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Aller au bout de ses rêves

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été en 1997 la première femme à réussir un tour du monde à la voile en solitaire sans escale et sans assistance à l’occasion du Vendée globe, avoir effectué un grand nombre de courses au large durant une quinzaine d’années, Catherine Chabaud se fait aujourd’hui la voix de la mer à travers de nombreux engagements pour sa préservation. Elle est notamment depuis un an, personne qualifiée au Conseil économique social et environnemental (CESE) après avoir présidé une mission de sensibilisation dans le cadre du Grenelle de la mer.

 

Afin d’éclairer la décision politique, Catherine Chabaud contribue avec le CESE à émettre un avis ou élaborer un rapport, sur des sujets touchants à l’environnement. Comme récemment, pour trouver la manière dont la France peut mieux répondre à ses engagements sur la préservation de la biodiversité et sa sensibilisation, ou sur la gestion des risques environnementaux sur les plates-formes pétrolières. L’ancienne navigatrice a obtenu dans la contribution du CESE aux négociations climatiques du sommet de Durban de décembre dernier, que les océans ne soient pas oubliés. Lorsqu’elle accepte la proposition du ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo en octobre 2010, de devenir personne qualifiée au CESE pour un mandat de 5 ans, son désir est avant tout d’être utile : « Mon objectif est d’éclairer la société civile sur les enjeux maritimes. Même si pour moi étant plutôt une femme d’action, ce que l’on fait ici est de la réunionnite aigue, cela se révèle être très enrichissant par les rencontres et les sujets étudiés, tout en faisant bouger peu à peu les choses. »

 

Le bateau du futur

Parallèlement depuis 10 ans, elle pilote des projets visant à réduire l’impact de la filière nautique sur l’environnement : « Nous venons de lancer avec l’Université de Bretagne Sud, la 1ère embarcation recyclable fabriquée avec de la fibre de lin et un acide obtenu à partir de l’amidon soit de la pomme de terre soit du maïs. Alors que la plupart des bateaux, dont on ne sait pas quoi faire en fin de vie, sont fabriqués à base de fibre de verre, grosse consommatrice d’énergie, et de polyester, dérivé du pétrole. » Si pour l’instant il s’agit d’un canoë, qui a été présenté en décembre au salon nautique, l’ambition de Catherine Chabaud est d’aller plus loin. Pour ce faire, elle vient de déposer un dossier à l’Ademe sur un projet de bateau de plaisance du futur entièrement propre, avec des matériaux recyclables, des énergies renouvelables embarquées et un traitement des eaux et des déchets. Femme de réseau comme elle se revendique, elle a le don de savoir aider les gens à construire des choses ensemble.

 

Le journalisme en préambule

Lyonnaise de naissance ayant passé son enfance et adolescence en région parisienne, Catherine Chabaud a vécu ensuite en Bretagne où elle a encore une maison et un vrai attachement, avant de fonder une famille dans la campagne angevine il y a 7 ans. Sa passion pour la mer est née à Roscoff où elle allait régulièrement faire de la plongée avec son père durant les vacances. Peu à peu, elle découvre la voile sur le bateau d’amis de ses parents et après son Bac elle navigue en répondant aux annonces de la bourse aux équipiers de France Inter.

Par ailleurs tout en continuant à essayer de naviguer, elle fait une école de journalisme et commence à travailler sur des radios libres comme RFM au début des années 80, puis Europe 2 où elle collabore de nombreuses années, d’abord dans l’info générale puis la voile. Elle devient ensuite rédactrice en chef de la revue Thalassa, avant de réussir à faire construire son premier bateau à la Cité des sciences de Paris, où le public a pu voir comment se construit un voilier. Plus tard, après avoir arrêté la compétition, elle présente des chroniques sur Europe 1 durant 5 ans ayant pour thème l’aventure et le développement durable. Elle a aussi écrit 4 livres, notamment « Possibles rêves » où elle raconte son fameux tour du monde à la voile.

 

Une plénitude incomparable

L’effervescence d’activités que l’on constate dans la vie de Catherine Chabaud, qu’elle explique par : « Lorsque je vois un problème quelque part, j’ai envie d’apporter la solution », lui convient pourtant bien moins que ces 15 années de courses au large où elle ne faisait que ça, mais qui lui apportaient une harmonie jamais ressentie autrement. Avec 14 transatlantiques, 2 tours du monde et quelques tours de l’Europe, elle a vécu intensément ses années de compétition, particulièrement en solitaire : « On éprouve à la fois un formidable sentiment de responsabilité pour son bateau, et de liberté en ayant l’impression d’être seule au monde dans un espace merveilleusement vierge, sauf lorsque l’on trouve des détritus en plein océan ou que l’on traverse une nappe de dégazage, ce qui explique mon combat aujourd’hui. C’est très excitant d’être sur un bon bateau, de développer une stratégie de course en tenant compte de la météo, de vivre au rythme de la mer. »

 

Au cœur des océans

L’un de ses plus beaux souvenirs est le départ fin 1996, lorsqu’elle largue les amarres pour partir faire son 1er tour du monde en solitaire sans escales et sans assistance, qui va durer 140 jours. Cette aventure qu’elle juge extraordinairement belle par le spectacle et les émotions vécues, a été aussi terriblement difficile. Notamment en plein cœur de l’océan Indien quand une déferlante a violemment couché son bateau en causant beaucoup de dégâts, ce qui l’a ébranlée psychologiquement pendant un mois. Néanmoins, lorsqu’elle reparle aujourd’hui de ses années de compétition où elle a aussi couru la Route du rhum et la transat Jacques Vabre, des étoiles brillent dans ses yeux. Puis au fil des courses, la dose d’inconscience a diminué, l’envie de naviguer autrement a augmenté en même temps que celle de fonder une famille.

Aujourd’hui à 49 ans, elle participe à des régates avec son compagnon et parfois son fils de 6 ans, en étant ravie de partager sa passion. Si la mer lui manque régulièrement, c’est moins le cas de la compétition avec tout ce temps nécessaire à la préparation du bateau et surtout au parcours du combattant pour trouver des sponsors. Elle n’écarte pas toutefois la possibilité de s’inscrire à la Route du rhum pour prouver l’efficacité de son voilier du futur lorsqu’il sera prêt.

 

Dans la continuité des choses

A force de rencontrer des associations qui agissent pour l’environnement, Catherine Chabaud, lorsqu’elle arrête la compétition en 2002, décide de s’engager pleinement pour la préservation de la mer : « Mon bâton de pèlerin est de montrer des solutions, je laisse à d’autres le soin de dénoncer, je ne suis pas une militante mais je pense qu’aujourd’hui les actions de Greenpeace sont nécessaires pour marteler un peu plus les choses. » Elle devient rapidement administratrice ou membre de nombreuses institutions et fondations, puis en 2008 Jean-Louis Borloo lui confie une mission intitulée « Nautisme et développement durable » puis une seconde dans le cadre du Grenelle de la mer, avant de lui proposer d’entrer au CESE.

Fin janvier, en phase avec son engagement et pour retrouver le bonheur d’être en mer de manière un peu plus prolongée qu’une régate, elle a embarqué pour une dizaine de jours à bord du grand voilier de l’expédition scientifique Tara, qui parcourt tous les océans pour mesurer les impacts climatiques. Cette optimiste qui a tendance à dire oui à beaucoup de choses, a la résolution pour 2012 d’apprendre à dire non un peu plus souvent, et réduire ainsi ses nombreuses activités.

 

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« Les campagnes électorales dépendent avant tout de leurs acteurs »

Publié le par michelmonsay

Franz-Olivier Giesbert 009    

Interview réalisée le 9 janvier 2012 avant qu'il n'abuse un peu trop de la moquette ...!

 

Après avoir dirigé la rédaction du Nouvel Observateur et du Figaro, Franz-Olivier Giesbert est depuis 11 ans directeur de l’hebdomadaire Le Point, qui a été désigné meilleur magazine de l’année 2011. Auteur de 12 romans et 7 portraits politiques, il a aussi animé de nombreuses émissions à la télévision, dont actuellement « 2012, les grandes questions » sur France 5. A 63 ans, son parcours fait de lui un incontournable témoin et fin connaisseur de la vie politique.

 

On parle de l’élection présidentielle en permanence depuis de nombreux mois, y a-t-il un risque qu’elle n’intéresse plus les français ?

Franz-Olivier Giesbert - Avec la réduction du mandat présidentiel à 5 ans, on est entré dans un système qui s’apparente à celui des Etats-Unis avec une campagne électorale quasi permanente. L’élection à peine passée que l’on s’intéresse déjà à la prochaine échéance. Ce raccourcissement du mandat a pour conséquence de donner moins de hauteur de vue au président. Cela dit, les campagnes électorales dépendent avant tout de leurs acteurs. En 2002, la campagne était plutôt atone et sans grand intérêt, alors qu’en 2007 elle était beaucoup plus vivante et forte, même si les enjeux n’étaient pas clairement définis et si des sujets importants comme la dette n’ont pas été abordés. Pour cette année, je pense qu’elle sera peut-être un peu plus ennuyeuse, moins vendeuse pour la presse, mais que l’on ira plus au fond des problèmes.


La presse a-t-elle une influence dans cette campagne et quels seront les grands thèmes abordés ?

F.-O.G. - Les journalistes ne font pas les campagnes présidentielles, contrairement à ce que croient certains d’entre eux, ils ne font que suivre le mouvement. Ils ont beau interpeller, questionner, de toute façon ils ne changeront pas le cours de l’Histoire, seuls les politiques décident d’aller où bon leur semble. Pour preuve, j’ai posé des questions sur l’endettement en 2007, et on ne peut pas dire que j’ai été très suivi. Autre preuve de l’influence limitée de la presse, les candidats qu’elle a soutenus ont été battus, Balladur en 1995 ou Jospin en 2002.

Si le problème de l’endettement a été occulté en 2007 avec des candidats qui nous expliquaient qu’on le règlerait par la croissance, le thème paraît incontournable dans cette campagne. La France vit au-dessus de ses moyens depuis longtemps, il faut qu’elle réduise les dépenses publiques et elle va finir par le faire. Autre débat important, celui de l’Education Nationale où il faut revaloriser la condition enseignante, en redonnant une fierté aux enseignants et un sens à l’éducation. En ces temps de difficultés, il y aura aussi la protection sociale et la fiscalité. Enfin dans une élection présidentielle, il y a beaucoup d’émotionnel et il est possible qu’à l’occasion d’un fait divers, on reparle de sécurité.


La crise peut-elle engendrer des surprises et démobiliser des électeurs qui sont de plus en plus incrédules ?

F.-O.G. - A priori la crise devrait profiter à François Bayrou, il était le seul en 2007 à dire qu’il y avait un problème alors que les autres avaient tendance à le nier. S’il a les capacités de créer la surprise, il n’est pas le seul. La crise ne peut que mettre du vent dans les voiles de Marine Le Pen, qui a des solutions extrêmement simplistes mais que toute une partie de l’électorat est prête à entendre. Les politiciens ne s’adressent plus aux classes populaires, ils ont laissé en friche ce terrain qui est devenu le territoire de chasse privilégié de Marine Le Pen.

Même si la classe politique serine un discours faussement positif en racontant des sornettes d’élection en élection sur le retour de la croissance, il y a une grande inquiétude, un sentiment général de déclin, et les français ont besoin qu’on leur propose quelque chose de positif, des solutions. La France est le pays le plus pessimiste au monde et pourtant elle a beaucoup d’atouts, certes on est tombé très bas mais on peut repartir. Une campagne électorale n’est pas prévisible, il y a des ruptures, des retournements et un moment donné, cela peut se coaliser autour d’un candidat, autour de propositions qui vont brusquement changer la donne.


Sur quoi va se jouer l’élection et que peuvent attendre les petits candidats ?

F.-O.G. - Les français veulent à la fois quelqu’un qui les rassure, les protège et les sorte de cette crise. Leur candidat idéal serait une sorte d’hydre à 3 têtes, Sarkozy pour l’énergie, il est aussi une machine à mouliner les idées, Hollande pour le calme, la mesure, il est très consensuel et écoute beaucoup, enfin Bayrou pour la force de caractère, lui est pragmatique et joue la carte prophétique. Une campagne électorale est toujours violente, la personnalité des candidats peut faire la différence. Rien n’est joué, d’autant que Hollande a la position la moins facile, celle du favori, qui essaie de garder son terrain en prenant le moins de risques possibles, pour ne pas perdre des voies en s’aventurant dans telle ou telle direction. L’homme politique en campagne recherche la dynamique, c’est ce que fait aujourd’hui Sarkozy pour rattraper son retard. Il est difficile de faire un pronostic, d’habitude 2 candidats se détachent, cette fois-ci ils sont 4 à pouvoir être présent au 2ème tour.

Pour un petit parti, l’élection présidentielle est fondamentale, elle représente beaucoup d’exposition et lui permet de vivre. Certains des petits candidats n’iront pas au bout soit à cause du manque de parrainages, soit qu’ils l’ont déjà décidé et sont dans une posture de négociation avec les grands partis. Le filtre des 500 signatures est une bonne règle même si elle est injuste, pour éviter d’avoir trop de candidats. La possibilité que Marine Le Pen ne les obtienne pas, poserait un problème de démocratie.


Toutes les dernières élections ont vu la gauche l’emporter et les Verts réaliser un bon score, est-ce une indication pour la présidentielle ?

F.-O.G. – Non, je ne pense pas que cela joue. Il y a chez les français un petit côté normand où l’on ne met pas tous les œufs dans le même panier, une volonté d’équilibre, que la droite commence à mettre en avant. Par contre, le maillage municipal des élus socialistes va énormément aider François Hollande dans sa campagne. Pour les Verts, il y a des scrutins qui leur sont plus profitables que d’autres, l’élection présidentielle ne leur a jamais réussi et je ne suis pas sûr que les législatives leur soient favorables non plus. De toute façon, ils n’ont pas le monopole de l’écologie, ils ne peuvent pas la confisquer, c’est un sujet trop important pour le confier à un seul parti, et aujourd’hui il y a des écologistes aussi bien à droite qu’à gauche.

N’oublions pas pour finir que la situation économique actuelle est extrêmement changeante, et il peut y avoir des bouleversements à tout moment. Les événements extérieurs peuvent soudainement troubler la donne de cette campagne électorale. 

 

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Une passion peut en cacher une autre

Publié le par michelmonsay

Patrick Poivre D'Arvor 004 

L’homme aux 10 000 JT, Patrick Poivre d’Arvor, Le présentateur du journal de 20 heures que la France entière connaît, aura su garder durant 29 ans la confiance de tous de sa voix rassurante. L’effervescence dont il a besoin au quotidien se nourrit de l’écriture avec 60 livres au compteur, de nouvelles passions comme la mise en scène, la réalisation, et toujours la télévision avec « La traversée du miroir » sur France 5 et peut-être plus à venir.

 

Boulimique de travail toujours à la recherche de nouveaux défis, PPDA depuis près de 4 ans qu’il ne présente plus le 20 heures de TF1, s’est lancé entre autre dans la mise en scène. Tout d’abord l’année dernière en montant Carmen dans le cadre des opéras en plein air, et tout récemment en réalisant cet été en Bretagne un téléfilm pour France 3, « Mon frère Yves » un roman de Pierre Loti adapté par Didier Decoin. Dans les deux cas, même s’il avait des idées de mise en scène inspirées par des artistes qui lui ont façonné le goût, il a appris ce nouveau métier sur le tas : « J’ai vraiment voulu connaître tout, en interrogeant les différents corps de métier qui composent une équipe, pour savoir comment cela se passait chacun dans son domaine. Comme pour l’écriture, j’aime l’idée de laisser une trace avec ce téléfilm, au contraire du journalisme qui est plus volatile, où chaque jour le journal télévisé est effacé et remplacé par un autre. »

 

La télévision encore et toujours

Si le JT et l’arène politique ne lui ont pas manqué depuis 2008, il avoue être titillé aujourd’hui par l’élection présidentielle. Après avoir refusé de nombreuses propositions soit moins intéressantes soit directement concurrentielles avec son ancienne chaîne, il ne ferme pas la porte aux deux trois personnes qui lui tournent autour en ce moment. Ne pas couvrir cet événement politique majeur pour la première fois depuis 1974, lui manquerait à coup sûr. Quoiqu’il en soit, il entame une quatrième saison de son rendez-vous hebdomadaire « La traversée du miroir » le dimanche à 19h sur France 5, où il reçoit deux personnalités durant près d’une heure qui répondent à tour de rôle à une interview confidence, sans promotion ni quoi que ce soit à vendre. Il va également continuer à proposer des émissions spéciales sur France 3, comme il l’a déjà fait pour la tempête Xynthia un an après ou sur les 40 ans de la disparition du général de Gaulle.

 

L’homme du 20 heures

Détenteur du record du monde de longévité à la présentation du journal télévisé avec 29 ans dont 8 sur Antenne 2 et 21 sur TF1, PPDA n’a pas aimé ce que devenait l’actualité  les dernières années de son activité: « Aujourd’hui il y a trop de fascination pour les faits divers, et lorsque l’on s’empare d’une histoire comme l’affaire DSK, on en parle en boucle jusqu’à la nausée avec tous les détails les plus croustillants. J’ai toujours refusé de pratiquer cette surenchère et ça marchait tout aussi bien. C’est une erreur de penser que les téléspectateurs sont friands de cela voire insultant d’essayer de flatter ainsi leurs bas instincts. Si on leur offre de vraies possibilités de se nourrir l’esprit, les gens y vont. » C’est certainement ce qui lui plaisait le plus, le côté pédagogue, présenter un sujet complexe de manière à apprendre au plus grand nombre. Il n’a jamais aimé cette évolution de la télé vers plus de facilité et de compromis. L’autre aspect qui lui a évité toute lassitude durant ces 21 ans à TF1, est qu’il était le seul maître à bord de son 20h et décidait des sujets en toute liberté, tout en écoutant beaucoup son équipe.

 

Que de souvenirs

Les moments les plus forts restent les 150 JT qu’il a présentés in situ, notamment juste après le 11 septembre à New-York, ou pendant le putsch en Russie, l’entretien en Irak avec Saddam Hussein ou en Lybie avec Kadhafi. De manière générale, il n’avait pas froid aux yeux lors des interviews politiques quelque soit l’interlocuteur, qu’il ne manquait pas d’asticoter. Cependant les personnalités qui l’ont marqué sont davantage des êtres empreints de spiritualité comme le Dalaï-lama, Mère Teresa ou le pape Jean-Paul II, et quelques politiques comme Bernard Stasi ou Simone Veil.

Parmi les moments difficiles, il y a l’annonce de la mort d’artistes qu’il connaissait et admirait comme Brel, Brassens, Barbara ou la disparition tragique d’un ami, le grand reporter de TF1 Patrick Bourrat, renversé par un char américain au Koweït. Autre souvenir douloureux, la ½ finale de coupe de France de football entre Bastia et Marseille en 1992, qu’il annonce comme un moment de fête pour la Corse, juste avant qu’une tribune du stade ne s’effondre et provoque un drame que PPDA commente toute la soirée à l’antenne. Puis il y a ce moment saisissant lorsqu’il présente le journal le lendemain du suicide de sa fille Solenn : « Je n’avais pas d’autre solution pour ne pas sombrer. »

 

En première ligne

Ce lien particulier qui s’est tissé avec 10 millions de téléspectateurs chaque soir durant tant d’années, PPDA à la fois seul devant une caméra et présent dans la salle à manger des français comme un rituel, il s’en rendait compte par les 300 lettres qu’il recevait chaque jour et les innombrables témoignages de sympathie aujourd’hui encore jusque dans les coins les plus perdus. Le revers de la médaille de cette notoriété, il l’a vécu avec la presse à scandale, sur laquelle il a écrit deux livres qui dénoncent ces « violeurs de vie privée ». Pourtant le devant de la scène, il ne l’a pas spécialement recherché au début de sa carrière, en démarrant comme grand reporter à France Inter pendant 3 ans, puis en intégrant le service politique d’Antenne 2. Au bout de quelques mois, la chaîne recherche un journaliste pour présenter le JT et concurrencer Roger Gicquel sur TF1. A tout juste 28 ans, c’est le début d’un règne qui sera entrecoupé de 4 ans de presse écrite à Paris Match et au Journal du Dimanche, avant de se poursuivre sur TF1 à partir de 1987. Son style bien à lui avec une voix qu’il a toujours voulu rassurante s’est toujours opposé aux journalistes racoleurs et alarmistes.

 

Drôle de fin

Lui que l’on croyait indéboulonnable s’est fait proprement viré par la direction de TF1, selon toute vraisemblance sur ordre du président Sarkozy : « De nombreux témoignages m’ont fait comprendre que j’ai agacé avec mes interviews caustiques. D’ailleurs depuis 4 ans j’ai été consciencieusement mis à l’écart des médias qui dépendaient peu ou prou du pouvoir. Après avoir eu des rapports électriques avec François Mitterrand et quelques ennuis déjà avec la droite, cet épisode me permet d’être encore plus indépendant. Que des hommes de pouvoir souhaitent un peu brider la liberté d’expression, cela peut se comprendre même si c’est navrant, mais qu’ils trouvent des gens suffisamment serviles pour leur donner satisfaction, je trouve cela invraisemblable. » A défaut de continuer à officier au JT de TF1 et plus de 3 ans après  son éviction, PPDA par le biais de sa marionnette est toujours le présentateur vedette des Guignols de l’info sur Canal +, et cela depuis leur création il y a 23 ans.

 

Quelques pistes pour bien le comprendre

Son enfance marquée par une grave leucémie lui insuffle une volonté qui lui fait brûler les étapes. Bac à 15 ans, père à 16 et romancier à 17, même si « Les enfants de l’aube » ne sera publié qu’en 1982 lorsqu’il se sera fait un nom. Après des études politiques, il commence à militer, envisage un engagement ou une carrière de diplomate, rêve d’être écrivain voyageur et finit par choisir le journalisme. A son patronyme Poivre il ajoute d’Arvor, le nom de plume de son grand-père maternel, qu’il admire au-delà de tout. D’origine paysanne, cet homme qui a été orphelin à l’âge de  2 ans, a appris à lire et écrire en cours du soir tout en travaillant, pour devenir poète. S’il est né à Reims, PPDA a toujours été très attaché à la Bretagne, notamment à Trégastel où il passait toutes les vacances de son enfance et où il possède aujourd’hui une maison : « J’aime l’authenticité des bretons, ils sont bosseurs, rêveurs et pudiques, des qualités qui me plaisent », et qui le définissent d’une certaine manière.

 

Ses autres passions

La littérature est centrale dans sa vie déjà très remplie, a tel point qu’il a trouvé le temps d’écrire ou coécrire une soixantaine de livres : « C’est justement un temps que je prends pour réfléchir, me replier sur moi, mais il faut savoir que je j’écris très vite et dors peu. » Cet été après la mort de sa mère, des éléments du passé ont refait surface et lui ont inspiré un nouveau roman. Cette passion, il l’a aussi imposé sur TF1 contre vents et marées durant 20 ans en créant deux émissions littéraires Ex-libris et Vol de nuit.

Les défis, il se les fixe également dans le sport, que ce soit en faisant partie de l’équipage d’Yvan Bourgnon lors de la transat Québec Saint-Malo en 1996, en effectuant l’ascension du Mont-Blanc ou en participant au Marathon de New York. Sinon, il pratique assez régulièrement le tennis, le vélo et court 20 minutes tous les matins.

A 64 ans, PPDA se sent en pleine forme et à l’image de la mise en scène ou de la réalisation récemment, il se souhaite de toujours explorer de nouvelles passions.

 

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« L’écologie est le lieu de réorganisation des politiques et d’expression d’une vision d’avenir »

Publié le par michelmonsay

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Interview réalisée le 18 juillet 2011, quand NKM s'occupait encore d'écologie !

 

Numéro 3 du gouvernement à la tête d’un ministère de grande ampleur depuis près d’un an, Nathalie Kosciusko-Morizet œuvre à la transformation écologique de la société. A 38 ans, elle concrétise l’engagement environnemental qu’elle a toujours manifesté, en mettant en œuvre les 268 mesures du Grenelle, et en prenant des décisions transversales dans une logique de développement durable.

 

Quelle est la place de l’écologie dans l’action gouvernementale ?

Nathalie Kosciusko-Morizet - L’écologie est centrale dans l’action gouvernementale, elle est le lieu de réorganisation des politiques et d’expression d’une vision d’avenir. Pour moi l’écologie est avant tout une invitation à modifier en profondeur nos systèmes de production et de consommation pour tenir compte des enjeux environnementaux majeurs tels que le changement climatique ou l’épuisement des ressources naturelles. Seule une transition vers un modèle plus durable nous permettra de concilier nos exigences de confort et notre éthique. Pour moi l’écologie n’est pas enfermée dans une série de politiques sectorielles, c’est même tout le contraire. Notre ministère regroupe toutes les administrations en charge des infrastructures, ce qui est une façon de considérer que le territoire ou la biodiversité sont des infrastructures. Pour faire du logement, vous avez besoin de consommer du territoire, pour faire du transport, vous créez des discontinuités environnementales. Auparavant, il y avait de perpétuelles bagarres entre l’environnement, les transports, le logement et ça se terminait en arbitrage à Matignon. Le ministre de l’environnement avait très peu de pouvoir. Aujourd’hui, le fait d’avoir fusionné les trois nous donne les moyens de mener des vraies politiques de fond, en diminuant les tensions entre les différents secteurs pour avancer dans le même sens.

 

Pouvez-vous nous citer quelques mesures phares de votre action ?

N.K.-M. - Quand je relance le dispositif d’accession à la propriété avec la rénovation du prêt à taux zéro + (PTZ+), je m’organise pour que toutes les politiques convergent. Le PTZ+ est sous conditionnalité environnementale, vous pouvez obtenir plus d’argent si vous achetez meilleure qualité environnementale. C’est un dispositif qui marche très bien, il permet d’aider les familles qui en ont le plus besoin dans des zones tendues. D’autant qu’en achetant de la bonne qualité environnementale, on a moins de charges qu’avec des logements de mauvaise qualité énergétique. Je suis heureuse également que l’on fasse avancer tous les dispositifs d’étiquetage environnemental. Ils nous permettent d’aider les consommateurs à choisir de manière cohérente avec leurs exigences éthiques, tout en valorisant les circuits courts et une production de qualité. Dans les années 1990, les étiquettes énergétiques pour les produits d’électroménagers ont complètement chamboulé le marché. Les appareils étaient notés de A à G, ceux qui ont obtenu E, F et G ont disparu de la vente, et on a été obligé de créer la catégorie A+ voire A++.  On vient de commencer un test d’affichage environnemental qui va durer un an sur plusieurs centaines de produits de grande consommation, pour choisir le support et le type d’informations les mieux adaptés en faisant participer le consommateur. A terme, l’idée est d’avoir une généralisation sur toutes sortes de produits en France et en Europe.

 

Que va apporter le plan national d’adaptation au changement climatique ?

N.K.-M. - On essaie de se mobiliser au maximum pour lutter contre le changement climatique dont on ne sait pas encore quel en sera l’ampleur, et pour y préparer les français.  La France est parmi les très bons élèves avec l’Europe même s’il y a une disparité à l’intérieur du continent, mais on a beaucoup de mal à entraîner la communauté internationale. Ce changement qui est en cours aura pour conséquences une multiplication d’événements extrêmes avec une augmentation des risques naturels de toutes sortes, une baisse de la disponibilité en eau, une modification des aires de répartition géographique de certains types de végétaux, d’animaux, de maladies, mais aussi des modifications importantes pour l’agriculture sur les possibilités des territoires et des variétés à cultiver. C’est un plan très vaste sans catastrophisme mais avec responsabilité comprenant de nombreuses mesures, comme celles sur l’aménagement de l’urbanisme côtier face aux prévisions de montée des eaux, pour éviter de nouveaux Xynthia.

 

Quelle est la position de la France sur le nucléaire après Fukushima ?

N.K.-M. - En matière d’énergie, la France a 3 piliers sur lesquels elle s’appuie et qu’elle est en train de conforter : La sureté nucléaire, qui n’est pas négociable et ne doit pas être soumise à des contingences financières. Le Premier Ministre a lancé après Fukushima un audit de toutes nos installations, et aucune décision ne sera prise notamment sur Fessenheim avant son rendu en novembre. Parallèlement, plusieurs dizaines de millions d’euros seront investis sur la recherche en matière de sureté nucléaire. Le 2ème pilier est l’efficacité énergétique, nous travaillons actuellement pour l’augmenter de plus de 20% à l’horizon de 2020. Le 3ème étant les énergies renouvelables, que nous voulons développer sans abandonner le nucléaire qui restera majoritaire et durablement installé dans le bouquet énergétique mondial, il suffit de regarder ce que préparent l’Inde et la Chine

 

Justement où en est la France avec les énergies renouvelables et de manière plus générale sur l’environnement est-elle un bon élève ?

N.K.-M. - Sur l’éolien offshore, comme c’est tout nouveau pour nous on veut tout de suite aller vers la création d’un point industriel. Par contre sur le photovoltaïque, il y a eu un premier dispositif de soutien trop tiré par des bas prix et orienté vers des technologies standard, qui amenait à l’importation de produits. Grenelle doit rimer avec création d’emploi. Je viens de lancer les appels d’offre pour l’éolien offshore et le photovoltaïque, en organisant ces dispositifs afin d’avoir une vraie politique industrielle en France et créer de l’emploi sur notre territoire. En 2020, on aura 5% de notre facture d’électricité en photovoltaïque et 3% en éolien offshore. Ces énergies renouvelables coûtent plus cher aujourd’hui que l’énergie nucléaire, pour les lancer, on fait peser une contribution sur la facture d’électricité. La légitimité de cette politique passe par la création de filières industrielles en France, et non par l’importation de panneaux chinois.

La France est bonne sur son émission moyenne en CO2 par habitant, ses politiques de protection de l’environnement et de prévention des risques naturels. On va prendre de l’avance sur l’éolien offshore, on est en phase de rattrapage sur la méthanisation, sur les déchets en matière de tri et de recyclage. Pour la gestion de l’eau, nous avons un dispositif d’organisation par bassin avec les agences de l’eau qui a été copié en Europe, ce qui ne veut pas dire que tout va bien dans ce domaine, la fuite des réseaux d’eau potable est un gâchis scandaleux.

 

Où en sont les relations entre le monde environnemental et le monde agricole ?

N.K.-M. – Avec mon collègue Bruno Lemaire, nous avons beaucoup de sujets communs, notamment des sujets de fonds comme avoir un urbanisme suffisamment dense pour préserver la terre agricole en zone périurbaine, garder des continuités écologiques qui permettent d’éviter les inondations récurrentes de terres agricoles en cas de catastrophe naturelle, mais aussi les produits phytosanitaires et les pratiques agricoles. Le Grenelle a aidé à surmonter un certain nombre de barrières entre les deux mondes, ce qui ne veut pas dire que tout est idéal mais il y a des points importants de convergence : La préservation de la terre agricole, on fait très attention par exemple pour le photovoltaïque à utiliser des friches industrielles, des anciennes carrières et pas de terres agricoles. Les cycles courts pour favoriser des produits nationaux de qualité, pas forcément bio, notamment dans les collectivités. Du côté des pratiques, le monde agricole est beaucoup plus sensibilisé aujourd’hui aux questions de santé environnementale. Enfin concernant les problèmes, comme celui des algues vertes, on les résoudra ensemble. Il est dommage que l’on ait laissé se développer un modèle agricole qui n’est pas tenable sur la durée dans un certain nombre de baies fermées, où la concentration de nitrates aboutit automatiquement aux algues vertes. On a en ce moment des dispositifs pilotes sur 8 baies, qui commencent à donner des résultats.

 

Faut-il être plus radical dans les mesures, notamment celles concernant la circulation en ville ?

N.K.-M. - Une politique environnementale bouscule forcément des intérêts, des habitudes mais chacun sait de plus en plus les limites, les contraintes, les impasses dans lesquels on est. Même si on râle on sait qu’il faut le faire et on demande à être bousculé. On a lancé dans le Grenelle un dispositif de restriction de circulation des voitures les plus anciennes dans les centres-villes, c’est loin d’être gagné. Pourtant plusieurs capitales européennes l’ont mis en œuvre et c’est le seul moyen de réduire les émissions de particules si nocives pour la santé en ville. Notre ministère passe beaucoup de temps à concerter tous les acteurs, c’est le principe du Grenelle, plus on change les choses plus on doit être à l’écoute.

 

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La discrète

Publié le par michelmonsay

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Nommée à la tête de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles le 31 août dernier, Catherine Pégard veut prouver par son travail, ses qualités et sa passion pour la culture qu’elle n’est pas là par hasard. Cette ancienne journaliste politique qui a fait carrière au Point durant 25 ans et qui a été conseillère de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, ne manque pas d’ambition pour le château de Versailles en voulant le rendre encore plus grand et plus beau.

 

Dès le départ, Catherine Pégard insiste sur la réalité multiple du château de Versailles, que l’on a tendance à voir comme une entité historique : « Nous ne sommes ni dans un musée ordinaire, ni dans une résidence royale ordinaire, ni dans des jardins ordinaires, ni dans un opéra ordinaire mais il s’agit bien ici de l’addition de tous ces lieux uniques. » Son emploi du temps se décompose de telle manière à ne négliger aucun de ces domaines, mais avec l’arrivée des beaux jours, son regard se déplace un peu plus vers l’extérieur. Notamment avec la reprise des grandes eaux dans le parc ou la restauration d’un bosquet en prévoyant un échéancier à cet effet, tout en s’occupant parallèlement des collections du musée, et des acquisitions à faire pour continuer à remeubler le château.

Depuis 6 mois qu’elle est entrée en fonction pour un mandat de 5 ans, la présidente peut s’appuyer pour l’aider à prendre les bonnes décisions sur près de 1000 personnes qui travaillent sur l’ensemble du domaine, y compris les saisonniers, avec quel que soit le métier exercé, une passion et une connaissance des lieux très précieuses : « On est ici dans un livre d’Histoire où l’on apprend sans cesse avec modestie au contact de tous ces gens dévoués à Versailles. »

 

Continuer à faire rêver

La résonnance de Versailles dans le monde entier, Catherine Pégard la mesure à chacun de ses déplacements que ce soit au Japon, aux Etats-Unis, en Chine ou au Qatar. Ces voyages ont pour but d’entretenir et de renforcer le mécénat, mais aussi mettre en place des partenariats avec le jardin impérial de Tokyo notamment, ou peut-être prochainement avec le palais d’été de Pékin. Cette réputation, la maîtresse des lieux peut s’en rendre compte quotidiennement en découvrant par la fenêtre de son bureau, un public toujours aussi nombreux venu s’émerveiller devant la démesure et la beauté de Versailles.

L’ambition de la nouvelle présidente est d’aller plus loin dans la relation entre le présent et le passé, pour valoriser les 787 ha du domaine et les 188 894 m² de surface de plancher dans toute leur diversité : « C’est faire connaître aux 6,5 millions de visiteurs que nous recevons chaque année, venus pour voir la galerie des Glaces et les appartements royaux, qu’il y a beaucoup d’autres choses à découvrir. C’est transmettre le goût de Versailles aux enfants en développant davantage la visite par Internet. C’est aussi approfondir la relation entre le patrimoine historique et l’art contemporain, sans qu’il y ait confrontation mais plutôt un lien entre les deux.» Catherine Pégard continuera comme ses deux prédécesseurs d’inviter des artistes à exposer dans le château et le parc, mais ils devront avoir une vraie légitimité à le faire.

 

L’épanouissement d’une passion en sommeil

Diriger cette institution qui représente une partie de l’identité de la France partout dans le monde, est à la fois un honneur pour Catherine Pégard et une chance extraordinaire dans sa vie, de transformer ce qui était jusqu’à présent un goût en travail. Nicolas Sarkozy qui la connaît depuis très longtemps, a estimé qu’elle pourrait être à la hauteur de cette tâche et l’a nommée à la tête de Versailles le 31 août 2011. Cette nomination qui a fait couler beaucoup d’encre, l’intéressée n’a pas voulu la commenter ni à l’époque ni aujourd’hui, mais dès le départ elle s’est sentie en mesure de remplir la mission qu’on lui confiait : « Tout ce que j’ai fait dans la partie qui n’était pas forcément visible de ma vie, était lié à ce que représente Versailles. » Ce goût pour la culture, l’histoire et la musique, peu le lui connaissaient tant elle s’était investie dans le domaine politique. Cela a commencé par le journalisme, son rêve d’enfant qu’elle concrétise brillamment en démarrant au Quotidien de Paris aux côtés de Philippe Tesson, qui lui conseille de choisir la politique, rubrique phare des journaux de la fin des années 70. Elle se passionne pour ce domaine qu’elle suivra durant les 30 ans de sa carrière dans la presse.

Cette presse justement, elle l’a retrouvée face à elle en janvier dernier lors de la première conférence de sa présidence, qu’elle a organisée dans une salle en travaux afin de bien montrer que sous les ors, Versailles est un chantier permanent pour demeurer ce qu’il est : « Ma mission est que le château soit accessible au plus grand nombre, et soit encore plus beau et plus grand en ouvrant de nouvelles pièces que l’on aura remeublées. »

 

Dans l’antichambre du pouvoir

Dès son élection en mai 2007, Nicolas Sarkozy propose à Catherine Pégard de travailler à ses côtés comme conseillère politique. Il apprécie chez elle sa grande expérience journalistique dans le domaine et son indépendance d’esprit. De plus elle n’appartient pas au sérail qui entoure le nouveau président, et lui apporte de ce fait un regard différent. Durant 4 ans, elle contribue ainsi à mettre en valeur l’action du président auprès d’un auditoire politique et culturel plus large et pas forcément acquis à sa cause. Ce travail dans l’ombre, à l’inverse d’autres conseillers, Catherine Pégard de par sa nature l’a effectué dans la plus grande discrétion autant à l’égard du président que de ces interlocuteurs, leur apportant ainsi un gage de confiance.

Après avoir été observatrice du monde politique en tant que journaliste, son séjour au cœur de l’Elysée lui a révélé une réalité quelque peu différente : « Vous vous apercevez que le journalisme s’apparente davantage à de l’impressionnisme, et lorsque vous êtes au contact du pouvoir, tout à coup les couleurs sont plus vives. Le souci de l’intérêt général est beaucoup plus grand que ce que l’on a coutume par facilité de dire, et la violence de la politique vous paraît beaucoup plus aiguë. »

 

La construction d’une réputation

Sa carrière dans la presse a eu essentiellement pour cadre l’hebdomadaire Le Point, où de simple journaliste politique en 1982 lorsqu’elle intègre la rédaction, elle deviendra chef du service politique et éditorialiste. Elle a conscience avec le recul d’avoir exercé son métier dans les meilleures conditions possibles durant 25 ans au sein de ce magazine. Pour cela, cette femme curieuse, passionnée et ayant une grande capacité d’écoute, n’a pas ménagé sa peine dans un travail quotidien au fil des années, où elle a su construire un important réseau de relations de confiance qui lui ont servi jusqu’à aujourd’hui. Elle considère Le Point comme un exemple de réussite rare, et revendique une certaine fierté pour la rubrique politique qu’elle a dirigée.

 

Des fondements fondamentaux

Cette normande très attachée au Havre jusqu’à la mort de ses parents, se rappelle d’une enfance très heureuse dans sa ville natale, où elle retournait toujours avec bonheur : « Avoir des attaches provinciales donne un socle important et permet de garder les pieds sur terre. Le fait d’être allée au Havre très régulièrement alors que je m’occupais de politique au Point, me permettait d’avoir un recul et une vision plus pondérée des événements. » A 57 ans, Catherine Pégard va tout faire durant les 4 prochaines années pour mener à bien sa mission à Versailles, et pour le reste, comme dirait son maître Claude Imbert journaliste cofondateur du Point: « La vie invente. Elle a inventé pour moi comme il me l’a dit lorsque j’ai quitté le magazine pour l’Elysée, puis une nouvelle fois quand j’ai été nommée à Versailles, et je pense qu’elle inventera encore. »

 

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« La démocratie n’est pas l’état naturel des sociétés, c’est une construction »

Publié le par michelmonsay

Hubert Védrine 006

Cette interview réalisée le 31 mars 2011 montre si besoin est, la lucidité d'analyse d'Hubert Védrine.

 

 

Sans doute, l’un des tous meilleurs ministres des affaires étrangères de la Ve République, Hubert Védrine proche de François Mitterrand, dont il a été entre autre Secrétaire général de l’Elysée, reste à 63 ans au cœur de la géopolitique. Ce remarquable acteur et observateur des relations internationales, décrypte ce début d’année pas comme les autres.

 

Que faites-vous depuis que vous n’êtes plus Ministre des affaires étrangères ?

Hubert Védrine - En 2002, après la fin du gouvernement Jospin, j’ai créé une société de conseil spécialisé dans l’analyse des risques géopolitiques. Je travaille pour des grandes entreprises françaises en leur apportant des éléments d’appréciation sur l’évolution notamment de la Chine, de l’Inde, de la Russie ou des pays arabes aujourd’hui avec ce mouvement de révolte démocratique. Le reste de mon temps est réparti entre la présidence de l’institut François Mitterrand, les cours que je donne à Sciences-Po, l’écriture de livres, beaucoup de colloques dans le monde entier et les différentes sollicitations médiatiques. Il n’y a pas de ma part, le moindre retrait par rapport aux échéances politiques importantes, où tout reste ouvert. J’ai gardé tous mes contacts et je passe mon temps à parler politique étrangère, industrielle ou européenne pour la France, mais je ne m’exprime jamais sur la vie politicienne.

 

Comment analysez-vous la décision d’intervenir en Libye au niveau international et au niveau français ?

H.V. - Face au risque d’un vrai massacre à Benghazi par les forces de Kadhafi, j’ai trouvé important qu’il y ait eu une réaction internationale pas seulement occidentale, aboutissant au vote par le conseil de sécurité, de l’emploi légal de la force. Il est très rare que l’on parvienne à ce type d’accord où il faut au moins 9 voix et aucun veto, la guerre en Irak de Bush ne l’avait pas obtenu. Ce vote très important a été possible grâce au rejet de Kadhafi par l’ensemble des pays arabes mêmes les plus autoritaires. Mais aussi par la position de la ligue arabe demandant une zone d’exclusion aérienne, ce qui a convaincu Obama, dissuadé les russes et les chinois de mettre leur veto comme ils le font habituellement, et a donné un débouché à l’action française menée depuis le début par Sarkozy et très bien conduite ensuite par Juppé. Sans être de leur famille, je n’hésite pas à dire que leur politique a été courageuse et bonne dans cette affaire. Même si on peut penser que par cette crise et la présidence du G20, Nicolas Sarkozy essaie de redorer son blason, à l’image de tous les autres dirigeants politiques, c’est inhérent à la fonction.

Tous ces critères constituent une spécificité de la situation libyenne, ce n’est pas un tournant dans les relations internationales qui en aucun cas ne seront fondés à l’avenir uniquement sur les droits de l’homme. Il s’agit ici de responsabilité de protéger une population, et non un droit d’ingérence qui intervient en dehors du droit international en étant proche de la colonisation. L’intervention met tous les régimes autoritaires sous pression et il est fort probable que d’ici 5 ans, ils soient modifiés d’une façon ou d’une autre.

 

Que pouvez-vous dire de la situation aujourd’hui et comment voyez la suite autant en Libye, qu’en Tunisie et en Egypte ?

H.V. - Kadhafi peut tomber assez vite comme il peut s’enkyster quelques semaines en fonction de sa résistance militaire, mais il n’a plus d’avenir, les sanctions et les défections se multiplient. Les seuls soutiens qu’il lui reste sont des pays africains qu’il subventionne ou qui ont peur de lui. Après, la situation sera forcément chaotique. Pour bâtir une Libye moderne et démocratique, ils partent de zéro. On ne passe pas du despotisme à la démocratie. La démocratie n’est pas l’état naturel des sociétés, c’est une construction. D’ailleurs dans nos pays européens, alors même que nous adorons donner des leçons à la terre entière, cela a été parfois très compliqué. L’intervention de la coalition ne veut pas dire que l’on devient maître du destin de la Libye. Toutes ces révoltes sont des révoltes arabes démarrées par des arabes qui ont pris des vrais risques, à commencer par les jeunes tunisiens. Ils ont enclenché un processus considérable qui va durer des années et face à quoi il faut se positionner le moins mal possible.

Aussi bien en Tunisie, qu’en Egypte et même au Maroc où le roi a annoncé des réformes importantes, un débat est lancé pour savoir quelle doit être la nouvelle constitution, et mettre en place des élections. Sans connaître le rapport de forces qui n’a jamais été mesuré jusque-là, notamment avec les partis islamistes. Aucun expert du monde arabe ne s’attend à une vague islamiste à l’iranienne, qui avait pris par surprise à la chute du Shah d’Iran. Cependant, il peut y avoir un leader islamique malin qui arrive en tête si les démocrates se tirent dans les pattes. Pour éviter cela, la date des élections a été repoussée en Egypte afin que les partis aient le temps de s’organiser.

 

Que pensez-vous du problème des immigrants qui affluent vers l’Europe, et plus globalement des débats et déclarations de M. Sarkozy sur des sujets sensibles ?

H.V. - Il ne faut pas instrumentaliser le sujet ni exploiter la peur des gens, mais on ne peut pas dire que l’immigration est une chance pour l’Europe si elle n’est pas contrôlée, régulée et si on n’est pas capable d’intégrer les gens. Il ne s’agit pas de savoir si on aime les autres ou si on les déteste. Si l’immigration est brutale et massive, c’est entièrement déstabilisant. Il faudrait trouver un consensus en Europe et avec les pays du Maghreb et d’Afrique pour une cogestion des mouvements migratoires. Par ailleurs, il faut préserver le droit d’asile, qui est fondamental, et ne pas le mélanger par bon sentiment avec les migrations économiques.

Le niveau élevé des mouvements populistes en Europe y compris le FN, est en partie dû au fait que trop de débats ont été interdits. La mondialisation étant très perturbante, il est normal que les pays se posent des questions d’identité. On doit pouvoir aborder tous les sujets mais pas n’importe comment. Avec humanisme, sagesse, pédagogie et non de manière pyromane en excitant tout le monde, et surtout pas en période préélectorale en lançant les débats artificiellement à des fins politiciennes. Le calcul électoral de Nicolas Sarkozy, consistant à jongler avec certains thèmes, a marché en 2007 mais ne prend plus aujourd’hui malgré ses déclarations provocatrices. Les électeurs du FN sont une armée de gens perdus, désespérés que la machinerie démocratique ne serve plus à rien. Si on leur dit, vous êtes des salauds nauséabonds, les problèmes dont vous parlez n’existent pas, ils sont encore plus furieux et montent dans les sondages. Il faut essayer de les convaincre sur le fond et non par des manœuvres politiciennes.

 

Quelles réflexions vous inspirent l’Europe ?

H.V. - En Europe, les gouvernants de gauche comme de droite n’arrivent pas à convaincre les gens qu’ils ont des réponses à leurs problèmes. Au contraire, ils donnent le sentiment de n’avoir prise sur rien depuis l’abandon des souverainetés, qui ont d’ailleurs été récupérées par les marchés et non par la Commission de Bruxelles, ce qui favorise un vote extrémiste. On attend de l’Europe des choses imaginaires, illusoires, et la façon dont on raconte sa construction est trop angélique alors que cela a été laborieux. D’un autre côté, on regarde le monde extérieur avec des larmes de crocodile mais on est content d’être chez soi. Les sociétés européennes sont les moins dures de l’histoire de l’humanité, même s’il y a mille choses à perfectionner.

Le gouvernement de la zone euro doit rester démocratique et pas être abandonné à la banque centrale ou à la Commission. Par ailleurs, il ne faut pas appliquer simplement une politique de rigueur à l’allemande, on doit assainir les finances publiques, mais moins vite et avec une dimension de croissance. L’Europe doit mieux défendre ses intérêts, notamment face à la Chine et la Russie.

 

Que vous inspire le drame japonais et que préconisez-vous en matière nucléaire ?

H.V. - A la fois l’incroyable dignité de ce peuple mais aussi l’incroyable mauvais management de l’électricien japonais Tepco, qui a laissé des centrales anciennes, mal conçues et posant déjà des problèmes, sur des zones de failles au bord de la mer, dans un pays où il y a régulièrement des tsunamis.

Pour le nucléaire, on est incapable de s’en passer durant plusieurs dizaines d’années. Il ne faut pas mentir aux gens, si l’on veut en sortir avant, cela conduira à une relance importante des énergies non renouvelables et donc plus aucune chance d’atteindre les objectifs écologiques européens. Il faut réunir les conditions pour sortir du nucléaire le moment venu, en favorisant les économies d’énergie, notamment en réaménageant 95% des bâtiments du monde entier, et en développant les éoliennes, le solaire, … Entre-temps, les centrales d’un modèle dépassé doivent être fermées et remplacées par autre chose, et pour plus de sécurité, les pays vont arriver à la conclusion qu’il vaut mieux des systèmes super sécurisés même s’ils sont atrocement chers. Parallèlement, on doit créer une instance mondiale qui ait des pouvoirs d’inspection absolus auxquels personne ne puisse s’opposer, avec la possibilité d’arrêter une centrale dangereuse le cas échéant.

 

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« L’ignorance de l’ailleurs, de l’autre et de sa société engendre la peur »

Publié le par michelmonsay

Jean-Robert Pitte 010 

Homme aux nombreuses casquettes, Jean-Robert Pitte a été nommé par le Premier Ministre en juin 2010 pour améliorer le système d’orientation sur les formations et l’emploi. Cet académicien de 62 ans, ancien président de la Sorbonne, ardent défenseur de la gastronomie, est également président de la société de géographie et de la mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA).

 

A quoi sert la délégation à l’information et à l’orientation ?

Jean-Robert Pitte - Dans un paysage de l’orientation qui est très labyrinthique, notre mission est de permettre à tous nos compatriotes de trouver plus facilement l’information utile pour eux et l’aide à l’orientation. Si on est collégien ou lycéen décrocheur, étudiant en échec, demandeur d’emploi depuis un certain temps, on a besoin d’être aidé et aujourd’hui c’est très compliqué de trouver la bonne personne au bon endroit. On a accumulé comme un mille-feuille les organismes, et il y a actuellement 8500 lieux d’accueil pour l’information et l’orientation. À l’échelle de chaque bassin de vie, on essaie  d’avoir une coopération entre les différents organismes sous le label « Orientation pour tous », de manière à ce que lorsque les gens poussent la porte de n’importe lequel d’entre eux, on s’occupe réellement d’eux. Parallèlement, on est en train de mettre en place un numéro de téléphone gratuit et un site Internet. La philosophie derrière tout cela est d’essayer de supprimer cette hiérarchie absurde entre les métiers nobles et les autres. Le proverbe « Il n’y a pas de sot métier » n’est pas appliqué dans notre pays. D’ailleurs le mot « orientation » a une connotation plutôt négative, il intervient souvent pour les élèves en échec. Il faut faire connaître les métiers le plus tôt possible aux jeunes, y compris ceux de l’agriculture qui ne sont pas bien connus et ont encore une image un peu plouc, exceptées quelques niches comme la viticulture.

 

Quels constats faites-vous sur le monde du travail et celui de la formation ?

J.-R.P. - La moitié des français trouvent que leur travail n’est pas intéressant ou trop dur ou qu’il y a trop de pression ou qu’ils sont mal payés. Cela tient à un métier choisi par défaut, une formation choisie par défaut, et le fait qu’en France on se forme très peu en alternance. Il faut réconcilier le monde de l’école et celui de l’entreprise. Il commence à y avoir des mesures comme le parcours de découverte des métiers et des formations dans les collèges et lycées, mais il faut aller plus loin et plus vite. Tous les étudiants de l’enseignement supérieur devraient avoir une partie de leur formation en stage, en vue d’acquérir d’autres compétences que la discipline choisie. De même dans les PME, il faut mieux faire connaître tous les systèmes de formation continue et de validation des acquis de l’expérience.

Dans le monde de la formation que je connais bien, étant universitaire, il est très difficile de faire bouger les lignes. La réforme des universités est une grande réussite du gouvernement mais elle n’est pas allée assez loin. L’université reste encore trop sous la tutelle de l’Etat avec 95% de son financement. Il faudrait que les universités soient présidées par quelqu’un d’extérieur qui ne soit pas enseignant de la maison, pour avoir un vrai projet d’établissement. L’éducation nationale et plus encore le secteur orientation sont étouffés par le corporatisme. Du côté des entreprises, il faudrait mieux cibler les besoins, et faire de la prospective pour savoir quels sont les secteurs d’avenir.

 

Quels premiers remèdes proposeriez-vous contre l’échec scolaire et le chômage élevé ?

J.-R.P. – Déjà, il est à constater que les parents ne sont pas assez impliqués dans l’éducation de leurs enfants pour le secteur public. Il faut plus d’autonomie des établissements et une relation enseignants, enfant et parents qui doit être beaucoup plus forte. Concernant les demandeurs d’emploi, je suis contre une exagération de l’assistanat. C’est allé si loin qu’un certain nombre de gens profite du système et que parallèlement, il y a des secteurs entiers de l’emploi pour lesquels les entreprises ne trouvent pas d’employés. Des secteurs comme le bâtiment ou les métiers de bouche,  sont certes un peu durs mais on peut y gagner de l’argent, s’épanouir, voire créer son entreprise. Trop d’assistanat tue l’économie. Il faudrait pousser un peu les chômeurs vers l’emploi au lieu de les laisser dans l’attente de l’emploi idéal, qui souvent ne vient jamais.

 

Quel est votre regard sur la restauration universitaire et plus globalement collective ?

J.-R.P. – J’ai rendu un rapport à la Ministre de l’enseignement supérieur il y a près de 2 ans élaboré avec Jean-Pierre Coffe, sur la restauration universitaire. On y  montrait qu’à partir d’expériences de bonnes pratiques un peu partout en France, on peut arriver à faire de la bonne cuisine dans les restos universitaires malgré un coût très faible de 5 € par repas. Un certain nombre de chefs font un travail admirable d’approvisionnement local, et réactif lorsqu’il y a abondance d’un produit sur le marché avec un prix à la baisse. J’aimerai ouvrir une école de formation à destination des chefs de la restauration collective, pour leur montrer que l’on n’est pas obligé de faire de la cuisine d’assemblage avec des produis surgelés qui n’ont aucun intérêt gustatif, mais plutôt privilégier l’approvisionnement local. Cette dégradation existe aussi dans certains cafés restaurants notamment dans les lieux touristiques, mais il y a heureusement quelques initiatives intéressantes comme la mode bistrotière avec des chefs qui cuisinent des produits frais et de saison.

 

Comment voyez-vous l’avenir de la profession agricole ?

J.-R.P. - L’avenir de l’agriculture française est dans la qualité reconnaissable, pas dans des produits semblables à ceux venant de Californie, Israël et autres. Le temps des subventions permettant de produire à perte est fini, aujourd’hui un agriculteur doit trouver un modèle économique qui lui permette de vivre. Beaucoup de viticulteurs se sont pris en charge, ils mettent eux-mêmes leur vin en bouteille, participent à des salons, se créent un portefeuille de clients particuliers et s’en sortent plutôt bien. Quand je rencontre des agriculteurs en difficulté, je leur conseille de sortir de leur secteur si celui-ci n’a pas d’avenir et de profiter des aides pour la reconversion. Ou bien de diversifier leurs productions ou leurs activités notamment en se tournant vers le tourisme, la pluriactivité dans le monde rural est fondamentale. Il y a des zones magnifiques dans certaines régions où il n’y a pas de structures d’accueil. Par ailleurs, la grande distribution a pris la main sur tout le commerce. Il faut aujourd’hui éduquer le consommateur à faire des achats locaux et de saison, développer les AMAP, du coup la grande distribution s’adaptera. Les agriculteurs doivent faire des efforts de commercialisation de leur production, localement et pour l’exportation.

 

Où en est la gastronomie française aujourd’hui ?

J.-R.P. - Il y a un an, l’Unesco inscrivait le repas gastronomique des français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La MFPCA que je préside a porté ce dossier avec l’appui de l’Etat, et travaille maintenant à la création de la cité de la gastronomie. Celle-ci sera la vitrine du patrimoine gastronomique français, on pourra y apprendre, s’amuser, goûter, et avoir une représentation des métiers de toute la filière, de la production jusqu’à la mise en œuvre culinaire. Aujourd’hui la gastronomie a deux visages, un qui est flamboyant avec les grands chefs même s’il y a un bémol avec la mode de la gastronomie déstructurée, et l’autre bien plus inquiétant avec beaucoup de français qui ne font plus la cuisine et mangent très mal si ce n’est le week-end. Pour y remédier, il faut commencer dès l’école avec des repas de bonne qualité et un discours autour de ses repas, il y a déjà de nombreuses expériences formidables qui vont dans ce sens. On peut voir aussi de l’espoir dans le petit déjeuner servi chez McDonalds avec de la baguette fraîche, du beurre et de la confiture.

 

Comment le géographe que vous êtes voit-il la mondialisation et la crise que traverse l’Europe ?

J.-R.P. - Le savoir géographique est indispensable à toute activité, il permet de comprendre et connaître les réalités environnementales, physiques et humaines de la planète. Ceux qui redoutent la mondialisation aujourd’hui n’ont pas de culture géographique. L’ignorance de l’ailleurs, de l’autre et de sa société engendre la peur. L’avenir de l’économie est dans le renforcement des productions matérielles et intellectuelles à coloration géographique, et non pas en produisant tous la même chose. Concernant la crise, 95% des français ne savent pas ce qu’il y a derrière. On a laissé des techniciens de l’argent en liberté sans aucun contrôle politique. Il faut combattre aujourd’hui l’importance qu’a prise la finance virtuelle et non pas la finance en général. Je pense que la crise va renforcer l’Europe, et d’ailleurs un sondage montre que 73% des français veulent aller plus vite vers une Europe fédérale. Cela s’explique tant sur le plan économique que politique. La France s’enferme dans son modèle qu’elle juge excellent, alors qu’il y a plein d’idées à prendre à côté.

 

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Un esthète à l’univers poétique

Publié le par michelmonsay

Kenzo 003 

Le grand créateur japonais Kenzo a fait rêver durant 30 ans, hommes et femmes du monde entier avec son style coloré, fleuri et gai, mélange de cultures, qui a bouleversé la mode des années 70 et inspiré de nombreux couturiers. Reconverti aujourd’hui dans la peinture, il répond encore assez souvent à des sollicitations de créations dans la mode et la décoration.

 

Cela fait déjà 12 ans que Kenzo Takada n’est plus à la tête de la marque qu’il a créée en 1970. Il continue à un rythme plus serein d’exprimer son talent sous différentes formes à travers des collaborations ponctuelles. Comme la décoration intérieure et les uniformes qu’il vient de réaliser pour le nouvel hôtel Sofitel à l’île Maurice, ou la collection de vêtements et accessoires pour la marque de sports de glisse Longboard. Il a également créé une collection de foulards au Japon, dessiné une boite pour Sushi Shop et suite au drame japonais, pour la même enseigne, un badge dont les bénéfices sont versés à la Croix-Rouge afin d’aider les sinistrés. Maintenant qu’il n’est plus dans le tourbillon des collections qui s’enchaînent et des créations de toutes sortes pour la marque Kenzo, il peut s’adonner plus facilement à sa passion des voyages.

Cela étant, le principal de son activité aujourd’hui est la peinture, qui a pris en quelque sorte le relais de la couture pour laisser libre cours à son génie créatif. En 2010, il a exposé à Paris, 8 autoportraits en magnifiques costumes de théâtre nô. Auparavant il y a eu Munich, Marrakech et Casablanca où il a peint des scènes orientalistes, Buenos Aires, peut-être prochainement Stockholm, avec chaque fois l’envie d’aborder un thème différent.

 

Un tournant délicat

Après avoir vendu la société Kenzo au groupe LVMH en 1993, Kenzo Takada continue d’être le créateur de la marque jusqu’à la fin 1999. Il profite ensuite d’avoir enfin du temps à lui pour parcourir le monde, mais au bout de trois ans le travail lui manque. Il lance alors une nouvelle ligne de vêtements et d’éléments de décoration sous le nom de Gokan Kobo avant de l’intituler Takada. Cette aventure s’arrête malheureusement en 2007 par une liquidation judiciaire, alors qu’il s’est beaucoup investi, à cause du problème de l’utilisation de son nom et de la défaillance d’un partenaire financier.

Reste aujourd’hui cette sensation bizarre de voir son nom sur des vêtements et autres accessoires qui ne sont pas de lui, d’autant que beaucoup de gens partout dans le monde pensent encore qu’il est toujours le créateur des nouvelles collections Kenzo. S’il reconnaît le beau développement de la marque côté parfums, il n’apprécie pas toujours le prêt-à-porter.

 

Naissance japonaise d’une passion

Outre le pin’s pour Sushi Shop, la grande danseuse Sylvie Guillem lui a demandé de dessiner l’affiche du gala de charité qu’elle a initié pour les sinistrés de la catastrophe japonaise, qui s’est tenu le 6 avril 2011 à Paris avec de prestigieux artistes. Kenzo Takada qui a dit un texte en ouverture de la soirée, a été très touché par cette mobilisation. Il est ensuite retourné 15 jours au Japon, comme il le fait deux à trois fois par an depuis 46 ans qu’il vit à Paris. Avant de rejoindre la capitale de la mode en 1965, la passion du jeune Kenzo nait à travers son goût prononcé pour le dessin, les magazines de mode qu’il empreinte à ses deux sœurs, et l’élégance de sa mère qui tient une maison de thé. Il fréquente les bancs de l’université de Kobe durant six mois, et apprend que l’école de mode de Tokyo ouvre pour la première fois ses portes à des garçons. Contre l’avis de ses parents, il part seul pour la capitale japonaise avec finalement l’aide financière de sa mère.

Après 3 ans d’étude, il commence à travailler dans la mode à Tokyo. Cela se passe bien, mais 4 ans plus tard il doit quitter son appartement à cause des Jeux olympiques en échange d’une belle somme d’argent. Il en profite pour réaliser son rêve et quitter pour la première fois le Japon pour aller à Paris : « Sur le conseil de mon professeur, j’y suis venu par bateau. Le voyage a duré un mois et a été formidable, avec des escales de deux jours à Hong-Kong, Saigon, Bombay, Djibouti, Alexandrie où les gens étaient encore à l’époque en costume traditionnel. »

 

A la conquête de la capitale de la mode

Tous ces enchantements qui le marquent durablement, sont refroidis par la grisaille de l’hiver parisien qui accueille Kenzo Takada en ce 1er janvier 1965 à la gare de Lyon, pour démarrer l’une des plus belles pages de la mode. L’adaptation est difficile pour ce japonais qui ne parle pas français, ne connaît personne et dont les habitudes alimentaires sont bien différentes. Au bout de 5 mois, il montre des croquis à Louis Féraud qui les achète, collabore avec le magazine Elle et se fait engager par des bureaux de style.

Puis en 1970, il créé sa première collection féminine avec pour nom Jungle Jap et ouvre une boutique dans le passage Vivienne. Il affirme dès le départ une identité forte constituée d’un mélange de tradition japonaise, de costumes ethniques venant de plusieurs pays et une touche occidentale. Le tout étant décontracté, gai, très coloré, et avec des imprimés fleuris. Le style Kenzo révolutionne les années 70, va inspirer de nombreux créateurs et ouvrir la voie à des couturiers japonais. L’insouciance de cette époque sans trop d’argent ni la pression qu’il aura ensuite, permet à Kenzo Takada de se réinventer à chaque collection sans avoir peur et sans être trop sérieux pour son plus grand bonheur.

 

Au cœur de la création

Avec les années 80, la marque prend toute sa dimension et atteint les sommets de la mode, d’autant qu’en 1983 Kenzo lance sa première collection pour hommes, élégante mais un peu décontractée, qui rencontre un vrai succès. Il nous explique son processus de création : « Quand il s’agit de créer des vêtements féminins, je ne pense pas à une personne en particulier, c’est plutôt un fantasme. Si je veux faire une collection un peu japonisante, je commence par dessiner une tête japonaise et après ça vient tout seul. De même pour des vêtements d’inspiration africaine, je dessine une tète africaine et ça suit. Pour les hommes, c’est plus facile et direct, je pense à moi ou à un ami. » Quant à l’inspiration, elle est diverse : « Les voyages, comme au Rajasthan en Inde où les couleurs et les formes sont tellement belles, les vieux films, les expositions de peinture, ou tout simplement dans la rue quand je croise quelqu’un de très élégant ou au contraire pas du tout, cela peut m’inspirer. » Il ne prend jamais de notes, ni de photos, tout est dans sa tête et ressort au moment de la création du dessin et de la construction du vêtement, soit sur un patron à plat soit sur un mannequin.

 

Succès sur toute la ligne

A toutes les étapes de l’élaboration d’un modèle, il retrouve chaque fois la même émotion et le même plaisir, y compris lors de l’apothéose du défilé quand tout se passe bien. Cet exercice, où le couturier est souvent tendu, après l’avoir envisagé très spontané au début, devient après quelques années beaucoup plus élaboré avec une mise en scène très innovante. Comme le défilé sous un chapiteau de cirque où Kenzo est venu saluer sur un éléphant, ou celui de ses adieux en 1999 au Zénith de Paris, immense spectacle retraçant ses 30 ans de carrière. Il s’est toujours senti plus à l’aise dans le prêt-à-porter que dans la haute couture où tout est minutieux, en étant conscient de ce qu’est la fabrication des vêtements en usine, et en utilisant des tissus de qualité mais pas trop chers, pour rester accessible au plus grand nombre possible.

Parmi les nombreuses cordes que Kenzo ajoute à son arc au fil des années, avec la décoration maison, les bijoux, et de nombreux accessoires, il y a les parfums qui voient le jour à partir de 1988 et deviennent rapidement une immense réussite qui ne s’est jamais démentie depuis. Il s’investit beaucoup au début dans le choix des senteurs, l’élaboration du flacon et du packaging.

 

La constance du bon goût

Ce grand collectionneur d’art qui avait il y a 4 ans encore une fabuleuse maison japonaise de 1100 m² dans Paris près de Bastille, et qui habite aujourd’hui un superbe appartement de la rive gauche, a toujours eu le sens inné du bon goût. Cela paraît autant évident quand on découvre son environnement personnel, qu’à travers les milliers de modèles qu’il a créés tout au long de sa carrière et dans les différentes activités annexes qui ont enrichi la marque Kenzo. A 73 ans, il n’a plus envie de prendre de risques ni avoir de responsabilités, mais plutôt continuer à jouer le touche à tout en apportant sa patte géniale et reconnaissable entre toutes, à des collections occasionnelles dans la mode et la décoration. Sans oublier la peinture, dont l’accueil favorable réservé à ses toiles est le miroir de l’amour que continue à lui porter une très large famille d’inconditionnels dans le monde entier.

 

Publié dans Portraits

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Au cœur d’un triomphe sans précédent

Publié le par michelmonsay

 

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Un des acteurs majeurs du phénoménal succès de The Artist, Ludovic Bource, a reçu 24 récompenses pour la musique qu’il a composée, dont l’Oscar, le César et le Golden Globe. Du jamais vu dans sa catégorie, à l’image du raz de marée que le film a opéré dans les différentes remises de prix du cinéma à travers le monde, avec 131 récompenses. A l’occasion de la sortie en DVD, retour sur cette aventure hors normes qu’a vécue l’équipe du film.

 

Comment analysez-vous l’impressionnante collection de récompenses obtenues par le film ?

Ludovic Bource - Les gens ont été sincèrement touchés par le romantisme du film, l’élégance, la retenue, l’absence de violence, la simplicité qui s’en dégagent. C’est souvent ce qui ressort des témoignages de membres des différentes académies cinématographiques qui nous ont décerné des prix, ils ont reçu le film comme une sorte de bouffée d’air. Il faut dire qu’un film muet en noir et blanc, c’était plutôt inattendu. Il y a aussi peut-être ce côté cyclique de crise économique, l’histoire qui se passe au moment du krach boursier de 1929, participe à un phénomène d’air du temps avec les mêmes problématiques. Le réalisateur a mis toutes ses tripes dans ce projet de film muet en noir et blanc qui lui tenait à cœur depuis 10 ans. De plus comme il est fidèle, l’équipe a été quasiment la même pour ses 3 derniers films, et chacun dans son domaine, de Jean Dujardin et Bérénice Béjo à tous les techniciens, a voulu aller encore plus loin, se donner totalement.

 

La musique du film a été incroyablement plébiscitée, comment l’avez-vous conçue ?

L.B. - Il est vrai que c’est la 1ère fois qu’un compositeur français obtient toutes les récompenses majeures du cinéma mondial pour un même film. Pourtant ma musique est simple, pas virtuose comme celle de John Williams qui concourrait aussi pour les Oscars. Comme il n’y avait pas de dialogues et pour que le film soit prêt pour le festival de Cannes, j’ai travaillé sans repères en amont, uniquement sur le story-board avec les dessins du réalisateur qui précisaient les axes de caméra, les expressions des comédiens, les différentes situations. Autant  pour la 1ère partie où l’humour est très présent, j’ai assez facilement trouvé les thèmes musicaux qui habillent la star du muet jouée par Jean Dujardin. Pour la seconde, c’était un peu plus délicat, il fallait trouver le ton juste en étant sobre limite naïf. Je me suis inspiré d’un poème de Hans Schmidt mis en musique par Brahms, pour accompagner le déclin de la star avec une certaine élégance, un romantisme. Il y a aussi dans le film un hommage au jazz de Cole Porter et au music-hall. J’ai eu la liberté de pouvoir mélanger les genres à ma guise. Il est sûr que l’absence de dialogues, de bruitage, met la musique au premier plan.

 

Comment l’ensemble de l’équipe a vécu cette folle année ?

L.B. - Cette aventure nous a rapprochés et nous sommes restés soudés tout au long de la promotion du film et des nombreuses soirées de récompenses. Cela a commencé en mai 2011 à Cannes jusqu’au voyage au Japon il y a quelques jours où le film vient de sortir. Michel Hazanavicius le réalisateur, qui est quelqu’un de pudique, s’est ouvert un peu grâce à cette année incroyable. Au-delà de la notoriété et des projets qui pourraient en découler notamment aux Etats-Unis, tout cela nous a donné de la confiance, ça nous rend tous un peu plus fort. On a été dans une sorte d’euphorie permanente durant toute cette campagne, et on commence aujourd’hui à réaliser ce qui s’est passé. Quand je regarde les statuettes sur mon piano, je me dis que c’est quand même gonflé d’avoir eu tout ça.

 

Quelles récupérations engendrées par ce triomphe vous viennent à l’esprit ?

L.B. - Déjà pour les journalistes, la manière dont ils manipulent et réinterprètent les choses, dont ils considèrent les gens, et je ne fais pas de généralités en disant cela, ce sont des faits constatés à Los Angeles pour les Oscars, où ils se sont livrés une véritable guerre pour savoir qui aurait l’équipe du film en premier. Côté politiques, Nicolas Sarkozy nous avait invités à déjeuner à l’Elysée pour célébrer le film, Michel Hazanavicius ayant décrété qu’on irait ensuite voir François Hollande, le déjeuner a été annulé. Etant plutôt de gauche et comme nous sommes en période électorale, il ne voulait pas que The Artist soit récupéré par le candidat Sarkozy.

 

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La vie rocambolesque d’un médecin provincial

Publié le par michelmonsay

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Cette remarquable plongée dans l’Ouest américain d’aujourd’hui, on la doit à cet écrivain de 72 ans, Thomas McGuane, ami de Jim Harrison et qui tout au long de ses romans a dépeint comme nul autre pareil les grands espaces, les petites villes perdues et les habitants qui les peuplent. Un médecin à Livingston dans le Montana revient par petites touches sur sa vie et les personnes importantes qui l’ont jalonnée, dans un récit d’une réjouissante truculence teinté d’une certaine mélancolie. L’auteur croque avec humour toute une galerie de personnages plus vrais que nature, mais il sonde aussi très finement les solitudes, les arrangements avec la vie de tous ces êtres plus ou moins heureux. Le parcours accidenté de ce médecin quelque peu lunaire et naïf mais dont le diagnostique est respecté, comporte en son centre une vie sentimentale qui n’est pas banale et un amour inconditionnel de la nature. Un roman que l’on dévore avec gourmandise autant pour l’histoire très attachante de son héros, que pour la peinture en relief de cette Amérique provinciale qui ne va pas si bien que ça.                                                                                                                      

 

Sur les jantes – Un roman de Thomas McGuane – Christian Bourgois éditeur – 495 pages – 23 €. 

 

Publié dans Livres

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