Bouleversante chronique d'une renaissance amoureuse
Après Adam, un premier long métrage déjà impressionnant par sa maîtrise et sa pudeur, la cinéaste marocaine Maryam Touzani, qui est également coscénariste de Much loved et Razzia, revient avec Le Bleu du Caftan, œuvre saisissante et bouleversante. Ce film met en scène avec une infinie délicatesse trois grandes âmes sur le chemin de l’amour et de l’acceptation. En quasi huis clos, cette fable atemporelle s’impose à un rythme lent et très élégant pour rendre attentif aux moindres regards, silences, coups de ciseau et rais de lumières. Scénario, décors, costumes, tout se déploie dans une atmosphère feutrée, imprégnée de non-dits. Chez Maryam Touzani, les protagonistes se parlent à peine quand ils ont des choses importantes à se dire. Tout se passe dans le regard, notamment celui des yeux bleu-gris d'un des personnages, miroirs de ses amours contrariés. Tour à tour, la cinéaste rend hommage à un art millénaire en train de disparaître et à ses derniers artisans, à sa mère et à son caftan qu'elle arborait lors de la première mondiale du film présenté dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes, et surtout aux mille et un visages de l'abnégation amoureuse. La thématique, son traitement, notamment avec la superbe image en clairs-obscurs délicats, et la manière dont la caméra filme les détails, les gestes, les tissus, les visages, mais aussi la sincérité dégagée par les trois magnifiques comédiens, dont l'intensité réside dans l'économie de leur jeu, font du Bleu du caftan un film sensible, courageux, véritable tour de force dans un pays où l’homosexualité reste passible de prison. Cinéaste de l’intime, Maryam Touzani, née à Tanger en 1980, a à cœur d’ouvrir les esprits et de faire bouger les mentalités. Elle nous offre ici une œuvre d'une noblesse et d'une beauté profonde, dont on ressort ébloui, malgré l'insupportable bouffeur de popcorn de la rangée de derrière.