Une histoire d'amour pudique et émouvante
Quelque part entre la littérature d’Emily Brontë et le cinéma de Jane Campion, l'acteur et réalisateur Bouli Lanners nous raconte une histoire d'amour douce et urgente sur l’île sauvage de Lewis, en Écosse, entre landes inhospitalières et rochers éternels. Cette île est régie par la très austère Église presbytérienne au rigorisme implacable, pratiquant un calvinisme fondamentaliste. De ce monde dur et cruel à la religiosité étriquée, le personnage féminin de cette histoire, tout en maladresses hésitantes et confusion des sentiments, s’émancipe sans éclats. L’actrice Michelle Farley nuance avec une finesse précise ce rôle de femme à la dignité constante. Elle n’est pas enrôlée en porte-drapeau d’un féminisme de vindicte et de renversement radical. La liberté de cette femme est une conquête tranquille et secrète. La romance touchante qui nait sous nos yeux, presque naïve à force de retenue et de pudeur, ne s'épanche jamais à un débordement amoureux. Une forme de timidité adolescente retient les élans. Bouli Lanners n’exhibe pas une sensualité démonstrative : c’est un entrelacement de gestes suspendus, de regards de côté, de frôlements. Les étreintes épousent l’ascétisme de ce monde insulaire, clos sur lui-même. Les paysages d’une grande beauté, ciselés par l’Atlantique, mordus par un soleil pâle, parcourus par une herbe frissonnante, dialoguent avec les personnages. Laissant de côté son humour pince-sans-rire qui a marqué d’une plaisante fantaisie ses précédents films, le cinéaste Bouli Lanners s'abandonne aux sentiments avec une infinie délicatesse. Quant à l'acteur Bouli Lanners, que l'on avait adoré récemment dans "C'est ça l'amour" et la saison 2 de la série "Hippocrate", il livre ici également une interprétation très touchante. L’urgence occupe le film, plane comme un danger imminent sans qu’il soit nécessaire de le signifier. Au contraire, c’est une économie de mots, une rigueur baignée de douce mélancolie qu’observent à la fois le scénario et la mise en scène. Ce mélodrame, qui jamais ne cède à la tristesse, ressemble à son auteur, à l’humilité nécessaire qu’il pose en idée essentielle de son cinéma, et à une belle humanité.