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Une chronique familiale à l'énergie torrentielle

Publié le par Michel Monsay

Une chronique familiale à l'énergie torrentielle

Avec l'impressionnant La loi de Téhéran, qui avait marqué l’été 2021, Saeed Roustaee s’était révélé aux yeux du monde entier, suscitant ainsi de grandes attentes quant à la suite de sa carrière. Un an plus tard, le jeune réalisateur iranien de 33 ans confirme tout le bien que l’on pensait de lui avec Leila et ses frères, fresque familiale aussi ample et captivante que son opus précédent. Il part de la violence des rapports sociaux entre les individus afin de dévoiler la part d’humanité qui se niche chez eux, nous offrant un regard riche et nuancé sur l’Iran. Ce que dénonce ici le cinéaste, à travers le portrait de cette famille marquée par le dénuement, c’est la vacuité morale qui menace la population iranienne, la perte de ses idéaux. Saeed Roustaee pense que la crise vécue par l’Iran est la source de la vitalité de sa cinématographie, concentrée sur les problématiques sociales, et compare cette situation à celle qui a vu l’émergence du néoréalisme en Italie. La remarque, judicieuse, confirme que la trajectoire de cette chronique familiale rappelle celle de Rocco et ses frères dans son souffle tragique mâtiné de tendresse. Force est de constater l’importance et la richesse de la production iranienne depuis quelques années. À cet égard, l’interdiction de la sortie du film en Iran, et surtout le récent emprisonnement de Jafar Panahi, qu'on ne présente plus, et de Mohammad Rasoulof (Le diable n'existe pas, Ours d'or à Berlin), nous rappellent le grand danger qui pèse sur ces artistes et le courage dont ils font preuve à chacun de leur nouveau projet. Ces tristes événements nous obligent également à porter avec encore plus d’ardeur ces œuvres, surtout lorsqu'elles sont aussi réussies, qui parviennent à échapper à la main de ce régime pour nous offrir la puissance de leur discours, aussi bien politique que poétique. Au centre de cette famille, il y a Leila, cette femme voilée, qu'on pourrait croire soumise, qui est la seule à incarner véritablement la recherche du progrès et à remettre en cause les fondements d’un système patriarcal et hiérarchique à bout de souffle gouvernant toujours la société iranienne. Son personnage, magnifiquement interprété par Taraneh Alidoosti, met en évidence un contraste, un paradoxe même, entre l’image de tradition qu’elle dégage et sa modernité, son intelligence, sa clairvoyance. Ce film remarquablement mis en scène avec une incandescence sacrément féroce, s’avère un puissant et attachant portrait de famille, mais aussi le tableau d'une société plongée dans l’obsession du paraître, qui préfère aujourd’hui se réfugier dans le factice et le mensonge pour conserver un minimum de dignité. Espérons que la colère et les manifestations courageuses qui ont lieu aujourd'hui en Iran, suite à la mort d'une jeune femme arrêtée par la police des mœurs pour un voile jugé mal ajusté, parviendront à faire bouger les choses.

Publié dans Films

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Beau portrait d'un génie du cinéma

Publié le par Michel Monsay

Beau portrait d'un génie du cinéma

Ce documentaire tout en élégance rend hommage à la personnalité singulière du réalisateur d’Hiroshima mon amour et de L’année dernière à Marienbad, décédé en 2014. En 53 minutes, Alain Resnais, l'audacieux couvre avec précision, admiration et respect l’ensemble de la carrière de ce cinéaste, qui s’est régulièrement distingué par ses multiples et diverses innovations en matière de récits et de formes cinématographiques. Pour expliquer la construction de son œuvre monumentale, intimidante, derrière laquelle Alain Resnais se cachait, Pierre-Henri Gibert s’attache ici à retracer le parcours intime de cet artisan méticuleux, timide et angoissé. L’astucieux enchevêtrement de photos, d’archives inédites, de témoignages de proches (Agnès Jaoui, André Dussollier, Pierre Arditi…), surplombé par la voix off du maître, brosse le portrait touchant d’un homme simple, fidèle au désir d’évasion de l’enfant hypersensible qu’il fut lorsqu’il combattait l’ennui et la maladie grâce à l’amour du cinéma. On y prend aussi un grand plaisir à le voir filmé, plus ou moins à son insu, affichant sa grande timidité, son profond repli dans un monde imaginaire, ce qui n’altérait en rien son sens de l’écoute, sa courtoisie teintée d’une discrète gentillesse à l’égard d’autrui. Les choix d’extraits de films sont très pertinents, bien ancrés dans l’évolution socio-politique du réalisateur, très engagé dans ses premiers films, documentaires et fictions, dont certains furent victimes de la censure. Les années passant, la tonalité de ses films s'est faite plus légère. Place aux chansons et au théâtre avec Mélo, Smoking/No Smoking, On connaît la chanson... Dans ce documentaire intelligent et touchant, ses acteurs fétiches notent l’étrange phénomène auquel ils assistèrent : Alain Resnais rajeunissait avec l’âge. Le fils de pharmacien de province, métier auquel ses parents le prédestinaient et qui considéraient le cinéma comme une perte de temps, avait trouvé un remède miracle en l’imagination.

A voir sur le replay d'Arte ou ci-dessous :

Publié dans replay

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Une voix exceptionnelle sur une musique en cinémascope

Publié le par Michel Monsay

Une voix exceptionnelle sur une musique en cinémascope

Tami Neilson n’est pas une nouvelle venue. La Canadienne, installée en Nouvelle-Zélande depuis 2007, a déjà publié quatre albums de son mélange de soul, de rock, de swing, de blues et de country. Loin du fourre-tout  que ce mix pourrait suggérer, la diva quadragénaire au look de sympathique vamp gothique propose même un cocktail des plus explosifs porté par son prodigieux registre vocal et de grandioses arrangements. Ses chansons célèbrent les femmes de caractère qui ont refusé de se laisser dominer par les conventions et la loi des hommes. Si Kingmaker, la chanson d’ouverture, captive d’emblée par sa tension cinématographique, Baby, You’re a Gun, superbe ballade western, avec cordes, sifflements à la Ennio Morricone et un chant d’une délicatesse infinie sur le regard assassin des mâles, prouve que Tami Neilson est beaucoup plus qu’une sirène à coffre. Et ce titre n’a rien d’un sommet isolé. Beyond the Stars, renversante valse country en duo avec le vénérable Willie Nelson, idole du père de la chanteuse récemment décédé, et dont la voix brille à 89 ans d’une étonnante fraîcheur, est une splendeur. Plus intemporelle que vieille école, Tami Neilson se glisse avec autorité et naturel dans la peau d’une diva qui marie, avec autant d’aplomb que de sensibilité, féminisme et tradition. Tantôt impétueuse, tantôt délicate, elle livre une admirable ode aux femmes indociles tout au long des dix chansons de cet album d'une magnifique diversité. En voici quatre qui donnent un bel aperçu de son talent.

Publié dans Disques

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Federer ou le tennis parfait

Publié le par Michel Monsay

Federer ou le tennis parfait

Difficile de ne pas être triste en pensant que l'on ne verra plus jouer Roger Federer. Il restera avec Rafael Nadal et Novak Djokovic le plus grand joueur de l'histoire, avec en plus une élégance et une aisance inégalées. L'homme qui a tiré sa révérence jeudi, avec 20 titres du Grand Chelem en poche, 103 tournois remportés ou encore 310 semaines passées comme numéro un mondial, est une légende absolue du tennis. Mais Roger Federer aura également, depuis son avènement en 2003 jusqu'à ce 15 septembre, dépassé les frontières de son sport comme aucun autre tennisman avant lui. Il est d'ailleurs considéré comme l'un des plus grands sportifs de tous les temps. Raquette en main, Roger Federer a généré une fascination et une attraction naturelle du public. Par son élégance, sa technique et une forme de grâce doublée d'une incroyable légèreté, il a ouvert des portes dans lesquelles le tennis ne s'était encore jamais engouffré. A la manière d'un Michael Jordan, qui a donné une autre dimension au basketball durant les années 90. « Il a un service parfait, une volée parfaite, un coup droit plus que parfait, un revers parfait (à une main) ; il est très rapide. Tout est parfait chez lui. » Cette description du jeu « parfait » de Roger Federer, c’est son grand rival et ami Rafael Nadal qui l’a faite. Federer avait tout les attributs du champion idéal, dont avant tout un jeu à nul autre pareil, esthétique, offensif, enthousiasmant par les risques qu’il comportait. Heureusement, l’avènement de Carlos Alcaraz il y a quelques jours nous met un peu de baume au cœur.

Publié dans Chroniques

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Une rythmique à la vitalité contagieuse

Publié le par Michel Monsay

Une rythmique à la vitalité contagieuse

Enregistré entre Addis-Abeba et Orléans, voici le premier album du sextette franco-éthiopien Kutu. Une mixture fiévreuse de voix puissantes qui vous transpercent, les chanteuses éthiopiennes Hewan Gebrewold et Haleluya Tekletsadik, qui signent les textes et participent à la composition de la musique, de violon teinté d’électro avec le créatif musicien et compositeur Théo Ceccaldi, à l’origine de ce projet, révélation de l’année aux Victoires du jazz 2017 et passé par l’Orchestre national de jazz, de pulsation rock quasi tribale avec la frappe précise du batteur Cyril Atef, de basse et claviers enflammés, Valentin Ceccaldi et Akemi Fujimori. Un mix euphorisant, qui a déjà mis en joie et fait danser le public de nombreux festivals et salles, dont l’intensité rayonne de la première à la dernière note. Mixture de jazz, de rock, d'électro et de dub, qui connecte des musiques ancestrales aux grooves synthétiques, le tout propulsé par l’énergie de ses chanteuses, dont les textes sont des poèmes politiques et féministes, ce premier album de Kutu est une des plus belles découvertes de la rentrée.

Publié dans Disques

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Le maître de la Nouvelle vague s'en est allé

Publié le par Michel Monsay

Le maître de la Nouvelle vague s'en est allé

Cinéaste qui aura laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du cinéma, dandy mélancolique, agitateur révolutionnaire, artisan vidéaste ou provocateur misanthrope, Jean-Luc Godard était tout cela. Mort à 91 ans en ayant eu recours à l'assistance au suicide, suite à de nombreuses pathologies invalidantes, Jean-Luc Godard restera à jamais le réalisateur d' "A bout de souffle". Sorti en mars 1960, le film est un coup de tonnerre sans équivalent, y compris dans la carrière de son auteur. Surprise fulgurante, coup de génie, succès public et critique immédiat, choc et influence esthétiques pour nombre de futurs cinéastes, ce titre est classé, encore aujourd’hui, dans la courte liste des films qui ont changé l’histoire du cinéma. On peut y ajouter également "Le mépris" et "Pierrot le fou", deux autres œuvres majeures, qui témoignent d'une formidable modernité, liberté, énergie, et humour aussi. Ces films avancent à toute allure, sans s’excuser de rien, en prenant un maximum de risques, imposant leur singularité et leur audace. Au-delà de ces trois chefs-d'œuvre, Jean-Luc Godard a tourné une centaine de films, des longs métrages de cinéma, certains fascinants, d'autres plus complexes, avant-gardistes, mais aussi des vidéos, support dont il a été l'un des précurseurs. Son dernier acte, de liberté, pour mettre fin à ses jours, est à l'image de sa vie. Le voici ci-dessous photographié par William Klein, dont nous déplorions hier le décès, et croqué par l'irrésistible Coco. Puis une petite vidéo très bien faite qui résume originalement sa carrière.

Le maître de la Nouvelle vague s'en est allé
Le maître de la Nouvelle vague s'en est allé

Publié dans Chroniques

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Il aura brisé les codes de la photographie

Publié le par Michel Monsay

Il aura brisé les codes de la photographie

Le photographe américain William Klein est mort samedi à 96 ans à Paris, où il avait élu domicile depuis 1946. Pour l'anecdote, né deux jours avant la Reine d'Angleterre, il est mort deux jours après elle. Également documentariste, peintre, cinéaste et graphiste, il a inventé un art de l’uppercut photographique, un langage radical et pugnace. Une fois de plus Libération nous offre une superbe Une avec cette photo impressionnante et un titre bien trouvé. William Klein a donné un coup de fouet décisif à la photographie, inventant un style moderne, urbain et dynamique. Avant lui, la photographie était timide, avec lui, elle est devenue brutale, insolente et rentre-dedans. Il a été un pionnier de la photographie de rue, et a aussi beaucoup travaillé pour la mode en étant l'un des premiers à faire sortir les mannquins des studios, milieu dont il se moque dans son film "Qui êtes-vous Polly Maggoo". Cet artiste protéiforme a effectivement réalisé plusieurs films de fiction et des documentaires, dont l'excellent  "Muhammad Ali The Greatest". On lui doit aussi la superbe pochette de l'album "Love on the beat" de Serge Gainsbourg.

Il aura brisé les codes de la photographie
Il aura brisé les codes de la photographie
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Il aura brisé les codes de la photographie
Il aura brisé les codes de la photographie
Il aura brisé les codes de la photographie

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Un drame pudique et poignant

Publié le par Michel Monsay

Un drame pudique et poignant

En retraçant l’enquête intérieure d’une rescapée d’un attentat parisien atteinte d’amnésie, Alice Winocour tisse un bouleversant récit sur la fragilité de l’existence et la force du collectif. La cinéaste, dont on avait beaucoup aimé son précédent film "Proxima", aborde le sujet délicat des attentats de 2015 avec sensibilité, intelligence et retenue. Miroir d'une brûlure encore vive, "Revoir Paris" a la puissance des instantanés. Dans quelques mètres carrés, l'espace martyr de la brasserie où a lieu l'attentat regroupe tout ce qui fait la capitale : cuisiniers sans papiers, touristes de passage, serveuses précaires, bourgeois biens installés… Alice Winocour, dont le frère est un rescapé du Bataclan, parvient avec une émouvante justesse à raconter le désarroi qui survient après la violence et la peur. Si le spectre des attentats du 13 novembre 2015 plane sur l'ensemble de son film, Alice Winocour choisit de ne jamais les mentionner, contournant le point de vue strictement factuel. A la fois plus universel et plus intime, l'angle que choisit la cinéaste pour rendre compte de l’impact d'un tel traumatisme, sur ceux qui ont survécu ou sur les proches des victimes, épouse la subjectivité de sa protagoniste, dont le point de vue guide autant notre cheminement dans le récit que la mise en scène. Passée la scène de l'attaque, saisissante de réalisme, le film montre non pas la difficulté de continuer à vivre après le choc d’un attentat, mais bien la difficulté de revenir à la vie, au monde. Les comédiens apportent leur talent avec une pudeur de chaque scène et un refus obstiné de la sensiblerie, qui contribue pleinement à la force émotionnelle du film, notamment Virginie Efira une nouvelle fois remarquable.

Publié dans Films

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Le nouveau génie du tennis

Publié le par Michel Monsay

Le nouveau génie du tennis

En s'imposant à l'US Open, Carlos Alcaraz fait coup double, il devient le plus jeune numéro 1 mondial de l'histoire du tennis, et remporte à 19 ans son premier tournoi du Grand Chelem en ayant montré tout au long du tournoi un niveau de jeu exceptionnel. Légèrement diminué en finale par trois matches en cinq sets lors des tours précédents, il a su trouver les ressources nécessaires pour battre l'excellent Casper Ruud grâce à un mental incroyable pour son jeune âge, une science du jeu hors du commun, une présence physique impressionnante et des coups qui font se lever tout un stade. Merci à ce jeune roi du tennis pour le plaisir qu'il nous procure à chacun de ses matches, et ce n'est que le début de son règne. Longue vie au roi ...

Le nouveau génie du tennis
Le nouveau génie du tennis
Le nouveau génie du tennis

Publié dans Chroniques

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Un cinéma à la fois militant et divertissant

Publié le par Michel Monsay

Un cinéma à la fois militant et divertissant

Cinq ans après l'excellent "Get out", le cinéaste américain Jordan Peele revient avec "Nope", un film tout aussi angoissant et maîtrisé dont il ressort une foudroyante étrangeté. Dans un mélange permanent des genres, du western à la science-fiction en passant par l'horreur, Jordan Peele passe de l'effroi au merveilleux dans un bouillonnement créatif. Il emprunte la virtuosité de Spielberg avant de lui opposer sa vision de l'industrie hollywoodienne, jouant autant de nos peurs que de nos nostalgies, avec finesse et psychologie. Nope est le petit-fils spirituel et stylistique des Dents de la mer, E.T., Rencontres du Troisième type et Alien, avec un passage par Premier Contact, de Denis Villeneuve, pour la grâce et la symbolique. Le tout est passé au tamis du western, avec l’humour et l’insolence comme pépites de taille. Le travail sur l’image et sur le son mérite d’être admiré en salle, avis à tous les pantouflards. Fidèle à sa direction éditoriale éminemment politique, le réalisateur vise toujours l’invisibilisation et l’exploitation des Noirs dans l’Histoire et dans le cinéma. Il poursuit ici son antiportrait de l’Amérique par ses marges. En seconde grille de lecture, on trouve la commercialisation de nos sociétés ainsi que la mercantilisation de nos traumas à travers la société du spectacle et la fascination pour les images, dont le film apporte une formidable critique. 

Publié dans Films

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