Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

portraits

Une passion peut en cacher une autre

Publié le par michelmonsay

Patrick Poivre D'Arvor 004 

L’homme aux 10 000 JT, Patrick Poivre d’Arvor, Le présentateur du journal de 20 heures que la France entière connaît, aura su garder durant 29 ans la confiance de tous de sa voix rassurante. L’effervescence dont il a besoin au quotidien se nourrit de l’écriture avec 60 livres au compteur, de nouvelles passions comme la mise en scène, la réalisation, et toujours la télévision avec « La traversée du miroir » sur France 5 et peut-être plus à venir.

 

Boulimique de travail toujours à la recherche de nouveaux défis, PPDA depuis près de 4 ans qu’il ne présente plus le 20 heures de TF1, s’est lancé entre autre dans la mise en scène. Tout d’abord l’année dernière en montant Carmen dans le cadre des opéras en plein air, et tout récemment en réalisant cet été en Bretagne un téléfilm pour France 3, « Mon frère Yves » un roman de Pierre Loti adapté par Didier Decoin. Dans les deux cas, même s’il avait des idées de mise en scène inspirées par des artistes qui lui ont façonné le goût, il a appris ce nouveau métier sur le tas : « J’ai vraiment voulu connaître tout, en interrogeant les différents corps de métier qui composent une équipe, pour savoir comment cela se passait chacun dans son domaine. Comme pour l’écriture, j’aime l’idée de laisser une trace avec ce téléfilm, au contraire du journalisme qui est plus volatile, où chaque jour le journal télévisé est effacé et remplacé par un autre. »

 

La télévision encore et toujours

Si le JT et l’arène politique ne lui ont pas manqué depuis 2008, il avoue être titillé aujourd’hui par l’élection présidentielle. Après avoir refusé de nombreuses propositions soit moins intéressantes soit directement concurrentielles avec son ancienne chaîne, il ne ferme pas la porte aux deux trois personnes qui lui tournent autour en ce moment. Ne pas couvrir cet événement politique majeur pour la première fois depuis 1974, lui manquerait à coup sûr. Quoiqu’il en soit, il entame une quatrième saison de son rendez-vous hebdomadaire « La traversée du miroir » le dimanche à 19h sur France 5, où il reçoit deux personnalités durant près d’une heure qui répondent à tour de rôle à une interview confidence, sans promotion ni quoi que ce soit à vendre. Il va également continuer à proposer des émissions spéciales sur France 3, comme il l’a déjà fait pour la tempête Xynthia un an après ou sur les 40 ans de la disparition du général de Gaulle.

 

L’homme du 20 heures

Détenteur du record du monde de longévité à la présentation du journal télévisé avec 29 ans dont 8 sur Antenne 2 et 21 sur TF1, PPDA n’a pas aimé ce que devenait l’actualité  les dernières années de son activité: « Aujourd’hui il y a trop de fascination pour les faits divers, et lorsque l’on s’empare d’une histoire comme l’affaire DSK, on en parle en boucle jusqu’à la nausée avec tous les détails les plus croustillants. J’ai toujours refusé de pratiquer cette surenchère et ça marchait tout aussi bien. C’est une erreur de penser que les téléspectateurs sont friands de cela voire insultant d’essayer de flatter ainsi leurs bas instincts. Si on leur offre de vraies possibilités de se nourrir l’esprit, les gens y vont. » C’est certainement ce qui lui plaisait le plus, le côté pédagogue, présenter un sujet complexe de manière à apprendre au plus grand nombre. Il n’a jamais aimé cette évolution de la télé vers plus de facilité et de compromis. L’autre aspect qui lui a évité toute lassitude durant ces 21 ans à TF1, est qu’il était le seul maître à bord de son 20h et décidait des sujets en toute liberté, tout en écoutant beaucoup son équipe.

 

Que de souvenirs

Les moments les plus forts restent les 150 JT qu’il a présentés in situ, notamment juste après le 11 septembre à New-York, ou pendant le putsch en Russie, l’entretien en Irak avec Saddam Hussein ou en Lybie avec Kadhafi. De manière générale, il n’avait pas froid aux yeux lors des interviews politiques quelque soit l’interlocuteur, qu’il ne manquait pas d’asticoter. Cependant les personnalités qui l’ont marqué sont davantage des êtres empreints de spiritualité comme le Dalaï-lama, Mère Teresa ou le pape Jean-Paul II, et quelques politiques comme Bernard Stasi ou Simone Veil.

Parmi les moments difficiles, il y a l’annonce de la mort d’artistes qu’il connaissait et admirait comme Brel, Brassens, Barbara ou la disparition tragique d’un ami, le grand reporter de TF1 Patrick Bourrat, renversé par un char américain au Koweït. Autre souvenir douloureux, la ½ finale de coupe de France de football entre Bastia et Marseille en 1992, qu’il annonce comme un moment de fête pour la Corse, juste avant qu’une tribune du stade ne s’effondre et provoque un drame que PPDA commente toute la soirée à l’antenne. Puis il y a ce moment saisissant lorsqu’il présente le journal le lendemain du suicide de sa fille Solenn : « Je n’avais pas d’autre solution pour ne pas sombrer. »

 

En première ligne

Ce lien particulier qui s’est tissé avec 10 millions de téléspectateurs chaque soir durant tant d’années, PPDA à la fois seul devant une caméra et présent dans la salle à manger des français comme un rituel, il s’en rendait compte par les 300 lettres qu’il recevait chaque jour et les innombrables témoignages de sympathie aujourd’hui encore jusque dans les coins les plus perdus. Le revers de la médaille de cette notoriété, il l’a vécu avec la presse à scandale, sur laquelle il a écrit deux livres qui dénoncent ces « violeurs de vie privée ». Pourtant le devant de la scène, il ne l’a pas spécialement recherché au début de sa carrière, en démarrant comme grand reporter à France Inter pendant 3 ans, puis en intégrant le service politique d’Antenne 2. Au bout de quelques mois, la chaîne recherche un journaliste pour présenter le JT et concurrencer Roger Gicquel sur TF1. A tout juste 28 ans, c’est le début d’un règne qui sera entrecoupé de 4 ans de presse écrite à Paris Match et au Journal du Dimanche, avant de se poursuivre sur TF1 à partir de 1987. Son style bien à lui avec une voix qu’il a toujours voulu rassurante s’est toujours opposé aux journalistes racoleurs et alarmistes.

 

Drôle de fin

Lui que l’on croyait indéboulonnable s’est fait proprement viré par la direction de TF1, selon toute vraisemblance sur ordre du président Sarkozy : « De nombreux témoignages m’ont fait comprendre que j’ai agacé avec mes interviews caustiques. D’ailleurs depuis 4 ans j’ai été consciencieusement mis à l’écart des médias qui dépendaient peu ou prou du pouvoir. Après avoir eu des rapports électriques avec François Mitterrand et quelques ennuis déjà avec la droite, cet épisode me permet d’être encore plus indépendant. Que des hommes de pouvoir souhaitent un peu brider la liberté d’expression, cela peut se comprendre même si c’est navrant, mais qu’ils trouvent des gens suffisamment serviles pour leur donner satisfaction, je trouve cela invraisemblable. » A défaut de continuer à officier au JT de TF1 et plus de 3 ans après  son éviction, PPDA par le biais de sa marionnette est toujours le présentateur vedette des Guignols de l’info sur Canal +, et cela depuis leur création il y a 23 ans.

 

Quelques pistes pour bien le comprendre

Son enfance marquée par une grave leucémie lui insuffle une volonté qui lui fait brûler les étapes. Bac à 15 ans, père à 16 et romancier à 17, même si « Les enfants de l’aube » ne sera publié qu’en 1982 lorsqu’il se sera fait un nom. Après des études politiques, il commence à militer, envisage un engagement ou une carrière de diplomate, rêve d’être écrivain voyageur et finit par choisir le journalisme. A son patronyme Poivre il ajoute d’Arvor, le nom de plume de son grand-père maternel, qu’il admire au-delà de tout. D’origine paysanne, cet homme qui a été orphelin à l’âge de  2 ans, a appris à lire et écrire en cours du soir tout en travaillant, pour devenir poète. S’il est né à Reims, PPDA a toujours été très attaché à la Bretagne, notamment à Trégastel où il passait toutes les vacances de son enfance et où il possède aujourd’hui une maison : « J’aime l’authenticité des bretons, ils sont bosseurs, rêveurs et pudiques, des qualités qui me plaisent », et qui le définissent d’une certaine manière.

 

Ses autres passions

La littérature est centrale dans sa vie déjà très remplie, a tel point qu’il a trouvé le temps d’écrire ou coécrire une soixantaine de livres : « C’est justement un temps que je prends pour réfléchir, me replier sur moi, mais il faut savoir que je j’écris très vite et dors peu. » Cet été après la mort de sa mère, des éléments du passé ont refait surface et lui ont inspiré un nouveau roman. Cette passion, il l’a aussi imposé sur TF1 contre vents et marées durant 20 ans en créant deux émissions littéraires Ex-libris et Vol de nuit.

Les défis, il se les fixe également dans le sport, que ce soit en faisant partie de l’équipage d’Yvan Bourgnon lors de la transat Québec Saint-Malo en 1996, en effectuant l’ascension du Mont-Blanc ou en participant au Marathon de New York. Sinon, il pratique assez régulièrement le tennis, le vélo et court 20 minutes tous les matins.

A 64 ans, PPDA se sent en pleine forme et à l’image de la mise en scène ou de la réalisation récemment, il se souhaite de toujours explorer de nouvelles passions.

 

Publié dans Portraits

Partager cet article
Repost0

La discrète

Publié le par michelmonsay

091.jpg

Nommée à la tête de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles le 31 août dernier, Catherine Pégard veut prouver par son travail, ses qualités et sa passion pour la culture qu’elle n’est pas là par hasard. Cette ancienne journaliste politique qui a fait carrière au Point durant 25 ans et qui a été conseillère de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, ne manque pas d’ambition pour le château de Versailles en voulant le rendre encore plus grand et plus beau.

 

Dès le départ, Catherine Pégard insiste sur la réalité multiple du château de Versailles, que l’on a tendance à voir comme une entité historique : « Nous ne sommes ni dans un musée ordinaire, ni dans une résidence royale ordinaire, ni dans des jardins ordinaires, ni dans un opéra ordinaire mais il s’agit bien ici de l’addition de tous ces lieux uniques. » Son emploi du temps se décompose de telle manière à ne négliger aucun de ces domaines, mais avec l’arrivée des beaux jours, son regard se déplace un peu plus vers l’extérieur. Notamment avec la reprise des grandes eaux dans le parc ou la restauration d’un bosquet en prévoyant un échéancier à cet effet, tout en s’occupant parallèlement des collections du musée, et des acquisitions à faire pour continuer à remeubler le château.

Depuis 6 mois qu’elle est entrée en fonction pour un mandat de 5 ans, la présidente peut s’appuyer pour l’aider à prendre les bonnes décisions sur près de 1000 personnes qui travaillent sur l’ensemble du domaine, y compris les saisonniers, avec quel que soit le métier exercé, une passion et une connaissance des lieux très précieuses : « On est ici dans un livre d’Histoire où l’on apprend sans cesse avec modestie au contact de tous ces gens dévoués à Versailles. »

 

Continuer à faire rêver

La résonnance de Versailles dans le monde entier, Catherine Pégard la mesure à chacun de ses déplacements que ce soit au Japon, aux Etats-Unis, en Chine ou au Qatar. Ces voyages ont pour but d’entretenir et de renforcer le mécénat, mais aussi mettre en place des partenariats avec le jardin impérial de Tokyo notamment, ou peut-être prochainement avec le palais d’été de Pékin. Cette réputation, la maîtresse des lieux peut s’en rendre compte quotidiennement en découvrant par la fenêtre de son bureau, un public toujours aussi nombreux venu s’émerveiller devant la démesure et la beauté de Versailles.

L’ambition de la nouvelle présidente est d’aller plus loin dans la relation entre le présent et le passé, pour valoriser les 787 ha du domaine et les 188 894 m² de surface de plancher dans toute leur diversité : « C’est faire connaître aux 6,5 millions de visiteurs que nous recevons chaque année, venus pour voir la galerie des Glaces et les appartements royaux, qu’il y a beaucoup d’autres choses à découvrir. C’est transmettre le goût de Versailles aux enfants en développant davantage la visite par Internet. C’est aussi approfondir la relation entre le patrimoine historique et l’art contemporain, sans qu’il y ait confrontation mais plutôt un lien entre les deux.» Catherine Pégard continuera comme ses deux prédécesseurs d’inviter des artistes à exposer dans le château et le parc, mais ils devront avoir une vraie légitimité à le faire.

 

L’épanouissement d’une passion en sommeil

Diriger cette institution qui représente une partie de l’identité de la France partout dans le monde, est à la fois un honneur pour Catherine Pégard et une chance extraordinaire dans sa vie, de transformer ce qui était jusqu’à présent un goût en travail. Nicolas Sarkozy qui la connaît depuis très longtemps, a estimé qu’elle pourrait être à la hauteur de cette tâche et l’a nommée à la tête de Versailles le 31 août 2011. Cette nomination qui a fait couler beaucoup d’encre, l’intéressée n’a pas voulu la commenter ni à l’époque ni aujourd’hui, mais dès le départ elle s’est sentie en mesure de remplir la mission qu’on lui confiait : « Tout ce que j’ai fait dans la partie qui n’était pas forcément visible de ma vie, était lié à ce que représente Versailles. » Ce goût pour la culture, l’histoire et la musique, peu le lui connaissaient tant elle s’était investie dans le domaine politique. Cela a commencé par le journalisme, son rêve d’enfant qu’elle concrétise brillamment en démarrant au Quotidien de Paris aux côtés de Philippe Tesson, qui lui conseille de choisir la politique, rubrique phare des journaux de la fin des années 70. Elle se passionne pour ce domaine qu’elle suivra durant les 30 ans de sa carrière dans la presse.

Cette presse justement, elle l’a retrouvée face à elle en janvier dernier lors de la première conférence de sa présidence, qu’elle a organisée dans une salle en travaux afin de bien montrer que sous les ors, Versailles est un chantier permanent pour demeurer ce qu’il est : « Ma mission est que le château soit accessible au plus grand nombre, et soit encore plus beau et plus grand en ouvrant de nouvelles pièces que l’on aura remeublées. »

 

Dans l’antichambre du pouvoir

Dès son élection en mai 2007, Nicolas Sarkozy propose à Catherine Pégard de travailler à ses côtés comme conseillère politique. Il apprécie chez elle sa grande expérience journalistique dans le domaine et son indépendance d’esprit. De plus elle n’appartient pas au sérail qui entoure le nouveau président, et lui apporte de ce fait un regard différent. Durant 4 ans, elle contribue ainsi à mettre en valeur l’action du président auprès d’un auditoire politique et culturel plus large et pas forcément acquis à sa cause. Ce travail dans l’ombre, à l’inverse d’autres conseillers, Catherine Pégard de par sa nature l’a effectué dans la plus grande discrétion autant à l’égard du président que de ces interlocuteurs, leur apportant ainsi un gage de confiance.

Après avoir été observatrice du monde politique en tant que journaliste, son séjour au cœur de l’Elysée lui a révélé une réalité quelque peu différente : « Vous vous apercevez que le journalisme s’apparente davantage à de l’impressionnisme, et lorsque vous êtes au contact du pouvoir, tout à coup les couleurs sont plus vives. Le souci de l’intérêt général est beaucoup plus grand que ce que l’on a coutume par facilité de dire, et la violence de la politique vous paraît beaucoup plus aiguë. »

 

La construction d’une réputation

Sa carrière dans la presse a eu essentiellement pour cadre l’hebdomadaire Le Point, où de simple journaliste politique en 1982 lorsqu’elle intègre la rédaction, elle deviendra chef du service politique et éditorialiste. Elle a conscience avec le recul d’avoir exercé son métier dans les meilleures conditions possibles durant 25 ans au sein de ce magazine. Pour cela, cette femme curieuse, passionnée et ayant une grande capacité d’écoute, n’a pas ménagé sa peine dans un travail quotidien au fil des années, où elle a su construire un important réseau de relations de confiance qui lui ont servi jusqu’à aujourd’hui. Elle considère Le Point comme un exemple de réussite rare, et revendique une certaine fierté pour la rubrique politique qu’elle a dirigée.

 

Des fondements fondamentaux

Cette normande très attachée au Havre jusqu’à la mort de ses parents, se rappelle d’une enfance très heureuse dans sa ville natale, où elle retournait toujours avec bonheur : « Avoir des attaches provinciales donne un socle important et permet de garder les pieds sur terre. Le fait d’être allée au Havre très régulièrement alors que je m’occupais de politique au Point, me permettait d’avoir un recul et une vision plus pondérée des événements. » A 57 ans, Catherine Pégard va tout faire durant les 4 prochaines années pour mener à bien sa mission à Versailles, et pour le reste, comme dirait son maître Claude Imbert journaliste cofondateur du Point: « La vie invente. Elle a inventé pour moi comme il me l’a dit lorsque j’ai quitté le magazine pour l’Elysée, puis une nouvelle fois quand j’ai été nommée à Versailles, et je pense qu’elle inventera encore. »

 

Publié dans Portraits

Partager cet article
Repost0

Un esthète à l’univers poétique

Publié le par michelmonsay

Kenzo 003 

Le grand créateur japonais Kenzo a fait rêver durant 30 ans, hommes et femmes du monde entier avec son style coloré, fleuri et gai, mélange de cultures, qui a bouleversé la mode des années 70 et inspiré de nombreux couturiers. Reconverti aujourd’hui dans la peinture, il répond encore assez souvent à des sollicitations de créations dans la mode et la décoration.

 

Cela fait déjà 12 ans que Kenzo Takada n’est plus à la tête de la marque qu’il a créée en 1970. Il continue à un rythme plus serein d’exprimer son talent sous différentes formes à travers des collaborations ponctuelles. Comme la décoration intérieure et les uniformes qu’il vient de réaliser pour le nouvel hôtel Sofitel à l’île Maurice, ou la collection de vêtements et accessoires pour la marque de sports de glisse Longboard. Il a également créé une collection de foulards au Japon, dessiné une boite pour Sushi Shop et suite au drame japonais, pour la même enseigne, un badge dont les bénéfices sont versés à la Croix-Rouge afin d’aider les sinistrés. Maintenant qu’il n’est plus dans le tourbillon des collections qui s’enchaînent et des créations de toutes sortes pour la marque Kenzo, il peut s’adonner plus facilement à sa passion des voyages.

Cela étant, le principal de son activité aujourd’hui est la peinture, qui a pris en quelque sorte le relais de la couture pour laisser libre cours à son génie créatif. En 2010, il a exposé à Paris, 8 autoportraits en magnifiques costumes de théâtre nô. Auparavant il y a eu Munich, Marrakech et Casablanca où il a peint des scènes orientalistes, Buenos Aires, peut-être prochainement Stockholm, avec chaque fois l’envie d’aborder un thème différent.

 

Un tournant délicat

Après avoir vendu la société Kenzo au groupe LVMH en 1993, Kenzo Takada continue d’être le créateur de la marque jusqu’à la fin 1999. Il profite ensuite d’avoir enfin du temps à lui pour parcourir le monde, mais au bout de trois ans le travail lui manque. Il lance alors une nouvelle ligne de vêtements et d’éléments de décoration sous le nom de Gokan Kobo avant de l’intituler Takada. Cette aventure s’arrête malheureusement en 2007 par une liquidation judiciaire, alors qu’il s’est beaucoup investi, à cause du problème de l’utilisation de son nom et de la défaillance d’un partenaire financier.

Reste aujourd’hui cette sensation bizarre de voir son nom sur des vêtements et autres accessoires qui ne sont pas de lui, d’autant que beaucoup de gens partout dans le monde pensent encore qu’il est toujours le créateur des nouvelles collections Kenzo. S’il reconnaît le beau développement de la marque côté parfums, il n’apprécie pas toujours le prêt-à-porter.

 

Naissance japonaise d’une passion

Outre le pin’s pour Sushi Shop, la grande danseuse Sylvie Guillem lui a demandé de dessiner l’affiche du gala de charité qu’elle a initié pour les sinistrés de la catastrophe japonaise, qui s’est tenu le 6 avril 2011 à Paris avec de prestigieux artistes. Kenzo Takada qui a dit un texte en ouverture de la soirée, a été très touché par cette mobilisation. Il est ensuite retourné 15 jours au Japon, comme il le fait deux à trois fois par an depuis 46 ans qu’il vit à Paris. Avant de rejoindre la capitale de la mode en 1965, la passion du jeune Kenzo nait à travers son goût prononcé pour le dessin, les magazines de mode qu’il empreinte à ses deux sœurs, et l’élégance de sa mère qui tient une maison de thé. Il fréquente les bancs de l’université de Kobe durant six mois, et apprend que l’école de mode de Tokyo ouvre pour la première fois ses portes à des garçons. Contre l’avis de ses parents, il part seul pour la capitale japonaise avec finalement l’aide financière de sa mère.

Après 3 ans d’étude, il commence à travailler dans la mode à Tokyo. Cela se passe bien, mais 4 ans plus tard il doit quitter son appartement à cause des Jeux olympiques en échange d’une belle somme d’argent. Il en profite pour réaliser son rêve et quitter pour la première fois le Japon pour aller à Paris : « Sur le conseil de mon professeur, j’y suis venu par bateau. Le voyage a duré un mois et a été formidable, avec des escales de deux jours à Hong-Kong, Saigon, Bombay, Djibouti, Alexandrie où les gens étaient encore à l’époque en costume traditionnel. »

 

A la conquête de la capitale de la mode

Tous ces enchantements qui le marquent durablement, sont refroidis par la grisaille de l’hiver parisien qui accueille Kenzo Takada en ce 1er janvier 1965 à la gare de Lyon, pour démarrer l’une des plus belles pages de la mode. L’adaptation est difficile pour ce japonais qui ne parle pas français, ne connaît personne et dont les habitudes alimentaires sont bien différentes. Au bout de 5 mois, il montre des croquis à Louis Féraud qui les achète, collabore avec le magazine Elle et se fait engager par des bureaux de style.

Puis en 1970, il créé sa première collection féminine avec pour nom Jungle Jap et ouvre une boutique dans le passage Vivienne. Il affirme dès le départ une identité forte constituée d’un mélange de tradition japonaise, de costumes ethniques venant de plusieurs pays et une touche occidentale. Le tout étant décontracté, gai, très coloré, et avec des imprimés fleuris. Le style Kenzo révolutionne les années 70, va inspirer de nombreux créateurs et ouvrir la voie à des couturiers japonais. L’insouciance de cette époque sans trop d’argent ni la pression qu’il aura ensuite, permet à Kenzo Takada de se réinventer à chaque collection sans avoir peur et sans être trop sérieux pour son plus grand bonheur.

 

Au cœur de la création

Avec les années 80, la marque prend toute sa dimension et atteint les sommets de la mode, d’autant qu’en 1983 Kenzo lance sa première collection pour hommes, élégante mais un peu décontractée, qui rencontre un vrai succès. Il nous explique son processus de création : « Quand il s’agit de créer des vêtements féminins, je ne pense pas à une personne en particulier, c’est plutôt un fantasme. Si je veux faire une collection un peu japonisante, je commence par dessiner une tête japonaise et après ça vient tout seul. De même pour des vêtements d’inspiration africaine, je dessine une tète africaine et ça suit. Pour les hommes, c’est plus facile et direct, je pense à moi ou à un ami. » Quant à l’inspiration, elle est diverse : « Les voyages, comme au Rajasthan en Inde où les couleurs et les formes sont tellement belles, les vieux films, les expositions de peinture, ou tout simplement dans la rue quand je croise quelqu’un de très élégant ou au contraire pas du tout, cela peut m’inspirer. » Il ne prend jamais de notes, ni de photos, tout est dans sa tête et ressort au moment de la création du dessin et de la construction du vêtement, soit sur un patron à plat soit sur un mannequin.

 

Succès sur toute la ligne

A toutes les étapes de l’élaboration d’un modèle, il retrouve chaque fois la même émotion et le même plaisir, y compris lors de l’apothéose du défilé quand tout se passe bien. Cet exercice, où le couturier est souvent tendu, après l’avoir envisagé très spontané au début, devient après quelques années beaucoup plus élaboré avec une mise en scène très innovante. Comme le défilé sous un chapiteau de cirque où Kenzo est venu saluer sur un éléphant, ou celui de ses adieux en 1999 au Zénith de Paris, immense spectacle retraçant ses 30 ans de carrière. Il s’est toujours senti plus à l’aise dans le prêt-à-porter que dans la haute couture où tout est minutieux, en étant conscient de ce qu’est la fabrication des vêtements en usine, et en utilisant des tissus de qualité mais pas trop chers, pour rester accessible au plus grand nombre possible.

Parmi les nombreuses cordes que Kenzo ajoute à son arc au fil des années, avec la décoration maison, les bijoux, et de nombreux accessoires, il y a les parfums qui voient le jour à partir de 1988 et deviennent rapidement une immense réussite qui ne s’est jamais démentie depuis. Il s’investit beaucoup au début dans le choix des senteurs, l’élaboration du flacon et du packaging.

 

La constance du bon goût

Ce grand collectionneur d’art qui avait il y a 4 ans encore une fabuleuse maison japonaise de 1100 m² dans Paris près de Bastille, et qui habite aujourd’hui un superbe appartement de la rive gauche, a toujours eu le sens inné du bon goût. Cela paraît autant évident quand on découvre son environnement personnel, qu’à travers les milliers de modèles qu’il a créés tout au long de sa carrière et dans les différentes activités annexes qui ont enrichi la marque Kenzo. A 73 ans, il n’a plus envie de prendre de risques ni avoir de responsabilités, mais plutôt continuer à jouer le touche à tout en apportant sa patte géniale et reconnaissable entre toutes, à des collections occasionnelles dans la mode et la décoration. Sans oublier la peinture, dont l’accueil favorable réservé à ses toiles est le miroir de l’amour que continue à lui porter une très large famille d’inconditionnels dans le monde entier.

 

Publié dans Portraits

Partager cet article
Repost0

Le rire et l’émotion

Publié le par michelmonsay

Patrick Chesnais 001    

Un Molière, un César, une brillante carrière tant au théâtre qu’au cinéma, Patrick Chesnais est souvent associé à ce personnage pince sans rire souvent dépassé voire désabusé, qui au final se révèle toujours drôle et attachant. Arrivé à une certaine maturité, il enchaîne films et pièces avec une côte d’amour toujours au beau fixe.

 

Pas de temps mort pour Patrick Chesnais, à peine fini la tournée de la pièce « Toutou » fin janvier, il démarre en province d’abord puis à Paris en septembre, Tartuffe de Molière qu’il va jouer avec Claude Brasseur. Davantage porté vers le théâtre contemporain, même s’il a joué du classique dans la première partie de sa carrière, il préfère les pièces qui parlent des choses d’aujourd’hui, et être plutôt dans la création que reproduire des succès passés, sauf lorsqu’il s’agit de chefs-d’œuvre comme Tartuffe où il y apporte une sensibilité moderne dans le jeu.

Côté tournages, son emploi du temps est aussi bien rempli. Il en a dès à présent deux prévus pour 2012 et il vient de terminer le film de Jean Becker, « Bienvenue chez nous » qui sortira en juin. Il y campe un artiste peintre dépressif qui part de chez lui en voiture, et rencontre une jeune fille asociale de 15 ans. A travers un road-movie, ils vont mutuellement se redonner goût à la vie. Avant cela, il avait tourné un film belge où il jouait un père d’un égoïsme monstrueux qui cache une fragilité. Egalement un polar de Xavier Durringer diffusé le 6 janvier sur France 2, « Hiver rouge », où Patrick Chesnais incarne un commissaire désabusé sur les traces d’un sérial killer, une très belle réussite selon ses dires. Le point commun entre ces trois rôles est une certaine complexité de caractère, à laquelle le comédien apporte quelque chose qui apparemment lui échappe et rend ainsi le personnage attachant.

 

Le plaisir d’être en tournée

Ce planning très serré l’a obligé à réduire la tournée de Toutou à deux mois, mais comme il enchaîne avec Tartuffe en province, il va pouvoir apprécier ces moments privilégiés : « A l’inverse de Paris, on ne joue pas tous les jours et c’est chaque fois dans des endroits différents, il n’y a donc pas de saturation ni de fatigue. On est en forme dans un lieu agréable sans les tracas du quotidien, on laisse le temps filer, on bouquine, on se promène, s’il y a un spa dans l’hôtel, on s’occupe de son corps, puis le soir on est acclamé dans une salle comble en étant mieux payé qu’à Paris, et pour finir il y a toujours un bon restaurant après. Quant au public, le second degré et la finesse passent mieux à Paris, mais les réactions peuvent être beaucoup plus fortes en province. »

Le bonheur avec Patrick Chesnais est qu’il ne manie pas la langue de bois, si répandue de nos jours, et n’hésite pas à dire qu’il regrette d’avoir accepté de jouer Toutou. Mis à part le challenge excitant d’être constamment en scène avec sa femme Josiane Stoléru, il trouve la pièce en elle-même plus limitée que toutes celles jouées jusqu’alors. Pourtant, le public sort ravi et rit de bon cœur à cette histoire de couple qui part en vrille à la suite de la perte de leur chien, mais sur la durée, ce n’est pas le succès que rencontre habituellement Patrick Chesnais. Avec Tartuffe, il est évident qu’il n’aura pas ce regret, et dès les répétitions il sent déjà la force de chaque mot.

 

Les coulisses de l’acteur

Instinctif dans son jeu, il ne croit pas à la technique : « Pour un acteur, la technique c’est vivre, apprendre la vie, respirer la vie et la restituer le mieux possible. Derrière l’acteur, il y a avant tout l’homme qu’il est, ce qui transparaît de lui qu’il le veuille ou non. » Lorsqu’il joue au théâtre à Paris, afin d’éviter l’usure : « Nous devons redécouvrir le texte tous les soirs, pour cela on s’appuie sur le public et selon ses réactions, on joue différemment. S’il ne rie pas, on se retrouve dans une pièce plus réaliste voire dramatique et je vais jusqu’au bout de cette logique, alors que le lendemain la salle va peut-être hurler de rire. Quand une situation est juste, il y a un effet de miroir et le public rie de se reconnaître. » Il explique très bien la différence entre le théâtre et le cinéma qu’il pratique simultanément : « Au théâtre, on donne énormément, c’est comme un show partagé avec des centaines de personnes. Au cinéma, on vous prend, on vous capte, on vous arrache quelque chose de l’ordre de l’intime. »

S’il aime beaucoup travailler dans le cinéma, cela dépend aussi de la qualité des scénarios, il en reçoit beaucoup et sait au bout de 10 pages si le film va se faire. Il recherche avant tout une certaine cohérence entre le scénario, le travail avec le réalisateur, le résultat du film terminé et son succès auprès du public. A l’image de  « Tu seras mon fils » qui sort fin janvier en DVD, dans lequel il joue le régisseur d’un domaine viticole aux côtés de Niels Arestrup, un film qu’il juge très réussi et qui a eu un joli succès.

 

Une plus grande liberté

Il a l’impression à 64 ans d’être arrivé à une certaine maturité tout en étant en pleine possession de ses moyens, notamment au cinéma où il sent plus de liberté et de maîtrise devant la caméra : « Avant j’étais soit dans la comédie avec la tête dans les nuages, soit dans quelque chose de plus sombre, aujourd’hui tout se mélange. On me propose des personnages plus complexes, peut-être grâce à une sorte d’accomplissement entre l’homme que je suis devenu, l’expérience, la force, la plénitude et quelque chose qui ressemble à du bon sens. Le public me perçoit comme étant un pince sans rire un peu bougon, un peu désabusé, ayant un mauvais caractère mais étant drôle. Même si c’est réducteur il y a quelque chose de vrai. » Cette maturité lui évite aujourd’hui d’avoir le trac, sauf lors des premières et des représentations exceptionnelles comme en 2010 juste avant la cérémonie des Molières, lorsqu’il a joué une pièce de Feydeau en direct à la télé et devant toute la profession.

Après avoir été contemplatif à ses débuts, il a besoin aujourd’hui d’avoir une vie agitée où il se passe sans arrêt quelque chose. Pour cela, il enchaîne films, téléfilms, pièces et continue à s’occuper de l’association Ferdinand qu’il a créé à la mort de son fils, tué en 2006 alors qu’il avait 20 ans, dans un accident de voiture provoqué par un ami ivre qui conduisait le véhicule dans lequel Ferdinand était passager. Patrick Chesnais avec son association attire régulièrement l’attention dans les médias, avec des clips ou des courts-métrages poignants pour alerter contre l’alcool au volant chez les jeunes. Pour prolonger la vie de son fils, il a aussi écrit un livre : « Il est où, Ferdinand ? »

 

Etonnant de facilité

Même si dès l’âge de 7 ans, il avait fabriqué un théâtre dans sa chambre et jouait des personnages avec ses copains, il ne concevait pas de devenir acteur professionnel. Puis à 16 ans passés, un matin en se réveillant, il a eu la révélation. Plutôt mauvais élève en classe, cette vocation dont il prend subitement conscience va l’emmener sur une voie royale avec une facilité déconcertante. D’abord au conservatoire de Rouen, ville où il a passé son enfance, puis au fameux Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris dont il ressort avec le 1er prix de comédie. Tout s’enchaîne ensuite naturellement, d’abord au théâtre puis au cinéma à partir de 1974, où depuis il est un des rares comédiens à jouer autant sur scène que devant une caméra. Pour comprendre cette insolente réussite, ce sont les mots que lui a confié en 1971 l’acteur Marcel Dalio qui sont les plus justes : « Toi, tu as les deux, faire rire et émouvoir, c’est très rare. » Savoir provoquer le rire pour Patrick Chesnais : « c’est avoir un regard différent sur le monde, une part d’innocence, d’enfance, mêlée à une sensibilité tout en sachant être réactif. »

 

Comblé mais pas tout à fait

Dans les 70 films, 30 téléfilms et 50 pièces qu’il a joués, se détachent « Cochons d’Inde » un bijou d’humour et d’absurde qui lui a valu le Molière du meilleur comédien 2009, « Je ne suis pas là pour être aimé » le très beau film de Stéphane Brizé en 2005 dans lequel Patrick Chesnais est remarquable, et aussi « La lectrice » le joli film libertin de Michel Deville où il a obtenu le César du meilleur second rôle. Les critiques lui ont très souvent été favorables, surtout au théâtre, et si tous ses désirs professionnels sont comblés, il aimerait revenir à la réalisation qu’il avait déjà touché à deux reprises et continuer à jouer : « J’ai toujours l’envie d’aller plus loin avec des scénarios encore meilleurs, j’aime jouer, ça me fait du bien, sinon je commence à m’embêter. »

 

Publié dans Portraits

Partager cet article
Repost0

Une détermination toute en douceur

Publié le par michelmonsay

Jean-Marie Colombani 005 

Avec 30 années au journal Le Monde dont 13 à la direction, des émissions à la télévision, à la radio, des livres, Jean-Marie Colombani est assurément l’un des plus éminents journalistes politiques. Tout en continuant ses collaborations audiovisuelles, il est aujourd’hui à la tête de Slate.fr, un site en plein essor qui prend le temps d’analyser l’information.

 

Totalement investi dans l’Internet depuis 2 ans, Jean-Marie Colombani entouré de 4 partenaires a créé la version française du site américain d’informations « Slate.com » appartenant au Washington Post. Cela fait un moment qu’il était persuadé que l’univers de la presse allait se structurer autour d’Internet, il a d’ailleurs lancé la version web du journal « Le Monde » en 1995 lorsqu’il en était directeur. Avec Slate.fr, il a fait le pari de la qualité : « Devant la profusion d’informations en flot continu, j’ai pensé qu’il serait judicieux de proposer un site de réflexion et d’analyse non partisanes pour mieux comprendre ce qui se passe dans le monde. D’autant que les restructurations dues à la crise de la presse écrite, affaiblissent la force de frappe éditoriale d’un certain nombre de journaux. »

En s’appuyant sur la base très puissante en termes de contenus du site américain, dans laquelle l’équipe de Jean-Marie Colombani peut puiser tant qu’elle le souhaite en la traduisant, Slate.fr rencontre depuis 2 ans un succès croissant et a fait naître pour son plus grand bonheur, une entreprise de presse qui fait travailler un volant de 200 collaborateurs plus ou moins réguliers : « La réussite vient d’un mix de journalistes aux cultures différentes, les premiers issus du journal Le Monde, riches d’une plus-value professionnelle, les seconds étant des jeunes nés dans l’Internet. A cela s’ajoute la production importée de la planète Washington Post. »

 

Journaliste tout support

Autour de cette activité très prenante, qui plus est en plein développement avec notamment l’ouverture de Slate Afrique à Dakar en début d’année, où il est retourné pour la 1ère fois dans sa ville de naissance, Jean-Marie Colombani à 63 ans n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. En plus de sa société de conseil en stratégie médias et communication, il a cofondé et participe à 2 sites dont un dédié à la philanthropie : Youphil.com, continue d’écrire naturellement sur Slate.fr, mais aussi des éditos pour l’Express, Challenges ou des journaux étrangers comme El Pais, anime depuis 10 ans chaque samedi sur France Culture « La rumeur du monde » et a une chronique le même jour sur France Inter. A côté de cela, il a une émission intitulée « Jean-Marie Colombani invite » sur la chaîne Public Sénat où il interviewe des personnalités en prenant le temps d’aller plus loin dans la réflexion.

La petite vingtaine d’essais politiques qu’il a écrits s’ajoute à tous ces supports où Jean-Marie Colombani peut exprimer sa passion du journalisme et de la politique : « La radio avec son instantanéité est un instrument de liberté phénoménal, Internet est devenu le centre des supports de presse qui doivent aujourd’hui apprendre à s’organiser en fonction de lui, mais ils ne disparaîtront pas pour autant. Les livres représentent une ascèse et beaucoup de temps que je n’ai pas actuellement, cependant ils m’ont permis chaque fois d’arrêter ma pensée et poser une réflexion approfondie. »

 

La télé pour démarrer et pour s’affirmer

Après des études à Sciences-Po, sa carrière démarrée en 1973 à l’ORTF, prend corps durant 3 ans à FR3 Nouméa en Nouvelle-Calédonie où il a passé d’ailleurs une partie de son adolescence. Il devient également correspondant local du journal Le Monde, ce qui lui permet en 1977 lorsqu’il revient en métropole d’être embauché à la rédaction pour couvrir le conflit entre Giscard et Chirac, l’un à l’Elysée l’autre à la Mairie de Paris. Son retour à la télé, cette fois au plan national se fait en 1987 aux côtés d’Anne Sinclair pour Questions à domicile sur TF1 : « C’était pour moi une chance d’approfondir l’art et la manière de l’interview à une époque où elle faisait événement à la télévision. D’autant que nous étions dans une période bénie pour les journalistes avec la première cohabitation entre Mitterrand et Chirac, puis l’élection présidentielle de 1988. »

Jean-Marie Colombani ne croit pas à l’objectivité d’un journaliste : « On est tous porteurs de sa propre subjectivité, le tout est de la faire reculer autant qu’il est possible et accomplir honnêtement son métier. » Il rejoint ensuite en 1989 l’équipe de L’heure de vérité, l’émission politique phare de la télévision française aux côtés de François-Henri de Virieu, Alain Duhamel et Albert du Roy. Un invité était interviewé durant une heure selon une dramaturgie précise où il se retrouvait successivement face aux 3 journalistes qui faisaient chacun feu de tout bois sous des angles différents. Ces 6 années sont riches en souvenirs pour Jean-Marie Colombani dont les pires sont les interviews de Jean-Marie Le Pen : « Il instaurait tout de suite un rapport de force physique violent, Jacques Chirac n’était pas commode non plus, il était péremptoire et habitué aux tunnels pour empêcher le journaliste de poser des questions, il a d’ailleurs toujours été mauvais à la télé. »

 

La consécration au Monde

Le plat de résistance de la carrière de ce journaliste revendiqué de gauche qui se considère comme un social démocrate, est bien évidemment les 30 années au journal Le Monde, où il gravit les échelons jusqu’à en prendre la direction en 1994. C’est une période où le quotidien va mal, Jean-Marie Colombani va le sauver et le relancer en lui redonnant son influence historique et même une puissance qui lui sera reprochée par la suite, tout en lui conservant son indépendance et ses valeurs. Il le fait en lançant une nouvelle formule qui rencontre rapidement un franc succès, en construisant avec la contribution d’Alain Minc un groupe de presse autour du Monde, et en créant la version web du journal.

Malgré un bilan plus que positif, il n’est pas réélu une 2ème fois en 2007 à cause de rancœurs nées avec une minorité de dirigeants de la société des rédacteurs du quotidien qui s’allient avec Alain Minc, président du conseil de surveillance du Monde, pour empêcher le directeur d’enchaîner un 3ème mandat et mettre en pratique son solide projet de recapitalisation : « Au lieu de ça, ils vont préférer tourner le dos à une stratégie de développement, en vendant des actifs pour ne garder que le journal Le Monde. C’était une voie condamnée à aboutir à la vente du quotidien, et de ce fait à la perte de son indépendance, tout cela est un grand gâchis. » Le point de départ de tous ces remous est le livre « La face cachée du Monde » publié en 2003 qui fait l’effet d’une bombe : « Cela me parait évident qu’il y avait des intérêts politiques très puissants autour de la démarche de l’auteur Pierre Péan, pour affaiblir durablement le journal qui avait acquis trop de rayonnement et de force. »

 

Un grand chapitre se referme

Au final, en étant 13 ans à la tête du Monde, Jean-Marie Colombani détient le record de longévité en dehors du fondateur historique Hubert Beuve-Méry. C’est pourtant comme une libération qu’il vit son départ en 2007, tant l’ambiance était devenue exécrable. Pour cet homme qui aime plus que tout observer et raconter, la passion du journalisme est née durant son adolescence avec la lecture des écrits de Jean Daniel, le fondateur du Nouvel Observateur. S’il est né à Dakar, son enfance est partagée entre la banlieue parisienne, la Corse où il a ses racines et Nouméa.

Après avoir tourné la page du Monde et avant d’ouvrir celle d’Internet avec Slate.fr, Jean-Marie Colombani, père de 5 enfants dont deux adoptés, s’est vu proposé une mission sur l’adoption au début du mandat de Nicolas Sarkozy, période d’ouverture où le président fait appel à de nombreuses compétences. Il rédige un rapport qui souligne les dysfonctionnements rencontrés par les familles, et qui a permis depuis d’en corriger une partie. Il espère qu’à l’occasion de la prochaine campagne présidentielle, certains se saisiront de l’autre partie.

 

Souvenir et avenir

De toutes les rencontres qui ont jalonné ses 38 ans de carrière, François Mitterrand est la personnalité qui a le plus impressionné Jean-Marie Colombani : « Il a été un grand président qui a fait des choix stratégiques majeurs, et il incarnait un art politique porté à son sommet. Ce qui ne nous a pas empêchés de l’attaquer par moments et moi-même d’avoir des relations conflictuelles avec lui. »

Ce grand journaliste concède qu’il est de plus en plus difficile de résister à l’emballement médiatique, comme pour l’affaire DSK, voilà pourquoi avec Slate.fr il essaie de proposer un regard plus distancié, rigoureux et analytique. Amateur de cinéma et d’opéra, il consacre le plus de temps possible à ce qu’il a de plus cher au monde, sa femme et ses 5 enfants. Il reste aujourd’hui toujours aussi passionné par son métier : « On a la chance de pouvoir faire partager notre curiosité, mais si on perd cette curiosité, on devient cynique et blasé. » Loin d’en arriver là, il jubile à l’approche de la campagne électorale qui va s’ouvrir.

 

Publié dans Portraits

Partager cet article
Repost0

<< < 1 2 3 4 5 6 7