La discrète
Nommée à la tête de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles le 31 août dernier, Catherine Pégard veut prouver par son travail, ses qualités et sa passion pour la culture qu’elle n’est pas là par hasard. Cette ancienne journaliste politique qui a fait carrière au Point durant 25 ans et qui a été conseillère de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, ne manque pas d’ambition pour le château de Versailles en voulant le rendre encore plus grand et plus beau.
Dès le départ, Catherine Pégard insiste sur la réalité multiple du château de Versailles, que l’on a tendance à voir comme une entité historique : « Nous ne sommes ni dans un musée ordinaire, ni dans une résidence royale ordinaire, ni dans des jardins ordinaires, ni dans un opéra ordinaire mais il s’agit bien ici de l’addition de tous ces lieux uniques. » Son emploi du temps se décompose de telle manière à ne négliger aucun de ces domaines, mais avec l’arrivée des beaux jours, son regard se déplace un peu plus vers l’extérieur. Notamment avec la reprise des grandes eaux dans le parc ou la restauration d’un bosquet en prévoyant un échéancier à cet effet, tout en s’occupant parallèlement des collections du musée, et des acquisitions à faire pour continuer à remeubler le château.
Depuis 6 mois qu’elle est entrée en fonction pour un mandat de 5 ans, la présidente peut s’appuyer pour l’aider à prendre les bonnes décisions sur près de 1000 personnes qui travaillent sur l’ensemble du domaine, y compris les saisonniers, avec quel que soit le métier exercé, une passion et une connaissance des lieux très précieuses : « On est ici dans un livre d’Histoire où l’on apprend sans cesse avec modestie au contact de tous ces gens dévoués à Versailles. »
Continuer à faire rêver
La résonnance de Versailles dans le monde entier, Catherine Pégard la mesure à chacun de ses déplacements que ce soit au Japon, aux Etats-Unis, en Chine ou au Qatar. Ces voyages ont pour but d’entretenir et de renforcer le mécénat, mais aussi mettre en place des partenariats avec le jardin impérial de Tokyo notamment, ou peut-être prochainement avec le palais d’été de Pékin. Cette réputation, la maîtresse des lieux peut s’en rendre compte quotidiennement en découvrant par la fenêtre de son bureau, un public toujours aussi nombreux venu s’émerveiller devant la démesure et la beauté de Versailles.
L’ambition de la nouvelle présidente est d’aller plus loin dans la relation entre le présent et le passé, pour valoriser les 787 ha du domaine et les 188 894 m² de surface de plancher dans toute leur diversité : « C’est faire connaître aux 6,5 millions de visiteurs que nous recevons chaque année, venus pour voir la galerie des Glaces et les appartements royaux, qu’il y a beaucoup d’autres choses à découvrir. C’est transmettre le goût de Versailles aux enfants en développant davantage la visite par Internet. C’est aussi approfondir la relation entre le patrimoine historique et l’art contemporain, sans qu’il y ait confrontation mais plutôt un lien entre les deux.» Catherine Pégard continuera comme ses deux prédécesseurs d’inviter des artistes à exposer dans le château et le parc, mais ils devront avoir une vraie légitimité à le faire.
L’épanouissement d’une passion en sommeil
Diriger cette institution qui représente une partie de l’identité de la France partout dans le monde, est à la fois un honneur pour Catherine Pégard et une chance extraordinaire dans sa vie, de transformer ce qui était jusqu’à présent un goût en travail. Nicolas Sarkozy qui la connaît depuis très longtemps, a estimé qu’elle pourrait être à la hauteur de cette tâche et l’a nommée à la tête de Versailles le 31 août 2011. Cette nomination qui a fait couler beaucoup d’encre, l’intéressée n’a pas voulu la commenter ni à l’époque ni aujourd’hui, mais dès le départ elle s’est sentie en mesure de remplir la mission qu’on lui confiait : « Tout ce que j’ai fait dans la partie qui n’était pas forcément visible de ma vie, était lié à ce que représente Versailles. » Ce goût pour la culture, l’histoire et la musique, peu le lui connaissaient tant elle s’était investie dans le domaine politique. Cela a commencé par le journalisme, son rêve d’enfant qu’elle concrétise brillamment en démarrant au Quotidien de Paris aux côtés de Philippe Tesson, qui lui conseille de choisir la politique, rubrique phare des journaux de la fin des années 70. Elle se passionne pour ce domaine qu’elle suivra durant les 30 ans de sa carrière dans la presse.
Cette presse justement, elle l’a retrouvée face à elle en janvier dernier lors de la première conférence de sa présidence, qu’elle a organisée dans une salle en travaux afin de bien montrer que sous les ors, Versailles est un chantier permanent pour demeurer ce qu’il est : « Ma mission est que le château soit accessible au plus grand nombre, et soit encore plus beau et plus grand en ouvrant de nouvelles pièces que l’on aura remeublées. »
Dans l’antichambre du pouvoir
Dès son élection en mai 2007, Nicolas Sarkozy propose à Catherine Pégard de travailler à ses côtés comme conseillère politique. Il apprécie chez elle sa grande expérience journalistique dans le domaine et son indépendance d’esprit. De plus elle n’appartient pas au sérail qui entoure le nouveau président, et lui apporte de ce fait un regard différent. Durant 4 ans, elle contribue ainsi à mettre en valeur l’action du président auprès d’un auditoire politique et culturel plus large et pas forcément acquis à sa cause. Ce travail dans l’ombre, à l’inverse d’autres conseillers, Catherine Pégard de par sa nature l’a effectué dans la plus grande discrétion autant à l’égard du président que de ces interlocuteurs, leur apportant ainsi un gage de confiance.
Après avoir été observatrice du monde politique en tant que journaliste, son séjour au cœur de l’Elysée lui a révélé une réalité quelque peu différente : « Vous vous apercevez que le journalisme s’apparente davantage à de l’impressionnisme, et lorsque vous êtes au contact du pouvoir, tout à coup les couleurs sont plus vives. Le souci de l’intérêt général est beaucoup plus grand que ce que l’on a coutume par facilité de dire, et la violence de la politique vous paraît beaucoup plus aiguë. »
La construction d’une réputation
Sa carrière dans la presse a eu essentiellement pour cadre l’hebdomadaire Le Point, où de simple journaliste politique en 1982 lorsqu’elle intègre la rédaction, elle deviendra chef du service politique et éditorialiste. Elle a conscience avec le recul d’avoir exercé son métier dans les meilleures conditions possibles durant 25 ans au sein de ce magazine. Pour cela, cette femme curieuse, passionnée et ayant une grande capacité d’écoute, n’a pas ménagé sa peine dans un travail quotidien au fil des années, où elle a su construire un important réseau de relations de confiance qui lui ont servi jusqu’à aujourd’hui. Elle considère Le Point comme un exemple de réussite rare, et revendique une certaine fierté pour la rubrique politique qu’elle a dirigée.
Des fondements fondamentaux
Cette normande très attachée au Havre jusqu’à la mort de ses parents, se rappelle d’une enfance très heureuse dans sa ville natale, où elle retournait toujours avec bonheur : « Avoir des attaches provinciales donne un socle important et permet de garder les pieds sur terre. Le fait d’être allée au Havre très régulièrement alors que je m’occupais de politique au Point, me permettait d’avoir un recul et une vision plus pondérée des événements. » A 57 ans, Catherine Pégard va tout faire durant les 4 prochaines années pour mener à bien sa mission à Versailles, et pour le reste, comme dirait son maître Claude Imbert journaliste cofondateur du Point: « La vie invente. Elle a inventé pour moi comme il me l’a dit lorsque j’ai quitté le magazine pour l’Elysée, puis une nouvelle fois quand j’ai été nommée à Versailles, et je pense qu’elle inventera encore. »