Suivez la flèche ...
Originaire du Nebraska, le cinéaste américain de 53 ans, Alexander Payne, revient une nouvelle fois sur ses terres après une escapade à Hawaï avec George Clooney pour « The descendants », son précédent film. Il pose ici un regard à la fois drôle et cruel sur une population taiseuse et un territoire rural en perte de vitesse et plutôt austère. Les comédiens sont plus vrais que nature dans cette peinture réaliste d’une Amérique que l’on ne montre quasiment jamais, bien loin d’Hollywood et de New-York. En tête de distribution, l’acteur Bruce Dern a été récompensé par le Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes, pour sa composition nuancée évitant la caricature, d’un vieux bougon alcoolique poursuivant une chimère. Comme souvent chez le réalisateur, les rapports au sein d’une famille ont une part importante, d’autant que les dialogues savoureux entre rire et émotion en alimentent ici l’intérêt. Alexander Payne a eu la très bonne idée de filmer cette histoire cocasse aux teintes mélancoliques dans un très beau noir et blanc qui lui sied parfaitement. Un septuagénaire marche au bord d’une route importante en périphérie de la ville de Billings dans le Montana, avant de se faire interpeller par la police. Lorsque son fils cadet vient le chercher au poste, on apprend que le vieil homme avait l’intention d’aller à pied dans le Nebraska, soit 1500 km, pour toucher 1 million de dollars qu’il pense avoir gagné à un tirage au sort par correspondance. Après que l’on ait fait connaissance avec sa femme, qui n’a pas la langue dans sa poche, et son fils ainé, présentateur du JT local, on s’aperçoit rapidement que notre homme n’a pas l’intention d’abandonner son idée. Ce très beau film, totalement en dehors des modes, se révèle empreint d’humanité tout en étant par moments assez féroce, à la fois dans la relation entre le père et le fils et dans ce coup de projecteur sur des américains pas très engageants.
Nebraska – Un film d’Alexander Payne avec Bruce Dern, Will Forte, June Squibb, Bob Odenkirk, …
Assez peu connu du grand public, ce romancier et dramaturge de 60 ans est pourtant très apprécié de la critique depuis de nombreuses années, ainsi que d’un lectorat en constante progression. Dans son treizième roman, assez court, comme toujours chez cet auteur qui cultive la parcimonie et le sens de l’épure avec virtuosité, il installe rapidement une atmosphère doucement anxiogène qui va s’épaissir au fil des pages. Entre roman noir et polar à la Simenon avec une pointe d’ironie sous-jacente, le style d’Yves Ravey fait de phrases simples et le plus souvent de petits chapitres, impressionne par sa capacité à nous emmener dans des directions imprévues, et à nous révéler sans crier gare la vraie nature des personnages. Derrière le narrateur et protagoniste principal de cette intrigante histoire, qui nous apparaît comme un ami généreux et bienveillant, se dévoile progressivement une sorte d’antihéros combinard mais attachant. La force de ce roman se trouve également dans ses détails, que l’écrivain aime parsemer pour nourrir l’énigme et semer de fausses pistes, mais aussi pour laisser parfois entrevoir les surprenants événements à venir. Un homme arrive au chevet de son meilleur ami, victime d’une mine antipersonnel en Afrique et que l’on a rapatrié à l’hôpital de Montauban, pour le veiller les trois derniers jours qu’il lui reste à vivre. Le mourant lui révèle l’existence de sa fille dont il a perdu la trace, qui a été internée en asile psychiatrique et de ce fait a perdu la garde de son fils après son divorce. Notre homme promet à son ami de la retrouver et de veiller sur elle, sans en imaginer les conséquences. Avec une écriture d’une limpidité rare, Yves Ravey a construit un thriller très original et plutôt glauque, proche de certains films de Chabrol, que l’on dévore en ne sachant absolument pas ce qu’il nous réserve, le rendant ainsi encore plus excitant.
La fille de mon meilleur ami – Un roman d’Yves Ravey – Les éditions de Minuit – 156 pages – 14 €.
Vice-présidente du Mouvement démocrate et secrétaire générale du Parti démocrate européen, Marielle de Sarnez est députée européenne depuis 1999 et brigue à 63 ans un 4ème mandat. Elle sera tête de liste en Ile-de-France pour l’Alternative, alliance de l’UDI et du Modem, aux élections européennes.
Quels sont vos ambitions pour l'Europe ?
Marielle de Sarnez - L’enjeu pour l’Europe, pour nos pays, est de défendre un modèle de société unique au monde. C’est par exemple le combat pour un modèle agricole fondé sur l’exploitation familiale. Ce modèle est aujourd’hui menacé mais sa défense ne peut se concevoir sans une Europe agricole solide et cohérente. C’est vrai aussi dans les domaines du commerce mondial. Il n’existe aucune autre chance d’y parvenir. Ceux qui prétendent le contraire nous entraînent vers les plus grands risques. Mais il y a une grande question : que l’Europe devienne compréhensible par les citoyens et démocratiquement accessible.
Que proposez-vous pour une gouvernance efficace et simplifiée, et la relance économique des États membres ?
M.d.S. - Pour nous cette question de la participation rendue enfin possible des citoyens à la décision européenne est la question clé. L’opacité de l’Europe provient d’abord de la complexité de ses institutions et du fait que ses dirigeants sont inconnus des citoyens. Que faut-il faire ? Exactement le contraire. L’idéal serait l’élection directe d’un ou des responsables de l’UE, mais au moins faut-il que le président de l’Union tienne son pouvoir d’un processus démocratique qui associe les parlements nationaux au parlement européen. Quant à la relance économique, il est très important que la zone € se dote d’une capacité de décision politique autonome, et qu’elle fixe comme objectif son harmonisation sociale et fiscale.
Quelle place pour l'Europe notamment agricole dans un monde avec 9 milliards de bouches à nourrir ?
M.d.S. - Il y a deux impératifs. Celui de la garantie de la sécurité alimentaire en termes quantitatifs et qualitatifs pour les peuples européens, et que l’Europe participe à une garantie d’alimentation pour l’ensemble des peuples de la planète. Nous avons la chance d’être parmi les pays qui ont les terres les plus fertiles et le savoir faire agricole le plus évolué. Nous ne devons reculer sur aucun de ces sujets : préservation attentive des surfaces agricoles et capacités techniques. Nous croyons fermement que notre modèle français d’exploitations à taille humaine nous met en situation de défendre ces objectifs : sécurité alimentaire, qualité des aliments et capacité exportatrice. Il existe une condition à sa défense et à son développement, que les productions agricoles soient enfin payées à leur juste prix.
Etes-vous favorable à la poursuite de l'élargissement et pourquoi ?
M.d.S. - Non. L’élargissement sans l’approfondissement que nous réclamions a en partie grippé l’Europe. Dans le domaine agricole par exemple nous avons laissé se développer les distorsions en termes environnementaux et sociaux. Il suffit de voir comment les différences de salaires entre Allemagne et France ont mis à mal toute la filière animale. Cela ne peut pas, et ne doit pas durer. Plutôt que de continuer d’élargir, il faut donc approfondir notre Union. Et faire converger nos systèmes fiscaux et sociaux, pour mettre fin aux dumpings.
Eléments biographiques
Engagée très jeune en politique pour soutenir la candidature de Valéry Giscard-d'Estaing à l’élection présidentielle de 1974, Marielle de Sarnez participe à la fondation de l’UDF en 1978. Elle a notamment travaillé auprès de Jean Lecanuet, Simone Veil et Raymond Barre. En 1989, elle est nommée secrétaire générale des États généraux de l'opposition puis devient l'adjointe du secrétaire général de l’UDF François Bayrou. Lorsque ce dernier devient ministre de l’Éducation nationale, elle assume la direction de son cabinet. Elle est l’auteur du Petit dictionnaire pour faire aimer l'Europe paru en 2009 aux éditions Grasset.
Originaires du fin fond de l’Angleterre où ils n’avaient rien d’autre à faire que de se concentrer sur leur musique de manière obsessionnelle, comme ils le disent, ces quatre jeunes garçons d’une vingtaine d’années sortent un premier album étonnant de maîtrise. Ils reprennent le flambeau de la période psychédélique de leurs illustres prédécesseurs les Beatles ou les Byrds, en y intégrant d’autres influences des années 1960-70, tout en donnant à l’ensemble un son très moderne. Ce ne sont pas les premiers à s’inspirer de manière aussi flagrante de cette période d’exploration musicale d’une grande richesse, mais ils le font avec un talent mélodique et rythmique qui pourrait laisser croire qu’ils en ont eux-mêmes inventé le courant. Tout au long des 12 morceaux ensorcelants de l’album, on guette une éventuelle lassitude mais on l’attendra en vain. Ces quatre lascars ont composé 12 petites merveilles d’une efficacité qui nous fait chavirer un peu plus à chaque écoute. La très belle voix du chanteur, les guitares affutées ou harmonieuses avec la fameuse 12 cordes au son carillonnant qui avait marqué la musique de cette époque, les enivrantes cascades de synthés, l’entêtante rythmique basse batterie, tout y est pour un magnifique voyage intersidéral. D’autant que la structure des morceaux est un modèle du genre, avec des refrains à l’incroyable précision et sens de la mélodie, des ruptures de rythmes ou des envolées au lyrisme ébouriffant. Il est bien connu qu’en musique, quelle que soit le genre, on n’invente jamais rien, même les plus grands ont toujours puisé leur inspiration chez des plus anciens. Nos quatre jeunes anglais l’ont bien compris et se sont servis d’un mix d’influences psychédéliques, pour nous offrir l’un des plus beaux albums de ces derniers mois.
Temples – Sun structures – Pias Cooperative – 1 CD : 14,99 €.
Après avoir été députée puis sénatrice de Seine et Marne, Nicole Bricq est depuis un peu moins de deux ans, Ministre du commerce extérieur. Rencontre avec cette charentaise de 66 ans à la volonté de fer, qui est la première VRP du « Made in France » à l’étranger.
Quel est le rôle de votre Ministère et quelle stratégie avez-vous mise en place ?
Nicole Bricq - Je porte la politique commerciale de la France au niveau de la Commission européenne et vis-à-vis de nos partenaires étrangers, en présidant pour certains pays le dialogue d’état à état afin de régler les difficultés. Comme récemment, lorsque j’ai reçu mon homologue chinois pour préparer la visite du Président XI Jinping en France et le forum économique que nous organisons. Je lui ai indiqué que nous devions résoudre à l’amiable la procédure antidumping contre les vins français menée par la Chine. C’est désormais chose faite. Quotidiennement, j’interviens afin de lever les blocages pour les entreprises françaises à l’étranger, et puis j’ai une action très concrète qui consiste à vendre nos produits et l’image de la France.
Afin de profiter de l’augmentation de la demande mondiale adressée à notre pays qui devrait être de 5% en 2014, j’ai structuré l’offre commerciale française en la décomposant en 4 familles : mieux communiquer, mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux vivre en ville. Il s’agit ensuite de vérifier qu’à l’intérieur de chaque famille nous avons une offre complète. Tel est le cas dans la famille alimentaire, où l’offre partant de la génétique jusqu’au produit dans l’assiette est excellente, avec un bémol sur les produits transformés. Voilà pourquoi lorsque je vais en Chine en janvier 2013, j’emmène dans ma délégation le président de la charcuterie française dans le but d’obtenir l’agrément sanitaire qui pourrait donner accès à un énorme marché. A la même époque avec le Ministre délégué à l’agroalimentaire, nous avons mis en place le comité Asie pour accroitre l’export dans cette région, et il y a deux mois, nous avons annoncé que 250 entreprises agroalimentaires bénéficieraient d’un accompagnement personnalisé à l’export.
Pourquoi la balance commerciale française est-elle dans le rouge depuis plus de 10 ans et quels secteurs se portent bien ?
N.B. - Nous avons un problème structurel et organisationnel. Nous ne sommes pas suffisamment montés en gamme et nos entreprises ont perdu en compétitivité. Mais nous avons une offre de qualité pour peu que nous sachions écouter la demande du client. Mon but est de réunir les entreprises d’une même famille pour les fédérer à l’étranger comme en France. Il faut appuyer sur les meilleures afin qu’elles avancent plus vite pour ne pas perdre les marchés, et donner ainsi aux autres le temps de se restructurer.
L’aéronautique avec un excédent de plus de 20 milliards d’euros est le premier poste du commerce extérieur, suivent les produits agricoles et agroalimentaires avec 11,5 milliards d’excédent puis la cosmétique, le luxe, la pharmacie. Tous ces secteurs d’excellence pourraient être encore meilleurs s’ils étaient présents dans les 47 pays où se concentre la croissance mondiale. Il faut cibler à la fois des marchés émergents et des marchés matures.
Quelle image notre pays doit donner, notamment à travers le « Made in France » ?
N.B. - Il faut que la France ait une image qui repose sur ce qu’elle sait faire : la recherche, la haute technologie, la créativité, la culture, le goût, la qualité. Notre image doit être en phase avec ce que l’on veut vendre. Parmi nos atouts, nous avons aussi l’assistance technique et la formation, que des pays nous demandent souvent pour améliorer leur main-d’œuvre, nous portons également des valeurs de responsabilité sociale et environnementale. Autrement dit, nous sommes capables d’apporter plus que notre savoir-faire. A noter que dans le « Made in France », il est beaucoup plus compliqué qu’avant d’avoir un produit entièrement fabriqué dans notre pays. Une voiture française par exemple a 40% d’importation, de même pour les composants d’un Airbus, mais ce qui compte c’est de garder en France la partie qui capte la valeur, c'est-à-dire la recherche, l’assemblage...
Que ressort-il du conseil de l’attractivité avec les grands patrons étrangers ?
N.B. – Ils veulent rester en France et nous ont tous dit : Nous avons besoin d’une France forte en Europe. D’autant que, compte tenu de la montée en puissance d’une dizaine de pays africains, nous représentons notamment pour les Etats-Unis et le Canada, la porte d’entrée vers l’Afrique. Pour garder les entreprises étrangères et en attirer d’autres, il faut simplifier. A cet effet, parmi les huit mesures qu’a annoncées le Président de la République, il y en quatre qui concernent directement mon ministère : la dématérialisation des démarches douanières à l’export comme à l’import pour accélérer le processus ; un seul document pour payer la TVA générale et celle liée à l’import, ce qui n’obligera plus les entreprises à une avance de trésorerie. Nous mettons également en place un « visa business » délivré en 48 heures pour les clients et les fournisseurs des entreprises françaises ou étrangères installées en France. Toutes ces mesures seront en vigueur au plus tard d’ici début 2015. Enfin, la fusion de nos deux agences, celle pour le développement international des entreprises (UBIFRANCE) et celle pour les investissements internationaux (AFII) devrait permettre une amélioration de la compétitivité de nos entreprises à l’export et de l’attractivité de la France.
Où en est le pacte de responsabilité ?
N.B. - Patronat et syndicats sont parvenus à un accord et ont fixé une feuille de route dans la mise en œuvre du pacte, avec des indicateurs de suivi par branches professionnelles. Ce pacte qui met dans le jeu les partenaires sociaux, à l’image du modèle allemand avec sa capacité de négocier, est une révolution culturelle. On sort d’une logique de conflit pour voir ce que l’on peut faire ensemble. La finalité est que les entreprises investissent. D’où le débat sur les 30 milliards de baisse des charges, 20 avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et 10 qu’il faut financer à l’intérieur de l’équilibre budgétaire. Le pacte de compétitivité en 2012 était une première étape. Les parlementaires vont avoir à se prononcer sur ce pacte de responsabilité, et les premières mesures seront mises en place très rapidement pour produire leurs fruits.
Où en est la lutte contre la contrefaçon ?
N.B. - Les parlementaires ont voté en février à l’unanimité la proposition de loi sur la contrefaçon qui donne des moyens supplémentaires à la douane. Pour lutter efficacement, il faut mettre aussi en place un code douanier européen. La douane française en Europe est un moteur, elle est une grande force de propositions. On parle beaucoup des opérations spectaculaires de la douane, mais il y a un travail quotidien pour faciliter le commerce et endiguer la contrefaçon. Ce mal endémique coûte chaque année 6 milliards à l’économie française et 38 000 emplois. Il n’y a pas que les sacs Hermès qui sont contrefaits, cela touche toutes sortes de produits de commerce courant, comme des médicaments, des jouets, …
Quel intérêt pourrait trouver la France dans un partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis ?
N.B. - L’intérêt est avant tout de réunir les deux premières puissances commerciales mondiales. Nos entreprises ont à y gagner. L’enjeu est de réussir à simplifier les formalités administratives préalables à l’exportation, d’éviter les doubles certifications, de promouvoir nos intérêts offensifs notamment dans le domaine agricole, et de faire en sorte que les Etats-Unis ouvrent leurs marchés publics. Mais je ne suis pas naïve, les discussions seront rudes, notamment sur les indications géographiques que les américains ne veulent pas reconnaître. Nous avons demandé aussi que les états gardent leur droit à réguler, alors que les Américains veulent instaurer un tribunal pour régler les conflits entre investisseurs et états. Cela va être difficile, mais si on arrive à trouver un accord, cela profitera aux deux économies.