Admirable documentaire d'animation
En choisissant l’image animée pour mettre en scène le récit d’Amin, parti enfant d’Afghanistan, arrivé adolescent au Danemark, le réalisateur danois Jonas Poher Rasmussen a ouvert un espace poétique à cette histoire d’exil, de perte et de reconstruction. S’échapper d’un pays tombé aux mains des talibans, subir la cruauté des passeurs, la brutalité des policiers, l’indifférence des populations, la peur, l’attente, l’incertitude, les séparations. Loin de n’être que la figure symbolique d’une juste cause ou d’un problème de société, Amin est à la fois personne et personnage, un homme blessé dans l’intimité duquel on s’avance, sur les traces du cinéaste. Le récit d’Amin est authentique, mais se pare des couleurs et des traits sensibles d’un beau film d’animation, à la fois poignant et pudique, dur et lumineux. Le filtre du dessin agit ici tout en délicatesse, protégeant l’anonymat du narrateur, tout en travaillant la matière subjective de la mémoire. Construit en équilibre entre flash-back et séances quasi thérapeutiques avec le réalisateur, Flee joue avec différentes formes d’animation, de la plus chatoyante à la plus inquiétante, et s’appuie aussi sur des images d’actualité. Le film est en couleurs, mais les événements les plus traumatiques sont racontés en noir et blanc, dans des superbes scènes dessinées au fusain, sobres et puissantes. Ce récit d’exil résonne, évidemment, avec des milliers d’autres. L’intime et le politique sont entremêlés. Flee est un grand film, bouleversant et pudique, tragique et lumineux. C’est l’histoire d’un homme qui décide d’affronter son passé pour mieux embrasser l’avenir.
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Quel champion !
En remportant son quatorzième titre à Roland Garros et son vingt-deuxième tournoi du Grand chelem, Rafael Nadal atteint des sommets inimaginables, laissant loin derrière des champions que l'on croyait déjà exceptionnels, comme Borg, McEnroe, Connors, Sampras, ... et se détache inexorablement de celui que l'on considérait comme le plus grand, Federer, et prend de l'avance sur son éternel rival Djokovic, avec lequel ils ont une nouvelle fois livré le plus beau match du tournoi 2022.
Une satire politique subtile, attachante et drôle
Cette série imaginée par Noé Debré, jeune scénariste talentueux à qui l'on doit « Dheepan », de Jacques Audiard, est une comédie politique drôle et moderne, rythmée et instructive. La série, coécrite avec deux eurocrates, raconte avec légèreté sur la forme et rigueur sur le fond les tribulations d'un jeune assistant parlementaire qui découvre les rouages complexes et la comédie humaine qui régentent les institutions européennes, de Bruxelles à Strasbourg, sur fond de Brexit. Les dialogues, efficaces, sont mis au service d'un comique de situation servi sur un plateau par un protocole déroutant et les différences de cultures entre les membres de cette fourmilière. Loin de l'image d'une technocratie grisonnante, la série met en lumière de jeunes assistants français, allemands, anglais, scandinaves… L’idée n’est pas de porter aux nues ou de descendre en flèche l’Union européenne mais de montrer comment elle fonctionne, comment des gens venus d’une trentaine de pays essaient tous les jours de donner vie à une idée abstraite. C’est cette possibilité de montrer à l’écran leur mission et leur quotidien qui a convaincu l'administration bruxelloise d’autoriser le tournage dans leurs locaux. Le problème de l’Europe, d'après Noé Debré, ce n’est pas seulement un déficit d’amour, c’est aussi un déficit de présence et de visibilité. La série réussit un tour de force : nous faire rire avec l'Europe. Le fonctionnement improbable des institutions est moquée sans complaisance dans cette farce qui ne mâche pas ses mots et joue à fond la carte de l'humour grinçant. Drôle, cinglante, mais aussi attachante, grâce à une galerie de personnages improbables, venus des quatre coins du Continent. Les comédiens participent pleinement à cette réussite, avec une mention particulière pour l'extraordinaire William Nadylam. Deux saisons sont disponibles et la seconde est encore meilleure que la première, plus nuancée et avec un nouveau personnage pétillant et ambitieux superbement interprété par la grande actrice de théâtre Georgia Scalliet, ancienne sociétaire de la Comédie française. "Parlement" est à coup sûr l'une des toutes meilleures séries françaises de ces dernières années.
A voir ici ou sur l'application France Tv de votre télé ou ordianteur.
Hilarante comédie à tiroirs qui rend hommage à l’artisanat du cinéma
"Coupez !" est une magnifique déclaration d’amour au cinéma mais aussi à ceux qui le font. Avec une structure narrative complexe qui réserve son lot de rebondissements, l’ovni brille par son écriture aux petits oignons, qui manie un humour absurde savoureux dans les dialogues et les situations en décalage complet, et par sa mise en scène inventive, précise et rythmée. Michel Hazanavicius, à qui l'on doit "The artist" et ses innombrables récompenses, mais aussi les deux premiers OSS 117 avec Jean Dujardin, nous offre un bijou de comédie où les vannes fusent aussi rapidement que le grand guignol prend possession de chaque situation. On est dans l’absurde, le burlesque, un grand bazar où chaque personnage arrive à briller dans l’unique but de nous faire rire. Et à ce jeu-là, Romain Duris est désopilant, ainsi que toute la troupe qui s'en donne à cœur joie. Michel Hazanavicius est un cinéaste qui aime le cinéma, dans toute sa dimension, sous toutes ses coutures. Roi du pastiche, du détournement et du montage, il s’attaque avec "Coupez !" au film de genre. Mais un genre peut en cacher un autre. En nous racontant la laborieuse mise en œuvre d’un film de zombies, le réalisateur nous offre une incroyable comédie de cinéma. Les OSS étaient un clin d’œil aux séries B d’espionnage et "The Artist", aux grands mélos made in Hollywood. " Coupez !" est un hommage à ses petites troupes qui fabriquent un film, le bricolent, l’imaginent, se surpassent quand survient la catastrophe, l’imprévu qui ne figure pas dans le scénario. Beauté de l’engagement, on y croit, on tourne, quoi qu’il advienne, quoi qu’il en coûte. Michel Hazanavicius s’amuse de cette mise en abîme en réalisant trois films en un, sans accroc, raccord parfait. Ce film délirant, qui a fait l'ouverture du Festival de Cannes, confirme le talent du cinéaste et de Romain Duris pour la comédie, et offre au spectateur une expérience unique des plus réjouissantes.
On adorait ses silhouettes sexy et ses aphorismes poétiques
Figure majeure du Street art, Miss. Tic vient de mourir à l'âge de 66 ans. Peignant sans relâche ses amazones sexy, autant proies que prédatrices, sur les palissades et les murs de béton. « Je dessine des femmes pour redonner du corps à la langue », résumait-elle. Les phrases l’obsédaient autant sinon plus que le dessin, elle pouvait passer des journées entières à les faire tourner dans sa tête pour trouver la bonne formule. Miss. Tic restera une artiste pionnière inoubliable, qui aura su éveiller les consciences, pour faire descendre l’art dans la rue, mais aussi pour émanciper l’image des femmes.
Voici quelques unes de ses œuvres :
Un mélodrame familial intense et fascinant
"Frère et sœur" condense à lui seul tout ce qui fait la grandeur du cinéma d’Arnaud Desplechin. D’abord, comme à son habitude, c’est un film très écrit. L’art, le théâtre, la littérature sont présents à travers les personnages principaux, laissant libre court au cinéaste pour faire rouler son sens du romanesque. C'est un film sensuel, âpre, tourmenté, scandé de brusques instants de douceur. On y hurle et on y chuchote. La caméra, toujours merveilleusement placée, enchaîne de sublimes gros plans, scrute les tremblements d’une paupière, s’attarde sur un regard dans le vague. Les images sont la langue naturelle d'Arnaud Desplechin. Il n’a pas peur des mots non plus. C’est un athlète complet du cinéma, qui pourrait être le fils du grand Bergman. "Frère et Sœur" renoue avec la veine de "Rois et Reine" et "Un conte de Noël" autour des liens conflictuels des membres d'une famille : Secrets, mensonges, trahisons et autres blessures profondes, le cinéaste éclaire un puits de sentiments enfouis. Comme toujours chez le cinéaste, les comédiens ont une partition de haut vol à jouer, qui leur permet d'exprimer totalement l'étendue de leur talent, d'autant qu'ils sont admirablement dirigés. C'est bien sûr le cas ici avec Marion Cotillard et Melvil Poupaud, mais aussi avec les rôles secondaires qui ne sont pas en reste, à l'image de Golshifteh Farahani et Patrick Timsit. A 61 ans, Arnaud Desplechin est décidément l'un des cinéastes les plus passionnants de notre époque, outre la maîtrise et la virtuosité qui transparaît dans chacun de ses films, et celui-ci en est un parfait exemple, de même que les épisodes réalisés pour la deuxième saison de "En thérapie" avec Suzanne Lindon, il y a le magnifique regard qu'il pose sur ses comédiens tout en étant un redoutable explorateur des tréfonds de l’âme humaine.