Une tragicomédie cruelle et déchirante
Pour son quatrième film, Martin McDonagh, à qui l'on doit la délirante comédie noire Bons baisers de Bruges et plus récemment l'excellent 3 billboards : les panneaux de la vengeance, vient d'être récompensé aux Gloden globes en remportant trois prix : Meilleure comédie, classification bizarre vu que Les Banshees d'Inisherin est plus proche du drame que de la comédie, meilleur scénario et meilleur acteur pour Colin Farrell, ces deux derniers prix ont aussi été attribués au film à la Mostra de Venise. Drôle, tragique, absurde, grinçant, pathétique, tendre, ce récit d’une amitié dévorée par le temps est un blues celte au cœur de paysages magnifiques sur une île irlandaise. Après avoir tourné en Belgique puis aux États-Unis, le cinéaste et dramaturge revient sur les terres de ses ancêtres pour nous raconter cette histoire d'amitié brisée du jour au lendemain, qui se déroule en 1923, comme un écho à la guerre civile en Irlande que l'on entend gronder ponctuellement en arrière-plan. On est au pays des songes, avec des collines d’une grande beauté, des visages crevassés par le vent, une mer qui ressemble à un chaudron de cuivre en fusion. C’est gai, c’est triste, c’est humain, profondément. Martin McDonagh interroge le mythe des artistes torturés qui utilisent la création comme excuse pour justifier leur tyrannie, tout en sondant l'orgueil, la culpabilité, la solitude, et l'ambition. Par souci d’authenticité, le cinéaste a opté pour un casting 100 % irlandais, avec à sa tête le duo de Bons baisers de Bruges, Colin Farrell et Brendan Gleeson, qui se montrent, chacun dans son registre, exceptionnels dans leur voyage absurde de la tendresse à la haine. Cette fable étonnante nous raconte la pulsion de destruction qui traverse parfois les hommes, l'angoisse du temps qui s'écoule, mais aussi d'une vie qui passe sans laisser de trace. Le cinéaste nous emmène loin dans l’exploration de la nature humaine sur cette île hors du temps.