Un vrai talent d'écriture sur un mix de rap, pop et chanson française
Après le très gros succès il y a près de quatre ans de Jeannine, Lomepal est de retour avec un troisième album intitulé Mauvais ordre. Le rappeur français y chante davantage et abandonne l'écriture purement autobiographique pour évoquer l'identité et les apparences grâce à un personnage fictif. Lomepal aime bousculer l’ordre des choses, à commencer par les codes du registre qui l’a vu naître en tant qu’artiste : le rap. Déjà, en 2017, il avait cassé les règles esthétiques avec son premier album, Flip, sur la pochette duquel il apparaissait maquillé en femme, affichant une sensibilité peu courante dans ce genre musical. En 2018, avec Jeannine, il enfonçait le clou en faisant évoluer sa musique vers la chanson et en choisissant un thème à contre-courant des histoires de cité, la vie de sa famille sous l’influence d’une grand-mère psychotique. Deux albums qui ont remporté les suffrages du public, le premier étant certifié disque de platine, et le deuxième, disque de diamant. Dans Mauvais Ordre, la musique est résolument organique, les beats hip-hop sur lesquels reposent plusieurs chansons sont joués à la batterie. Enregistré principalement avec des musiciens, le disque mêle ambiances pesantes et groove imparable. Lomepal a le génie des accroches. Chaque chanson est lancée par un couplet qui plante irrémédiablement le décor. De sa voix de gorge langoureuse, magnétique, il ne rappe presque plus mais chante de mieux en mieux. Le rappeur a définitivement mué, se transformant en chanteur à textes, gardant du hip-hop la puissance de son groove. Au fil de quinze chansons, c’est un nouvel artiste que l’on découvre. L’ultrasensible s’assume désormais bien davantage comme chanteur. Cela donne, sur la plupart des titres, un fondu enchaîné de tchatche et de chant si fluide qu’il en devient quasi invisible. Mauvais Ordre parvient à fondre les époques et les émotions avec style, son habileté à mettre en mots le chaos intérieur reste intacte. Lomepal a le génie des accroches. Chaque chanson est lancée par un couplet qui plante irrémédiablement le décor où l’écriture du rappeur-chanteur, simple et directe, sans gras ni faciles démonstrations stylistiques, magnifie une sensibilité et une mélancolie qui irradient ce très bel album.