et cru. Pour comprendre ce que signifie un tel niveau, Christian Le Squer explique : « Au fil des années, on devient chef de cuisine et à un moment on franchit le pas, on devient un palais. On a acquis une sensibilité du palais que d’autres n’ont pas. À force de mâcher, d’avoir toujours quelque chose dans la bouche, tout à l’heure j’avais par exemple une queue de persil, on enregistre tous les goûts et on se constitue une mémoire. »

 

Le moindre détail a son importance

A l’image de son père ébéniste qui remettait jusqu’à la perfection son ouvrage sur le métier, le fils cuisinier est aussi travailleur, insatisfait et perfectionniste avec un trait de caractère en plus, il est très gourmand : « Un plat chez Ledoyen, c’est comme un diamant, il me faut d’abord la pureté du produit, à laquelle je rajoute la touche qui va le sublimer. » Pour obtenir les meilleurs produits, il fait appel à de nombreux artisans et producteurs avec pour chaque catégorie de marchandise, plusieurs fournisseurs chez lesquels il prend parfois un seul produit pour sa qualité remarquable. De la présentation dans l’assiette au découpage par le client pour savoir comment le plat réagit, tout est étudié par Christian Le Squer, jusqu’au mâchage où toutes les saveurs, les consistances apportent au palais des sensations étonnantes.

Ses 3 étoiles s’expliquent également par la régularité au plus haut niveau et la précision de sa cuisine, du plus petit canapé jusqu’au dessert en passant par le pain et bien sûr tous les plats : « A chaque bouchée, les saveurs éclatent, elles ne sont pas noyées dans les épices, elles sont naturelles et concentrées. » Pour arriver à cela, il goûte, touche, vérifie tout ce qui passe en salle et n’hésite pas à intervenir pour éviter toute dérive même imperceptible du goût initial du plat.

 

L’épanouissement dans la cuisine

C’est en 2002 que ce grand cuisinier a obtenu les 3 étoiles, il s’en souvient avec émotion : « C’est au-delà de ce que l’on peut imaginer, le respect que l’on vous témoigne dans le monde entier lorsque vous avez 3 étoiles est impressionnant. Les gens viennent goûter votre personnalité dans l’assiette. » Totalement investi dans son métier, il commence ses journées à 8h pour les finir à minuit, avec une coupure chaque jour dans le creux de l’après-midi pour aller courir ou nager pendant une heure. Ce sport salvateur qu’il pratique depuis qu’il est chef lui permet de se détendre entre les deux services, d’avoir un recul sur ce qui s’est passé et de revenir avec des idées fraîches.

Le restaurant étant fermé le week-end, il a toujours pris plaisir à faire le marché et cuisiner pour sa femme et ses deux enfants, en leur faisant profiter de son savoir-faire à travers des plats simples mais cuisinés, et en éveillant leur palais. Son palais à lui a été éveillé dès son enfance près de la rivière d’Etel dans le Morbihan entre les produits de la mer, ceux de la ferme voisine et les légumes du potager de ses parents. Il reste aujourd’hui encore très attaché à sa Bretagne natale où il retourne régulièrement.

 

Naissance d’une vocation

Passionné par la mer durant ses jeunes années, il est très attiré par le métier de marin pêcheur d’autant que ses oncles ont des chalutiers, et c’est en embarquant 15 jours à bord de l’un d’eux qu’il découvre sa vocation à l’âge de 13 ans. Il tombe en admiration devant la capacité du cuisinier à régaler midi et soir dans une ambiance très conviviale, la douzaine de marins qui composent l’équipage. Cette révélation ajoutée à une gourmandise innée le pousse à partir à Paris chez un ami de son père travailler dans une boulangerie, puis à revenir à Vannes pour faire l’école hôtelière pendant 3 ans. Il démarre ensuite dans une pizzeria à Marseille, puis dans un restaurant ayant une étoile au Michelin à La Trinité sur mer avant de revenir définitivement à Paris.

Dans différents restaurants plus ou moins prestigieux, il parfait sa formation en apprenant ce qu’est la cuisine bourgeoise puis la grande cuisine, devient sous-chef au Ritz et obtient sa première place de chef à 33 ans au restaurant Opéra du Grand Hôtel en 1995 : « Au début, j’ai élaboré une carte en reproduisant tout ce que j’avais appris, puis au bout de 6 mois je sentais que ça n’allait pas et j’ai décidé de cuisiner ce que j’aimais manger. Même si c’était un peu brouillon à l’époque, il y avait une sensibilité et une création de saveurs qui n’existaient pas ailleurs. Je pense que ce qui a plu au fil des années en dehors de ma régularité, ce sont mes saveurs mesurées et identifiables et non pas des saveurs qui ne veulent rien dire. »

 

Plus passionné que jamais

Rapidement sa cuisine plaît et son ascension est impressionnante. Il se voit ainsi attribué une étoile dès 1996 puis deux en 1998 avant d’être embauché chez Ledoyen en 1999 et obtenir 3 ans plus tard les fameuses 3 étoiles, que ce grand restaurant n’avait jamais conquises auparavant. Près de 10 ans après cette consécration, aucune lassitude chez ce chef qui parle de son métier avec gourmandise et jubilation : « A notre niveau, chaque jour est différent pour un cuisinier, j’adore manger, goûter et trouver des sensations nouvelles, apprendre la complexité du vin, j’adore aussi l’atmosphère dans les cuisines, aller voir mes clients à table dont beaucoup sont devenus des amis. Quand vous mangez un plat vous voyez la passion du cuisinier, que le menu soit à 18 € ou 180 €. » Il reste néanmoins attentif et lucide sur ce qui se passe en dehors de sa cuisine, tant sur le plan culturel, qu’économique et politique : « Avec l’économie de demain, il faudra peut-être redessiner la gastronomie différemment. »

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Aller au bout de ses rêves

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été en 1997 la première femme à réussir un tour du monde à la voile en solitaire sans escale et sans assistance à l’occasion du Vendée globe, avoir effectué un grand nombre de courses au large durant une quinzaine d’années, Catherine Chabaud se fait aujourd’hui la voix de la mer à travers de nombreux engagements pour sa préservation. Elle est notamment depuis un an, personne qualifiée au Conseil économique social et environnemental (CESE) après avoir présidé une mission de sensibilisation dans le cadre du Grenelle de la mer.

 

Afin d’éclairer la décision politique, Catherine Chabaud contribue avec le CESE à émettre un avis ou élaborer un rapport, sur des sujets touchants à l’environnement. Comme récemment, pour trouver la manière dont la France peut mieux répondre à ses engagements sur la préservation de la biodiversité et sa sensibilisation, ou sur la gestion des risques environnementaux sur les plates-formes pétrolières. L’ancienne navigatrice a obtenu dans la contribution du CESE aux négociations climatiques du sommet de Durban de décembre dernier, que les océans ne soient pas oubliés. Lorsqu’elle accepte la proposition du ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo en octobre 2010, de devenir personne qualifiée au CESE pour un mandat de 5 ans, son désir est avant tout d’être utile : « Mon objectif est d’éclairer la société civile sur les enjeux maritimes. Même si pour moi étant plutôt une femme d’action, ce que l’on fait ici est de la réunionnite aigue, cela se révèle être très enrichissant par les rencontres et les sujets étudiés, tout en faisant bouger peu à peu les choses. »

 

Le bateau du futur

Parallèlement depuis 10 ans, elle pilote des projets visant à réduire l’impact de la filière nautique sur l’environnement : « Nous venons de lancer avec l’Université de Bretagne Sud, la 1ère embarcation recyclable fabriquée avec de la fibre de lin et un acide obtenu à partir de l’amidon soit de la pomme de terre soit du maïs. Alors que la plupart des bateaux, dont on ne sait pas quoi faire en fin de vie, sont fabriqués à base de fibre de verre, grosse consommatrice d’énergie, et de polyester, dérivé du pétrole. » Si pour l’instant il s’agit d’un canoë, qui a été présenté en décembre au salon nautique, l’ambition de Catherine Chabaud est d’aller plus loin. Pour ce faire, elle vient de déposer un dossier à l’Ademe sur un projet de bateau de plaisance du futur entièrement propre, avec des matériaux recyclables, des énergies renouvelables embarquées et un traitement des eaux et des déchets. Femme de réseau comme elle se revendique, elle a le don de savoir aider les gens à construire des choses ensemble.

 

Le journalisme en préambule

Lyonnaise de naissance ayant passé son enfance et adolescence en région parisienne, Catherine Chabaud a vécu ensuite en Bretagne où elle a encore une maison et un vrai attachement, avant de fonder une famille dans la campagne angevine il y a 7 ans. Sa passion pour la mer est née à Roscoff où elle allait régulièrement faire de la plongée avec son père durant les vacances. Peu à peu, elle découvre la voile sur le bateau d’amis de ses parents et après son Bac elle navigue en répondant aux annonces de la bourse aux équipiers de France Inter.

Par ailleurs tout en continuant à essayer de naviguer, elle fait une école de journalisme et commence à travailler sur des radios libres comme RFM au début des années 80, puis Europe 2 où elle collabore de nombreuses années, d’abord dans l’info générale puis la voile. Elle devient ensuite rédactrice en chef de la revue Thalassa, avant de réussir à faire construire son premier bateau à la Cité des sciences de Paris, où le public a pu voir comment se construit un voilier. Plus tard, après avoir arrêté la compétition, elle présente des chroniques sur Europe 1 durant 5 ans ayant pour thème l’aventure et le développement durable. Elle a aussi écrit 4 livres, notamment « Possibles rêves » où elle raconte son fameux tour du monde à la voile.

 

Une plénitude incomparable

L’effervescence d’activités que l’on constate dans la vie de Catherine Chabaud, qu’elle explique par : « Lorsque je vois un problème quelque part, j’ai envie d’apporter la solution », lui convient pourtant bien moins que ces 15 années de courses au large où elle ne faisait que ça, mais qui lui apportaient une harmonie jamais ressentie autrement. Avec 14 transatlantiques, 2 tours du monde et quelques tours de l’Europe, elle a vécu intensément ses années de compétition, particulièrement en solitaire : « On éprouve à la fois un formidable sentiment de responsabilité pour son bateau, et de liberté en ayant l’impression d’être seule au monde dans un espace merveilleusement vierge, sauf lorsque l’on trouve des détritus en plein océan ou que l’on traverse une nappe de dégazage, ce qui explique mon combat aujourd’hui. C’est très excitant d’être sur un bon bateau, de développer une stratégie de course en tenant compte de la météo, de vivre au rythme de la mer. »

 

Au cœur des océans

L’un de ses plus beaux souvenirs est le départ fin 1996, lorsqu’elle largue les amarres pour partir faire son 1er tour du monde en solitaire sans escales et sans assistance, qui va durer 140 jours. Cette aventure qu’elle juge extraordinairement belle par le spectacle et les émotions vécues, a été aussi terriblement difficile. Notamment en plein cœur de l’océan Indien quand une déferlante a violemment couché son bateau en causant beaucoup de dégâts, ce qui l’a ébranlée psychologiquement pendant un mois. Néanmoins, lorsqu’elle reparle aujourd’hui de ses années de compétition où elle a aussi couru la Route du rhum et la transat Jacques Vabre, des étoiles brillent dans ses yeux. Puis au fil des courses, la dose d’inconscience a diminué, l’envie de naviguer autrement a augmenté en même temps que celle de fonder une famille.

Aujourd’hui à 49 ans, elle participe à des régates avec son compagnon et parfois son fils de 6 ans, en étant ravie de partager sa passion. Si la mer lui manque régulièrement, c’est moins le cas de la compétition avec tout ce temps nécessaire à la préparation du bateau et surtout au parcours du combattant pour trouver des sponsors. Elle n’écarte pas toutefois la possibilité de s’inscrire à la Route du rhum pour prouver l’efficacité de son voilier du futur lorsqu’il sera prêt.

 

Dans la continuité des choses

A force de rencontrer des associations qui agissent pour l’environnement, Catherine Chabaud, lorsqu’elle arrête la compétition en 2002, décide de s’engager pleinement pour la préservation de la mer : « Mon bâton de pèlerin est de montrer des solutions, je laisse à d’autres le soin de dénoncer, je ne suis pas une militante mais je pense qu’aujourd’hui les actions de Greenpeace sont nécessaires pour marteler un peu plus les choses. » Elle devient rapidement administratrice ou membre de nombreuses institutions et fondations, puis en 2008 Jean-Louis Borloo lui confie une mission intitulée « Nautisme et développement durable » puis une seconde dans le cadre du Grenelle de la mer, avant de lui proposer d’entrer au CESE.

Fin janvier, en phase avec son engagement et pour retrouver le bonheur d’être en mer de manière un peu plus prolongée qu’une régate, elle a embarqué pour une dizaine de jours à bord du grand voilier de l’expédition scientifique Tara, qui parcourt tous les océans pour mesurer les impacts climatiques. Cette optimiste qui a tendance à dire oui à beaucoup de choses, a la résolution pour 2012 d’apprendre à dire non un peu plus souvent, et réduire ainsi ses nombreuses activités.

 

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