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Une tragicomédie cruelle et déchirante

Publié le par Michel Monsay

Une tragicomédie cruelle et déchirante

Pour son quatrième film, Martin McDonagh, à qui l'on doit la délirante comédie noire Bons baisers de Bruges et plus récemment l'excellent 3 billboards : les panneaux de la vengeance, vient d'être récompensé aux Gloden globes en remportant trois prix : Meilleure comédie, classification bizarre vu que Les Banshees d'Inisherin est plus proche du drame que de la comédie, meilleur scénario et meilleur acteur pour Colin Farrell, ces deux derniers prix ont aussi été attribués au film à la Mostra de Venise. Drôle, tragique, absurde, grinçant, pathétique, tendre, ce récit d’une amitié dévorée par le temps est un blues celte au cœur de paysages magnifiques sur une île irlandaise. Après avoir tourné en Belgique puis aux États-Unis, le cinéaste et dramaturge revient sur les terres de ses ancêtres pour nous raconter cette histoire d'amitié brisée du jour au lendemain, qui se déroule en 1923, comme un écho à la guerre civile en Irlande que l'on entend gronder ponctuellement en arrière-plan. On est au pays des songes, avec des collines d’une grande beauté, des visages crevassés par le vent, une mer qui ressemble à un chaudron de cuivre en fusion. C’est gai, c’est triste, c’est humain, profondément. Martin McDonagh interroge le mythe des artistes torturés qui utilisent la création comme excuse pour justifier leur tyrannie, tout en sondant l'orgueil, la culpabilité, la solitude, et l'ambition. Par souci d’authenticité, le cinéaste a opté pour un casting 100 % irlandais, avec à sa tête le duo de Bons baisers de Bruges, Colin Farrell et Brendan Gleeson, qui se montrent, chacun dans son registre, exceptionnels dans leur voyage absurde de la tendresse à la haine. Cette fable étonnante nous raconte la pulsion de destruction qui traverse parfois les hommes, l'angoisse du temps qui s'écoule, mais aussi d'une vie qui passe sans laisser de trace. Le cinéaste nous emmène loin dans l’exploration de la nature humaine sur cette île hors du temps.

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Formidable et bouleversant pied de nez aux autorités iraniennes

Publié le par Michel Monsay

Formidable et bouleversant pied de nez aux autorités iraniennes

Le grand cinéaste iranien Jafar Panahi n'a plus l'autorisation de tourner depuis 2010. Tous ses films se font désormais de manière clandestine, en équipe réduite. Pour Aucun ours, il a effectué un long travail de repérage pendant trois mois et a trouvé le décor de son film dans un village près de Tabriz, à proximité des frontières de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie. Mais la présence de l'équipe a été dénoncée auprès des autorités, la forçant à fuir pour poursuivre le tournage dans d’autres villages alentour. Jafar Panahi, en prison à Téhéran depuis juillet dernier, agite avec la métaphore du titre sur la peur engendrée par l'ours, le chiffon des traditions manipulatrices et du pouvoir répressif. Aucun ours est d’une richesse thématique et formelle inépuisable, une mise en abyme imparable. Le cinéaste filme ses propres moyens de production, tout en dénonçant les raisons qui l’obligent à tourner par écran interposé. A l'époque du tournage, encore libre de mouvement dans son pays mais interdit de filmer, il effectue ce choix pour démontrer qu'il est capable de faire des films en usant d'une parade avant même qu'on la lui impose. C'est lui qui décide. Les traditions, sur lesquelles repose pour beaucoup le discours religieux en Iran, et la politique coercitive exercée dans le pays, sont fondées sur la peur. Jafar Panahi démontre comment il la surmonte dans la créativité. Pour le réalisateur, le cinéma est une arme contre le pouvoir. La preuve est que l’État iranien le combat. Le génie de Panahi vient de l’élégance et de l'humour avec lesquels il réplique à ces attaques. Il articule un récit d’une puissance réflexive inouïe sur son pays et sa place de cinéaste tout en s’interrogeant, avec une exigence admirable, sur la responsabilité de celui qui fait naître les images sans ne jamais se complaire dans un rôle victimaire. La colère a pris le pas sur l’humour malicieux habituel, toujours présent malgré tout. Le niveau d’urgence, de douleur et de frustration crie dans chaque plan du film et plus particulièrement dans un fragment saisissant où il ne parvient pas à enjamber la ligne invisible pour quitter son pays. Récompensé, par le Prix spécial du jury à la dernière Mostra de Venise, comme quasiment tous les films du cinéaste que ce soit à Cannes, Venise ou Berlin, Aucun ours joue à nouveau, après Taxi Téhéran (2015) et Trois Visages (2018), avec la limite floue entre documentaire et fiction. Jafar Panahi continue d'inventer un petit théâtre avec les moyens du bord mais qui nous passionne à chaque fois, pour mieux exprimer sa détresse d’auteur en quête de personnages, dénoncer l'insupportable condition féminine et capter l’essence inquisitrice d’un pays aux citoyens effrayés par leur propre ombre.

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Un film d'aventure mystique d'une grande beauté visuelle

Publié le par Michel Monsay

Un film d'aventure mystique d'une grande beauté visuelle

Récit de l’épopée d’un pasteur-photographe danois à la fin du XIXe siècle malmené par la nature islandaise, le troisième long métrage de Hlynur Palmason envoûte par la beauté de ses plans dans des paysages grandioses. La nature est omniprésente, son royaume se constitue de cascades vertigineuses, d’horizons de verdure, de volcans en éruption, de glaciers d’anthologie. L’immensité des cieux incline à l’humilité. Dans ces terres éloignées, des caractères se percutent. Cela a des accents quasi mythologiques. On y sent le souffle de la grandeur, des frayeurs très anciennes, le goût amer du péché, ce mot voulait encore dire quelque chose, en 1860 et des poussières. On reste confondu par l’audace, l’originalité de Hlyur Palmason. Il peint avec de la pellicule, aligne les tableaux foudroyants, convoque les puissances antiques, dans des contrées où la nuit ne tombe jamais. Un chien aboie pendant la messe. Une lourde croix de bois dérive au gré du courant. La foi a du mal à se créer une place dans ces rudes climats. Le réalisateur scrute des âmes perdues, pratique un cinéma des confins. Il a de l’or au bout des doigts. C’est l’or du temps. Les images coupent le souffle. Le sujet emporte, déserte les petites misères quotidiennes, roule des destins dans la tragédie et la boue. Il y a du Aguirre (le film de Werner Herzog) dans cette fuite en avant, comme une sorte de rêve solennel. Bergman n’est pas absent et il n’est pas interdit de convoquer Dreyer. Il existe des films d'aventures et des films qui sont des aventures. Les seconds sont bien souvent plus passionnants, tant les images et les visages des comédiens portent les stigmates du tournage. Metteur en scène islandais, Hlynur Palmason est né et habite à Höfn, un port de 2.000 habitants planté sur une presqu'île, au sud-est de l'Islande. Il fabrique ses films sur place, profitant des paysages volcaniques et des lumières si particulières de ces régions septentrionales. Le format carré, surligné d'un bandeau noir, évoque les plaques de verre des débuts de la photographie. Godland livre aussi une réflexion sur la religion et la colonie. On oublie souvent, sous nos horizons, que l'histoire coloniale ne s'est pas simplement écrite du nord vers le sud et de l'ouest vers l'est. Les peuples du Nord ont aussi subi la violence des conquêtes. Lucas, investi d'une mission divine, sert le projet géopolitique de la couronne danoise. En témoigne, tout au long du dialogue, une féroce bataille linguistique et des dialogues où le danois se mêle à l'islandais. Malgré un héros antipathique voire détestable, le cinéaste impose la puissance de sa mise en scène dans ce grand poème épique, qui tient aussi de l’œuvre d’un naturaliste, et au final d'une ambition remarquable.

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La beauté cachée d'adolescents malmenés par la vie

Publié le par Michel Monsay

La beauté cachée d'adolescents malmenés par la vie

Grand Prix de la section Un certain à regard au dernier Festival de Cannes, ce premier long métrage explore la rencontre de deux univers aux antipodes l’un de l’autre, une cité du Nord de la France où la pauvreté fait des ravages et le petit monde privilégié du cinéma, en épinglant avec lucidité et humour les archétypes du cinéma social. Le regard que posent Lise Akoka et Romane Gueret sur les personnages et leur environnement est bienveillant sans être naïf. Elles trouvent le juste ton et la bonne distance, leur approche se refusant au misérabilisme grisaillant comme à l’esthétisation grossière. Coloré et solaire, Les Pires brille autant par ses qualités d’écriture que par son interprétation. Carburant à l’énergie de ses jeunes comédiens épatants et parfaitement dirigés, il est d’une remarquable intelligence, progresse sans posture ni imposture en soulevant des questions éthiques qui le concernent lui-même. C'est un film dans le film aux faux airs de documentaire, une troublante mise en abyme de la fabrication du cinéma, qui permet de voir l’équipe et les comédiens alterner sans cesse entre leur réel et la fiction, et soulever des questions morales qui habituellement ne font que graviter autour des œuvres. Filmés souvent en gros plans, les visages et les regards des jeunes interprètes, choisis lors de castings sauvages, nous touchent et nous interrogent. Ce film, qui est un hommage à tous ces enfants cabossés par l’existence, montre que Les Pires peuvent se révéler bouleversants pour peu qu'on leur fasse confiance et leur donne la possibilité de s'exprimer. Naviguant entre drame et comédie, ce long-métrage poignant qui démarre comme un documentaire, un bloc brut, s'ouvre peu à peu à la fiction et gagne en émotion jusqu’à l’impressionnante séquence finale, qui brouille toute frontière entre fiction, réel et documentaire.

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Quand l’appétit de jouer équivaut à celui de vivre

Publié le par Michel Monsay

Quand l’appétit de jouer équivaut à celui de vivre

Tout d'abord pour en finir avec la polémique autour du film, à cause d'un de ses acteurs, accusé de viols et violences sur conjoint par des anciennes compagnes, deux choses : D’une part, les faits reprochés à Sofiane Bennacer ne concernent pas le film, ils se seraient déroulés des mois avant que le comédien soit auditionné pour son rôle. D’autre part, Les Amandiers, même s’il apparaît aujourd’hui dans un de ses aspects comme une mise en abyme troublante sur les amours toxiques et la violence masculine, est un très beau film et il serait injuste de priver les autres jeunes acteurs et actrices d’une reconnaissance méritée à cause des agissements présumés d’un seul, sans parler du travail de toute l'équipe technique.

En ravivant ses souvenirs associés à ses années d’apprentissage à l’éphémère école des Amandiers de Nanterre, dirigée par le grand Patrice Chéreau dans les années 1980, Valeria Bruni Tedeschi, épaulée par Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy au scénario, compose une ode vibrante aux acteurs et à la jeunesse. Ce film, qui est son meilleur, fait éprouver la fièvre qui régnait dans  cette école et donne à sentir ce qu’implique la vocation d’acteur. Elle filme aussi la jeunesse, dans tout ce qu’elle a d’incandescent, d’irrévérencieux, d’insouciant, mais aussi dans ses zones d’ombre. La mise en scène très agile de Valeria Bruni Tedeschi parvient à tisser le théâtre et l’existence de chacun dans un permanent va-et-vient, où le tragique et la légèreté se font la courte échelle. Elle fait ainsi entrer le monde extérieur dans l’univers très circonscrit de cette école expérimentale et restitue avec fidélité le climat d’une époque terrorisée par les ravages du Sida et de la drogue. En double de fiction de la réalisatrice, Nadia Tereszkiewicz, déjà appréciée dans Seules les bêtes, est éblouissante. Autour d'elle, les autres comédiens sont tous confondants de présence et de justesse. Ils forment une troupe épatante, se révèlent aussi engagés dans leur art que leurs personnages, traversés de part en part de tous les vertiges et de toutes les émotions qu’un tel voyage peut provoquer. Les amandiers est le film d’une actrice qui rend hommage à la magie du jeu, au mystère de l’art dramatique, et elle y parvient merveilleusement.

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Un film humaniste et politique, puissant et viscéral

Publié le par Michel Monsay

Un film humaniste et politique, puissant et viscéral

Auréolé du Grand Prix du jury à la Mostra de Venise, du Prix Jean Vigo, Saint Omer représentera en plus la France pour l'Oscar du meilleur film étranger. Le premier long-métrage de fiction de la documentariste Alice Diop est impressionnant et obsédant, il fascine autant qu’il remue. Ayant assisté au véritable procès en 2016 de Fabienne Kabou, jugée pour la mort par noyade de sa fille de quinze mois, la réalisatrice est partie des textes des assises pour construire son scénario, avec sa monteuse et avec l’écrivaine Marie Ndiaye. Dans un souci de véracité, elle a fait construire le décor d’audience dans une pièce voisine de la véritable salle du palais de justice de la ville du Pas-de-Calais donnant son titre au film, et le tournage des séquences s’est déroulé dans la chronologie temporelle des événements. L’implacabilité des cadres, très souvent fixes, crée aussi une attention doublée d’une tension, palpables et rarement atteintes à l’écran. Il y a une force insensée dans ce que le chemin de cette protagoniste raconte de la femme noire exilée. Les mots de Fabienne Kabou saisissent. L’incarnation et la restitution distancées de la comédienne Guslagie Malanda hypnotisent autant qu’elles nourrissent d’interrogations. La densité transpire de chaque plan et de leur enchaînement, tant dans l’écho sur le personnage créé de Rama, romancière miroir de la cinéaste, que dans l’interprétation des autres figures en jeu, frappante d’ancrage vibrant. Notamment Aurélia Petit dans le rôle de l'avocate, dont la plaidoirie est un grand moment de démonstration sur la complexité d'être femme, fille et mère. De même, la comédienne de théâtre Valérie Dréville en présidente du tribunal est très juste. Alice Diop met à profit dans cette fiction toutes ses qualités de documentariste rigoureuse. Rigueur soucieuse d’exactitude quant au rituel de la cour d’assises, son cérémonial, sa gravité, également rigueur esthétique et politique, les deux étant ici indissociables. Animée par le désir de leur plus grande visibilité, la réalisatrice magnifie ici des femmes noires, en leur donnant, au premier plan, une formidable puissance picturale. D’un fait divers terrible, la cinéaste déploie une fiction saisissante qui interroge nos regards, nos savoirs, nos jugements. Derrière sa glaçante évidence, la tragédie au centre du procès charrie dès lors une somme d’énigmes qui reflètent notre société dans toute sa complexité.

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Emouvante chronique familale douce-amère baignée de mélancolie

Publié le par Michel Monsay

Emouvante chronique familale douce-amère baignée de mélancolie

En 27 ans de carrière, ce n'est malheureusement que le huitième film du génial James Gray, l'un des tous meilleurs cinéastes du XXIe siècle. Ses cinq premiers films avaient pour cadre New York, de Little Odessa à The immigrant. Le réalisateur s'est ensuite aventuré dans la jungle avec The Lost City of Z puis dans l'espace avec Ad Astra, et si tous ses films racontent des histoires de famille en crise, le cinéaste ne cesse jamais de nous surprendre. Armageddon Time marque un retour non seulement à New York, mais aussi dans le quartier du Queens, où il a grandi dans une famille juive d'origine ukrainienne et anglaise. C'est effectivement le film le plus personnel de James Gray, dans lequel il a voulu confronter son histoire à celle de l'Amérique des années 80 et notamment les inégalités et injustices sociales, en observant les lignes de fracture de classes et de races. Il se fait ici particulièrement incisif dans son discours politique, liant le début de l’ère Reagan au trumpisme et à la résurgence des populismes. Si les thèmes abordés et la mise en scène du réalisateur restent les mêmes, cette balade mélancolique surprend par sa retenue émotionnelle inédite, loin des grandes envolées lyriques des tragédies précédentes de James Gray, qui affine ici son style jusqu’à l’épure. Les affections familiales y sont toujours entravées par des pudeurs insurmontables, étouffées dans les teintes ocres et intimistes de la belle photographie, à nouveau confiée à Darius Khondji. Mais, pour la première fois, son récit ne se déploie plus autour d’hommes torturés et taiseux, mais de deux figures solaires de jeunes garçons, formidables Jaylin Webb et Banks Repeta, au seuil de toutes les découvertes et de tous les chagrins, couvés par la bonté d’un Anthony Hopkins, magistral en patriarche large d’esprit et de cœur, gardien attentif des vocations artistiques de son petit-fils. En revenant à ses bases new-yorkaises et sur les rivages de sa jeunesse, James Gray rappelle que le classicisme est un port d’attache auquel on accoste toujours, et le point de départ de toutes les réinventions. Il filme le quotidien, le banal, comme il le ferait de l’extraordinaire. Dépouillé des oripeaux du cinéma de genre, entièrement versé dans ce drame familial qu’il maîtrise à la perfection, il va encore un peu plus loin dans la véracité des sentiments, un naturalisme du cœur qui le place au-dessus de bien des cinéastes. Chez lui, un simple contre-champ sur un grand-père assis se mue en séisme d’émotions. Outre le commentaire social et politique d’un pays déjà rongé à l’époque par le racisme et l’antisémitisme, on est bouleversé par ce drame intimiste qui trouve sa puissance dans sa simplicité et par sa mise en scène élégante, intelligente et subtile. Comment le jury du Festival de Cannes a pu ignorer un tel chef-d'œuvre, un de plus dans la filmographie de James Gray, on a beau chercher on ne trouve pas. Cela prouve bien que de grands noms du cinéma dans un jury ne donne pas forcément un grand palmarès.

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Un film puissant et désespéré sur la jeunesse tunisienne

Publié le par Michel Monsay

Un film puissant et désespéré sur la jeunesse tunisienne

Dix ans après la révolution tunisienne du Printemps arabe, l'américain Lofty Nathan, dont c'est le premier long-métrage de fiction, repart à Sidi Bouzid dans le Sud du pays, où tout a commencé. Il y dessine le portrait, hélas familier, d’un jeune homme qui peine à s’en sortir dans un pays rongé par l’injustice et la corruption, où l’histoire tragique se répète. Dans nos cinémas occidentaux, on en a vu, des chroniques de la misère ordinaire. Mais si Lofty Nathan décrit avec réalisme ce drame social, sans jamais en faire un simple prétexte de cinéma, il emprunte aussi dans sa mise en scène les codes du thriller moderne et vitaminé. En cela, le réalisateur nous rappelle qu’il a beau être né en Égypte, pays voisin qui a aussi connu un Printemps arabe aux résultats décevants, il est avant tout un réalisateur de New York. Sous ses aspects de thriller stylisé, il a peut-être réussi le plus efficace des films sociaux sur la Tunisie post-révolution. Il n’y a pas réellement de bourreau, d’ennemi contre lequel se révolter pour le personnage principal, si ce n’est la société tout entière. Quelque chose de pourri. Une gangrène qui compresse et étouffe, et contre laquelle il n’y a rien à faire. C’est l’amer constat que propose Lofty Nathan, avec fatalisme et lucidité. Certes, le pouvoir en place a été remplacé. Mais la corruption et la misère règnent toujours, et sur les plages de Tunisie, nombreux sont encore les harkas qui tentent la traversée de la Méditerranée. Si ce film puissant et très sombre nous laisse en état de choc, outre le talent prometteur du réalisateur Lofty Nathan, cela tient aussi à l’interprétation foudroyante de son acteur principal français d'origine tunisienne, Adam Bessa, qui a obtenu pour sa prestation le Prix d’interprétation de la section Un Certain Regard lors du dernier Festival de Cannes.

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Passionnante radiographie de notre époque du fin fond d'un village de Transylvanie

Publié le par Michel Monsay

Passionnante radiographie de notre époque du fin fond d'un village de Transylvanie

Une palme d'or en 2007 ("4 mois, 3 semaines et 2 jours"), un prix du scénario en 2012 ("Au-delà des collines"), un prix de la mise en scène en 2016 ("Baccalauréat")… Jusqu'alors, le parcours au Festival de Cannes du cinéaste roumain Cristian Mungiu ressemblait à un sans-faute. En mai dernier, le metteur en scène aurait mérité de compléter sa collection de prix avec "R.M.N.", qui signifie IRM en français, un film impressionnant sur la Roumanie et plus généralement sur l'Europe d'aujourd'hui. On se demande encore comment le jury de Vincent Lindon a pu passer à côté d'un tel film pour récompenser à la place des œuvres très moyennes, comme "Sans filtre" ou "Close".  Cristian Mungiu livre ici une analyse captivante de la société roumaine et des maux dont elle souffre. Ce film résolument politique s’installe dans un village de Transylvanie secoué par une fronde xénophobe dès l’arrivée de travailleurs sri-lankais. Le cinéaste décortique cette violence qu’il met remarquablement en scène, en montrant le surgissement de ce que l'humanité a toujours voulu repousser, contenir loin de ses villes, de ses champs, de ses rêves, une forme d'animalité et de monstruosité qu'un XXIe siècle vorace et impitoyable convoque, et dont le surgissement est désormais imminent. Cristian Mungiu, fidèle à un style réaliste qui privilégie les plans séquences, suit à la trace quelques personnages qui n'ont rien d'héroïque pour mettre en scène notre époque et ses déraisons : Le communautarisme exacerbé, la hantise du grand remplacement, la déliquescence sociale qui attise la peur de l'autre et le racisme… Avec son scénario inventif qui évite les pièges du didactisme, sa mise en scène d'une rigueur implacable et son enchevêtrement de langues (le roumain, le hongrois, l'allemand, le français) qui ne témoigne en rien d'une mondialisation heureuse, "R.M.N." donne à voir des réalités malheureusement universelles. Cette tentation de désigner l'autre et l'étranger comme les responsables de tous nos maux est une sorte de constante dans l'histoire et elle est ravivée aujourd'hui partout dans le monde avec les nationalismes belliqueux de toutes sortes. Le cinéaste atteint magistralement son objectif : Frapper fort là où ça fait mal, avec ce film sombre, sensoriel, et d’un réalisme ponctué d’onirisme. "R.M.N." est l'un des films les plus importants de l'année.

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Drôle et touchante variation sur les tourments amoureux

Publié le par Michel Monsay

Drôle et touchante variation sur les tourments amoureux

Depuis ses débuts en l'an 2000, Emmanuel Mouret ne dévie pas de sa ligne et examine, de film en film, les mille et un mystères du sentiment amoureux et de l'art de la séduction avec un raffinement, une élégance et une passion pour le langage, uniques dans le cinéma français d'aujourd'hui. Après deux merveilles qui ont ravi les critiques et les spectateurs grâce à des scénarios sophistiqués où de multiples personnages entrecroisaient leur destin, Mademoiselle de Joncquières et Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait, le cinéaste joue la carte de l'épure et de la simplicité dans Chronique d'une liaison passagère. Comme à son excellente habitude, Emmanuel Mouret orchestre un jeu de dupes farfelu et émouvant avec une rare délicatesse et un art consommé de la suggestion, où il observe avec humour et empathie les petits arrangements de ses personnages avec la vérité et avec leurs désirs imprévisibles. Il semble y avoir comme un passage de relais pour Emmanuel Mouret acteur, qu’on avait l’habitude de voir jusqu’à Caprice. Empruntant à Jean-Pierre Léaud autant qu’à Woody Allen, Emmanuel Mouret avait composé un personnage d’amoureux tourmenté, empreint d’une douceur maladroite. Un rôle faisant écho à plusieurs films avec Vincent Macaigne, qui se glisse avec aisance dans ce personnage. Il y a les choses que les protagonistes se disent, et ce que la mise en scène nous montre. En dévoilant les émotions des amants exclusivement à travers des mouvements de cadres, des jeux de décor et des rythmiques de montage, Emmanuel Mouret les rend d'autant plus intenses. Le cinéaste s’amuse ici à inverser les rôles traditionnels au sein du couple : l’homme, pudique et réservé, versant volontiers dans l’autodépréciation, cède l’initiative à une femme beaucoup plus hardie que lui. Orfèvre de la maladresse sentimentale, soucieux d’expurger la romance de sa part la plus dramatique, Emmanuel Mouret confie à ses deux comédiens une partition funambule : celle d’incarner ce charmant travers de l’être amoureux qui consiste, sous le regard de l’autre, à se mentir à soi-même. Grâce à la précision de l’écriture, à la fluidité et l'inventivité de la mise en scène, Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne donnent à voir toute la palette de leur talent, et font de ce film un moment de grâce à la légèreté trompeuse où l'on rit autant que l'on est attendri.

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