Bruxelles, un mur
On pouvait s’en douter mais en le lisant cela paraît une évidence, le nouveau roman du prix Nobel de littérature Toni Morrison, est l’un des événements majeurs de cette rentrée littéraire. A 81 ans, la grande écrivaine n’en est qu’à son 10ème roman mais la qualité et la puissance de son œuvre lui ont apporté une reconnaissance mondiale. Ce petit livre, d’une rare concision pour son auteur, par une écriture remarquable, émouvante, juste, contient toute la force narrative, la poésie de Toni Morrison, et un témoignage capital de la réalité noire dans l’Amérique des années 1950. L’histoire se situe au lendemain de la guerre de Corée, avec en toile de fond la ségrégation, le racisme ordinaire et brutal de l’Amérique profonde. Ce même pays qui n’hésitait pas à envoyer à la guerre des jeunes noirs défendre au péril de leur vie les couleurs de cette belle Amérique. L’un d’eux revient traumatisé par ce qu’il a vécu là-bas, d’autant que ses deux meilleurs amis y sont morts. Ce jeune homme de 24 ans intervient régulièrement et de manière assez courte à la 1ère personne tout au long du roman, pour nous livrer intimement des moments forts de sa vie. Il commence en se rappelant une scène de son enfance, où cachés avec sa sœur de 4 ans sa cadette dans les hautes herbes de leur Géorgie natale, ils se sont émerveillés devant de superbes chevaux, et l’instant d’après ont vu des hommes balancer le corps d’un noir dans une fosse et l’ensevelir. Puis l’auteur entame une narration au présent, alors que le jeune homme s’apprête à s’évader d’un hôpital psychiatrique, pour partir secourir sa sœur gravement malade à l’autre bout des Etats-Unis. Entre présent et passé nous est contée l’histoire terrible et attachante de ces deux jeunes noirs, quelque part symboles de tout un peuple, avec le talent impressionnant de Toni Morrison que l’on espère fécond le plus longtemps possible.
Home – Un roman de Toni Morrison – Christian Bourgois éditeur – 153 pages – 17 €.
En cette rentrée, j'ai décidé de mettre également en avant mon travail de photographe en publiant régulièrement des clichés sur ce blog.
Pour ceux que cela intéresse, un large aperçu de mon travail est visible sur :
www.michelmonsay.com
Pour commencer, une photo prise à Noirmoutier :
Interview réalisée dans le cadre d'un dossier sur les femmes
Première femme à avoir traversé l’Atlantique puis le Pacifique à la rame, mais aussi à avoir accompli un tour du monde à la voile en solitaire à contrecourant, Maud Fontenoy s’est reconvertie naturellement dans la préservation de l’élément qu’elle connaît si bien. Sa fondation qu’elle a créée en 2008, alerte, sensibilise, transmet autour de la nécessité de protéger les océans.
Quel a été votre parcours en quelques mots pour parvenir à votre activité ?
Maud Fontenoy - Ce qui m’amène aujourd’hui à essayer de sauvegarder les océans, est le fait que je les connais bien pour avoir passé dessus plus de temps que sur terre. Je suis partie en mer avec ma famille alors que j’avais à peine une semaine. Durant mon enfance j’ai toujours habité sur un bateau et appris à aimer les océans, que j’ai parcouru ensuite dans le cadre de mes aventures. Il m’est apparu naturel de m’engager dans la protection du grand bleu mais aussi dans l’éducation et la sensibilisation de la jeune génération.
Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ?
M.F. - Les femmes sont peu nombreuses dans le milieu maritime. Comme mes aventures étaient des premières féminines, que ce soit à la rame dans l’Atlantique Nord puis dans le Pacifique et à la voile pour le tour du monde à contrecourant, elles m’ont permis de prouver que ce n’était pas qu’une question de gros bras mais de volonté et de détermination. En tant que femme, on est plus regardée et attendue au tournant, parfois un peu caricaturée. Pendant mon tour du monde, comme j’étais sponsorisée par L’Oréal, je disais que je m’épilais les jambes en mer et mettais de la crème antirides, ce qui a beaucoup fait rire les marins. Cela ne m’a pas empêché lorsque j’ai démâté de réparer mon mât et de réussir à boucler mon tour du monde. C’est sûr que l’on ne nous attend pas là, et pour trouver des sponsors lors de ma première traversée à la rame alors qu’aucune femme ne l’avait fait et que l’on s’attendait à voir arriver un gros gabarit, il m’a fallu redoubler d’arguments convaincants.
Que demande-t-on de plus ou de différent à une femme, dans les milieux où vous êtes ?
M.F. - On se dit qu’une femme a moins de chances de réussir ces aventures en mer vu sa morphologie, et on va lui demander d’être rassurante quant à ses performances physiques. Au fur et à mesure, on parvient à démontrer qu’il y a aussi l’organisation et la gestion de l’aventure qui sont très importantes. On adapte également un peu les bateaux à sa taille, même si pour mon tour du monde le mien faisait 26 mètres, 30 tonnes, avec un mât de 32 mètres de haut, et qu’il n’était pas franchement adapté à mon gabarit.
Dans la sauvegarde de l’environnement, on rencontre autant de femmes que d’hommes, mais il y a quand même une sensibilité très féminine pour tout ce qui touche cette cause. Les femmes, en gérant davantage les enfants, leur nourriture, leur santé, se sentent énormément concernées.
Quelles sont vos plus grandes satisfactions en tant que femme ?
M.F. - J’ai été très fière de réaliser ces 3 premières féminines, et voir par l’abondant courrier que j’ai reçu comment toute une génération de femmes a été portée par mes aventures, qui leur ont donné beaucoup d’énergie pour croire en elles et en leurs projets. Aujourd’hui, ma satisfaction au quotidien est d’arriver à consacrer du temps à mon petit garçon autant qu’aux autres. Je suis également heureuse de voir que le travail de ma fondation porte ses fruits, avec des enfants de plus en plus sensibilisés par les programmes éducatifs que l’on met en place.
Comment percevez-vous le métier d‘agricultrice et son évolution ?
M.F. - A l’image de celui de marin pêcheur, c’est un métier physiquement dur où l’on s’attend à voir plus des hommes que des femmes, un métier de l’ombre qui n’est pas assez valorisé et pourtant Dieu sait comme il est difficile. C’est un merveilleux métier que de produire quelque chose qui va nourrir d’autres humains.
Les femmes aujourd’hui sont agricultrices au même titre que les hommes, elles gèrent les exploitations aussi bien, ont la force physique pour le faire et sont respectées. J’espère aussi que l’agriculture saura se développer en préservant l’environnement.
Après avoir été porte-parole de Ségolène Royal, en 2007 et pour les primaires socialistes de 2011, Najat Vallaud-Belkacem le devient pour François Hollande durant la campagne présidentielle, et aujourd’hui pour le Gouvernement, dont elle est la benjamine à près de 35 ans. Tout comme l’appétence qu’elle a montrée pour la fonction de porte-parole, on la sent totalement déterminée à faire évoluer les droits des femmes, dont le Président lui a confié le Ministère.
Pourquoi François Hollande a recréé ce Ministère ?
Najat Vallaud-Belkacem - Depuis 1986, il n’y avait plus de Ministère des droits des femmes de plein exercice, alors qu’il est indispensable pour prendre à bras le corps un certain nombre de sujets qui sinon ne sont pas traités. Mon objectif est de conscientiser la société sur le fait que contrairement à une idée reçue, les inégalités entre les femmes et les hommes existent et se sont même creusées. D’un point de vue professionnel, avec des écarts de rémunération en moyenne de 27%, un développement du temps partiel subit et de secteurs d’activités où les femmes sont très présentes, avec des conditions de travail et de rémunération particulièrement difficiles. Nous avons aussi perdu du terrain sur le droit des femmes à disposer de leur corps, avec la fermeture de 150 centres d’accueil IVG ces 10 dernières années. Sur la question des violences faites aux femmes, les moyens ne sont pas là pour mettre en œuvre la très bonne loi adoptée en 2010 sur une initiative partagée entre la gauche et la droite, en particulier pour accompagner les femmes qui cherchent à se sortir des violences conjugales.
Comment allez-vous travailler ?
N.V.-B. - Le retour de ce Ministère permet de remettre la focale sur ces sujets, avec un travail dans la transversalité avec l’ensemble des ministères, qui permet d’avoir des moyens et d’impliquer les acteurs dans la proximité. Comme par exemple former les magistrats et les policiers à la spécificité des violences conjugales. Pour être efficace sur tous ces sujets, je ressuscite le comité interministériel aux droits des femmes qui n’avait plus fonctionné depuis 12 ans, et qui se réunira en octobre sous la présidence du Premier Ministre, pour voir comment nous pouvons dans tous les domaines faire avancer les droits des femmes.
Nous avons la chance d’avoir un Président et un Premier Ministre qui sont convaincus du sujet, et ne se bercent pas d’illusions sur la soi-disant égalité entre les hommes et les femmes. Cette illusion est très présente dans la société et elle est l’un des freins contre lesquels il faut se battre le plus souvent.
Quelles sont les principales mesures que vous souhaitez mettre en œuvre rapidement ?
N.V.-B. - La conférence sociale des 9 et 10 juillet a mis l’accent sur la nécessité d’être plus efficace dans les dispositifs de sanctions, à l’égard des grandes entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle. Nous souhaitons également accompagner les PME dans la mise en œuvre de cette égalité. Comme elles n’ont pas les moyens dont disposent les grandes entreprises pour expérimenter des pratiques innovantes, nous les aideront à s’approprier ces pratiques. Nous allons créer à l’automne un observatoire national des violences, chargé d’étudier et connaître les faits. L’inexistence d’études perpétue le silence et donc le tabou autour de ce phénomène, et n’incite pas les femmes à parler. L’observatoire aura aussi pour mission de prévenir, d’accompagner, de proposer des politiques publiques, de généraliser des expérimentations qui marchent. Tout cela en lien avec les collectivités locales, c’est un sujet que l’on traite beaucoup dans la proximité. Nous travaillons avec la Ministre des affaires sociales et de la santé, pour mettre en place un accès équilibré sur l’ensemble du territoire à un service IVG, et sur la question de la contraception des mineures.
Les sujets du harcèlement sexuel et de la prostitution vous tiennent aussi particulièrement à cœur ?
N.V.-B. - Sur le harcèlement sexuel, il y avait un vide juridique et nous venons de faire adopter au Parlement un projet de loi. Ce nouveau texte est beaucoup plus protecteur, il définit de manière plus précise et plus large les faits de harcèlement, qui sont beaucoup plus nombreux que l’on pourrait le croire, certaines études parlent de 300 000 par an. Désormais, le harcèlement sexuel sera puni de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Aujourd’hui, 80% des personnes en situation de prostitution sont victimes de la traite, des réseaux et sont étrangères. Notre rôle est de trouver comment protéger ces personnes, comment prévenir leur entrée en prostitution, comment les aider à en sortir et trouver un emploi. Nous devons poursuivre le travail de réflexion sur tous les angles de ce sujet, pour réduire le nombre de portes d’entrée dans la prostitution. Il faut améliorer la prévention en termes d’information, d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires, et d’éducation au respect entre les garçons et les filles.
Quelle est la situation des femmes dans le monde agricole ?
N.V.-B. - On a le sentiment d’une mutation ces dernières années, jusqu’alors les femmes d’agriculteur élevaient les enfants, géraient les tâches domestiques, aujourd’hui elles sont davantage l’alter ego des hommes dans la conduite de l’exploitation, voire la pilotent elle-même. Durant la conférence sociale, nous avons évoqué la problématique des retraites extrêmement faibles dans le secteur agricole, en particulier pour les épouses d’agriculteur dont beaucoup sont en situation de grande pauvreté. Nous voulons travailler sur la formation professionnelle et en particulier l’enseignement agricole afin d’améliorer certains sujets, notamment pour les jeunes filles. J’ai un déplacement en ce sens au mois de septembre en Aquitaine et en Limousin. Même si le monde agricole a des codes particuliers, on y retrouve pour les femmes, les difficultés que l’on connaît dans le reste de la société.
Comment jugez-vous votre rôle de Porte-parole du Gouvernement et les premiers mois du nouvel exécutif ?
N.V.-B. - C’est un exercice d’exactitude où lorsqu’on n’a pas l’information précise, on préfère ne pas répondre sans que ce soit de la langue de bois. Cela demande un énorme travail en amont pour se tenir informé de tous les dossiers de l’ensemble des ministères. Contrairement à la fonction de porte-parole de campagne, il n’y a pas de place au lyrisme, à l’interprétation personnelle, au sens de la formule, on se doit d’être très précis.
Le collectif budgétaire que l’on est en train d’adopter découle de l’ardoise que nous a laissée le précédent gouvernement, avec la nécessité de remettre de la justice dans les contributions des français à l’effort collectif, et en même temps faire face à toutes les dépenses non budgétées par nos prédécesseurs. Les engagements annoncés par François Hollande pour les trois premiers mois ont été respectés. Confronté à une situation difficile, notamment avec les plans sociaux, le gouvernement démontre à la fois une capacité à répondre à l’urgence avec des mesures comme le plan automobile, et à s’inscrire dans la durée avec la conférence sociale et des concertations sur différents sujets importants. Nous ne sommes pas là pour gérer à la petite semaine mais pour réformer structurellement le pays.
On parle de rentrée sociale difficile, d’efforts à venir, quels sont les projets du Gouvernement sur ces sujets ?
N.V.-B. - Nous voulons mettre fin à une anomalie du précédent mandat qui consistait à faire payer moins ceux qui avaient le plus, avec le bouclier fiscal et la réforme du barème de l’ISF. Il faut remettre de la justice dans le système fiscal, lutter contre la fraude et l’exil fiscal pour récupérer un certain nombre de recettes. Egalement, réfléchir en termes de dépenses pertinentes sur des secteurs stratégiques comme l’industrie, en soutenant l’innovation, la recherche, la technologie, et en luttant contre les délocalisations pour donner des bases plus saines à notre économie, relancer la croissance et l’emploi. Il faut toujours lier cette réflexion à ce que fait François Hollande au niveau européen.
L’abrogation de la TVA sociale a indiqué la voie que souhaite prendre le Président pour épargner les classes moyennes et populaires, en leur redonnant du pouvoir d’achat. Par ailleurs, une réflexion a été lancée pour savoir comment garantir la pérennité de notre système social. Concernant les entreprises en difficulté, la tonalité du débat a changé puisque nous essayons de remettre autour de la table systématiquement tous les acteurs concernés, pour envisager toutes les solutions possibles. Parfois, il faudra imposer la reprise par un repreneur viable, c’était une proposition de loi de François Hollande alors qu’il était dans l’opposition, nous allons l’adopter.
Depuis plusieurs années, Vincent Lindon est au sommet de son art. Il incarne ses personnages avec une justesse sidérante et a le bon goût de choisir ses films en faisant un quasi sans-faute. Cet homme bouillonnant au jeu physique et instinctif, aime les gens et s’en inspire par mimétisme pour toucher la vérité du métier de comédien. A 53 ans avec plus de 50 films à son actif, il est, chose assez rare, autant apprécié du public que de la critique et de la profession.
A l’affiche du plus beau film de la rentrée, « Quelques heures de printemps » , Vincent Lindon dont c’est la deuxième collaboration avec le réalisateur Stéphane Brizé après « Mademoiselle Chambon », a littéralement adoré à la fois le travail avec ce cinéaste et les deux scénarios qu’il lui a proposés. Si à la lecture d’une histoire, ce comédien instinctif rêve d’être le personnage, il acceptera le rôle, aucun autre critère ne compte : « Je ne choisis pas un film parce qu’il est engagé, a un rapport avec l’actualité, ou va me permettre d’être un acteur civique qui défend une cause. Cela dit, tous les grands films que ce soit des comédies ou des drames ont une résonnance sociologique. Pour qu’un film dure et entre dans la mémoire des gens, il ne doit pas être qu’une histoire, il doit aussi parler d’eux. »
Il se trouve que dans son dernier film il est question de la fin de vie, problème qui revient sur le devant de la scène avec la réflexion que vient de lancer le Président Hollande sur le sujet. Qu’un film soit rattrapé ou provoque l’actualité et que l’on en parle ailleurs que dans les pages cinéma, Vincent Lindon ne le recherche pas au début mais il en est ravi si cela arrive. Comme pour « Welcome » avec les immigrés clandestins de Calais. Il n’aime pas les classifications qui différencient un cinéma d’auteur d’un cinéma populaire, selon lui un film peut être les deux à la fois et il ne veut surtout pas être enfermé dans l’un ou l’autre.
Sa conception du métier
Même s’il ne souhaite pas trop parler de sa manière d’aborder un rôle, de s’approprier un personnage, il livre quelques pistes : « Si je cherche à expliquer comment je fais, je vais en devenir conscient et y perdre quelque chose. Je peux seulement dire que je regarde énormément les gens, leur façon de bouger, de parler, comment ils mettent leurs chaussures, retroussent les manches de leur chemise, tournent leur café, comment ils mangent. C’est ça qui m’intéresse et je pense que c’est là où sont les personnages, le reste est de la philosophie.» Lui qui vient d’une famille très bourgeoise, il n’est attiré que par des personnages appartenant aux classes moyennes ou des ruraux : « J’aime leur façon de vivre, d’être pudique avec leurs sentiments. » Etre acteur n’est pas un état mais juste un métier pour Vincent Lindon, et de ce fait il ne se sent pas supérieur aux autres et reste très abordable. Il aime faire des courses au supermarché, prendre le train, boire des coups au café avec des gens, avoir une vie de monsieur tout le monde.
Son jeu physique, qui utilise un incroyable mimétisme, s’épure avec le temps. Il essaie de plus en plus de remplacer une phrase par un regard, une réaction, une émotion, un silence. D’ailleurs, une dame croisée dans la rue lui a dit : « J’adore comment vous faites pour jouer en silence. »
L’incroyable absence de récompense
Depuis de nombreuses années, il est considéré comme l’un des tous meilleurs comédiens français et pourtant il n’a jamais obtenu de prix. A 35 ans, il l’analysait avec tristesse et aigreur, à 45 avec étonnement et aujourd’hui à 53 ans, avec philosophie et joie en se disant : « Pourvu que ça dure parce que ça commence à devenir très classe. Je préfère voir le titre du Parisien l’année dernière, « Vite un César pour Lindon », que de l’avoir. Pardon pour la comparaison mais Chaplin et Mitchum n’ont jamais eu l’Oscar, et Tom Hanks l’a eu deux fois. Ou bien en France, Montand, Ventura, Dewaere n’ont jamais eu de César, franchement ça a de la gueule de ne pas en avoir. » Il reconnaît cependant que des acteurs très talentueux ont un César, mais ce côté très direct lorsqu’il a quelque chose à dire quel que soit son interlocuteur, caractérise assez bien celui que l’on compare souvent à Patrick Dewaere.
Cette liberté qu’il revendique haut et fort est son luxe à lui, pour cela il n’est propriétaire de rien, ni maison, ni appartement, ni bateau, ni piscine et n’a aucun crédit. Il peut ainsi ne pas tourner pendant un moment, choisir les films qu’il veut, refuser des grosses productions mais lorsqu’il s’engage, il a une règle : « Un film est une entreprise et comme mon père m’a toujours appris à être scrupuleux, je ne veux pas qu’un producteur ou un distributeur perde de l’argent dans une entreprise à laquelle j’ai participé amplement. »
Des grands films et des belles rencontres
Sur la cinquantaine de films tournés, Vincent Lindon a l’impression que depuis 1996 et « Fred » de Pierre Jolivet, il s’est passé quelque chose et de ce fait sa filmographie a pris une autre dimension, même si avant il conserve une tendresse pour « La crise » et « Gaspard et Robinson ». Il faut bien reconnaître que depuis une quinzaine d’années, on l’a adoré autant que lui a pris du plaisir à tourner dans Vendredi soir, Welcome, Mademoiselle Chambon, Ceux qui restent, Ma petite entreprise, Toutes nos envies ou son dernier qui sort en septembre, Quelques heures de printemps. Cette carrière de grande qualité signifie aussi pour lui de belles rencontres humaines : « Coline Serreau, Philippe Lioret, Benoit Jacquot, Alain Cavalier, Stéphane Brizé, pour n’en citer que 5. Avec eux, au-delà de l’aspect cinématographique, c’est une façon de se parler, une courtoisie sur le tournage avec les gens de l’équipe et une absence de familiarité qui me plaisent. »
Le théâtre se jouant au moment de la journée où Vincent Lindon aime flâner, boire des coups, refaire le monde, il préfère s’en passer. Cela dit, le cinéma le comble pleinement par sa richesse, sa mobilité où chaque jour est différent, et il ne comprend pas ceux qui disent que le cinéma est moins dangereux que le théâtre du fait que l’on puisse refaire une prise. Lui, dès que la caméra tourne, il est à fond pour donner le meilleur de lui-même.
Une découverte qui a tout changé
Pourtant le cinéma est arrivé par hasard dans sa vie, en s’inscrivant à 24 ans au cours Florent où il y avait des belles filles, il ne pensait pas qu’il allait avoir le coup de foudre pour ce métier. L’adolescent avait rêvé d’être médecin, avocat ou haut gradé dans la police pour mener des enquêtes. Il garde un mauvais souvenir de son enfance jusqu’à 14 ans, avec plusieurs souffrances comme le divorce de ses parents, l’apparition de ses tics. Ensuite, cela s’est amélioré peu à peu et depuis l’âge de 20 ans, cet homme angoissé par la mort adore la vie tout en étant conscient de son caractère bouillonnant : « C’est vivant, ça bouge, ça circule à l’intérieur, je me sens comme le lapin Duracell, je fais marcher mon cerveau en permanence parfois pour des conneries, souvent même, j’ouvre ma gueule tout le temps pour dire ce que je pense y compris quand ça ne me regarde pas, et je suis souvent en colère. »
La presse people qui a régulièrement rendu compte de ses relations, il s’en moque éperdument et leur intente des procès pour le respect du droit à la vie privée et à l’image, et surtout pour qu’on lui fiche la paix.
Des valeurs saines
Nostalgique de la génération précédent la sienne, il n’apprécie que très moyennement notre époque : « Plein d’électrons se heurtent au sens de mes valeurs. » Il ne supporte pas les gens qui passent leur temps plongé dans leur téléphone mobile avec Twitter et Facebook notamment. Il revendique plus de civilité, d’humilité, d’attention aux autres. Lorsqu’il ne tourne pas, Vincent Lindon ne s’ennuie jamais, il aime passer du temps avec ses amis, s’occuper de ses enfants, courir, nager, jouer à la pétanque, regarder des films tard.
Sans plan de carrière même si elle évolue idéalement, il ne pense pas à l’avenir si ce n’est à continuer de découvrir des histoires qui déclenchent en lui l’étincelle : « Je n’ai jamais su vers où je voulais aller, je regarde souvent derrière pour voir si j’ai avancé, mais jamais devant. La définition de l’art est que l’on ne tombe jamais pile là où on l’avait décidé, ou alors on n’a pas fait de l’art. Si jamais demain, aucune proposition ne me plaît pendant 3 ans, j’arrête le cinéma et j’ouvre un restaurant. Je n’accepterai pas un film pour manger. Je ne galvauderai pas ce que j’ai fait avec autant de passion et de précision. »