Une passion peut en cacher une autre

Publié le par michelmonsay

Patrick Poivre D'Arvor 004 

L’homme aux 10 000 JT, Patrick Poivre d’Arvor, Le présentateur du journal de 20 heures que la France entière connaît, aura su garder durant 29 ans la confiance de tous de sa voix rassurante. L’effervescence dont il a besoin au quotidien se nourrit de l’écriture avec 60 livres au compteur, de nouvelles passions comme la mise en scène, la réalisation, et toujours la télévision avec « La traversée du miroir » sur France 5 et peut-être plus à venir.

 

Boulimique de travail toujours à la recherche de nouveaux défis, PPDA depuis près de 4 ans qu’il ne présente plus le 20 heures de TF1, s’est lancé entre autre dans la mise en scène. Tout d’abord l’année dernière en montant Carmen dans le cadre des opéras en plein air, et tout récemment en réalisant cet été en Bretagne un téléfilm pour France 3, « Mon frère Yves » un roman de Pierre Loti adapté par Didier Decoin. Dans les deux cas, même s’il avait des idées de mise en scène inspirées par des artistes qui lui ont façonné le goût, il a appris ce nouveau métier sur le tas : « J’ai vraiment voulu connaître tout, en interrogeant les différents corps de métier qui composent une équipe, pour savoir comment cela se passait chacun dans son domaine. Comme pour l’écriture, j’aime l’idée de laisser une trace avec ce téléfilm, au contraire du journalisme qui est plus volatile, où chaque jour le journal télévisé est effacé et remplacé par un autre. »

 

La télévision encore et toujours

Si le JT et l’arène politique ne lui ont pas manqué depuis 2008, il avoue être titillé aujourd’hui par l’élection présidentielle. Après avoir refusé de nombreuses propositions soit moins intéressantes soit directement concurrentielles avec son ancienne chaîne, il ne ferme pas la porte aux deux trois personnes qui lui tournent autour en ce moment. Ne pas couvrir cet événement politique majeur pour la première fois depuis 1974, lui manquerait à coup sûr. Quoiqu’il en soit, il entame une quatrième saison de son rendez-vous hebdomadaire « La traversée du miroir » le dimanche à 19h sur France 5, où il reçoit deux personnalités durant près d’une heure qui répondent à tour de rôle à une interview confidence, sans promotion ni quoi que ce soit à vendre. Il va également continuer à proposer des émissions spéciales sur France 3, comme il l’a déjà fait pour la tempête Xynthia un an après ou sur les 40 ans de la disparition du général de Gaulle.

 

L’homme du 20 heures

Détenteur du record du monde de longévité à la présentation du journal télévisé avec 29 ans dont 8 sur Antenne 2 et 21 sur TF1, PPDA n’a pas aimé ce que devenait l’actualité  les dernières années de son activité: « Aujourd’hui il y a trop de fascination pour les faits divers, et lorsque l’on s’empare d’une histoire comme l’affaire DSK, on en parle en boucle jusqu’à la nausée avec tous les détails les plus croustillants. J’ai toujours refusé de pratiquer cette surenchère et ça marchait tout aussi bien. C’est une erreur de penser que les téléspectateurs sont friands de cela voire insultant d’essayer de flatter ainsi leurs bas instincts. Si on leur offre de vraies possibilités de se nourrir l’esprit, les gens y vont. » C’est certainement ce qui lui plaisait le plus, le côté pédagogue, présenter un sujet complexe de manière à apprendre au plus grand nombre. Il n’a jamais aimé cette évolution de la télé vers plus de facilité et de compromis. L’autre aspect qui lui a évité toute lassitude durant ces 21 ans à TF1, est qu’il était le seul maître à bord de son 20h et décidait des sujets en toute liberté, tout en écoutant beaucoup son équipe.

 

Que de souvenirs

Les moments les plus forts restent les 150 JT qu’il a présentés in situ, notamment juste après le 11 septembre à New-York, ou pendant le putsch en Russie, l’entretien en Irak avec Saddam Hussein ou en Lybie avec Kadhafi. De manière générale, il n’avait pas froid aux yeux lors des interviews politiques quelque soit l’interlocuteur, qu’il ne manquait pas d’asticoter. Cependant les personnalités qui l’ont marqué sont davantage des êtres empreints de spiritualité comme le Dalaï-lama, Mère Teresa ou le pape Jean-Paul II, et quelques politiques comme Bernard Stasi ou Simone Veil.

Parmi les moments difficiles, il y a l’annonce de la mort d’artistes qu’il connaissait et admirait comme Brel, Brassens, Barbara ou la disparition tragique d’un ami, le grand reporter de TF1 Patrick Bourrat, renversé par un char américain au Koweït. Autre souvenir douloureux, la ½ finale de coupe de France de football entre Bastia et Marseille en 1992, qu’il annonce comme un moment de fête pour la Corse, juste avant qu’une tribune du stade ne s’effondre et provoque un drame que PPDA commente toute la soirée à l’antenne. Puis il y a ce moment saisissant lorsqu’il présente le journal le lendemain du suicide de sa fille Solenn : « Je n’avais pas d’autre solution pour ne pas sombrer. »

 

En première ligne

Ce lien particulier qui s’est tissé avec 10 millions de téléspectateurs chaque soir durant tant d’années, PPDA à la fois seul devant une caméra et présent dans la salle à manger des français comme un rituel, il s’en rendait compte par les 300 lettres qu’il recevait chaque jour et les innombrables témoignages de sympathie aujourd’hui encore jusque dans les coins les plus perdus. Le revers de la médaille de cette notoriété, il l’a vécu avec la presse à scandale, sur laquelle il a écrit deux livres qui dénoncent ces « violeurs de vie privée ». Pourtant le devant de la scène, il ne l’a pas spécialement recherché au début de sa carrière, en démarrant comme grand reporter à France Inter pendant 3 ans, puis en intégrant le service politique d’Antenne 2. Au bout de quelques mois, la chaîne recherche un journaliste pour présenter le JT et concurrencer Roger Gicquel sur TF1. A tout juste 28 ans, c’est le début d’un règne qui sera entrecoupé de 4 ans de presse écrite à Paris Match et au Journal du Dimanche, avant de se poursuivre sur TF1 à partir de 1987. Son style bien à lui avec une voix qu’il a toujours voulu rassurante s’est toujours opposé aux journalistes racoleurs et alarmistes.

 

Drôle de fin

Lui que l’on croyait indéboulonnable s’est fait proprement viré par la direction de TF1, selon toute vraisemblance sur ordre du président Sarkozy : « De nombreux témoignages m’ont fait comprendre que j’ai agacé avec mes interviews caustiques. D’ailleurs depuis 4 ans j’ai été consciencieusement mis à l’écart des médias qui dépendaient peu ou prou du pouvoir. Après avoir eu des rapports électriques avec François Mitterrand et quelques ennuis déjà avec la droite, cet épisode me permet d’être encore plus indépendant. Que des hommes de pouvoir souhaitent un peu brider la liberté d’expression, cela peut se comprendre même si c’est navrant, mais qu’ils trouvent des gens suffisamment serviles pour leur donner satisfaction, je trouve cela invraisemblable. » A défaut de continuer à officier au JT de TF1 et plus de 3 ans après  son éviction, PPDA par le biais de sa marionnette est toujours le présentateur vedette des Guignols de l’info sur Canal +, et cela depuis leur création il y a 23 ans.

 

Quelques pistes pour bien le comprendre

Son enfance marquée par une grave leucémie lui insuffle une volonté qui lui fait brûler les étapes. Bac à 15 ans, père à 16 et romancier à 17, même si « Les enfants de l’aube » ne sera publié qu’en 1982 lorsqu’il se sera fait un nom. Après des études politiques, il commence à militer, envisage un engagement ou une carrière de diplomate, rêve d’être écrivain voyageur et finit par choisir le journalisme. A son patronyme Poivre il ajoute d’Arvor, le nom de plume de son grand-père maternel, qu’il admire au-delà de tout. D’origine paysanne, cet homme qui a été orphelin à l’âge de  2 ans, a appris à lire et écrire en cours du soir tout en travaillant, pour devenir poète. S’il est né à Reims, PPDA a toujours été très attaché à la Bretagne, notamment à Trégastel où il passait toutes les vacances de son enfance et où il possède aujourd’hui une maison : « J’aime l’authenticité des bretons, ils sont bosseurs, rêveurs et pudiques, des qualités qui me plaisent », et qui le définissent d’une certaine manière.

 

Ses autres passions

La littérature est centrale dans sa vie déjà très remplie, a tel point qu’il a trouvé le temps d’écrire ou coécrire une soixantaine de livres : « C’est justement un temps que je prends pour réfléchir, me replier sur moi, mais il faut savoir que je j’écris très vite et dors peu. » Cet été après la mort de sa mère, des éléments du passé ont refait surface et lui ont inspiré un nouveau roman. Cette passion, il l’a aussi imposé sur TF1 contre vents et marées durant 20 ans en créant deux émissions littéraires Ex-libris et Vol de nuit.

Les défis, il se les fixe également dans le sport, que ce soit en faisant partie de l’équipage d’Yvan Bourgnon lors de la transat Québec Saint-Malo en 1996, en effectuant l’ascension du Mont-Blanc ou en participant au Marathon de New York. Sinon, il pratique assez régulièrement le tennis, le vélo et court 20 minutes tous les matins.

A 64 ans, PPDA se sent en pleine forme et à l’image de la mise en scène ou de la réalisation récemment, il se souhaite de toujours explorer de nouvelles passions.

 

Publié dans Portraits

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