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Fable écologiste sur la fragilité des équilibres naturels

Publié le par Michel Monsay

Fable écologiste sur la fragilité des équilibres naturels

Depuis six ans, nous sommes éblouis par le talent du cinéaste japonais Ryusuke Hamaguchi, cela a commencé avec le formidable Senses, puis les trois suivants dont ce blog est complètement tombé sous le charme : Asako, Drive my car, Contes du hasard. Avec cette fable réaliste, Ryūsuke Hamaguchi donne à sentir l’équilibre sans cesse menacé de nos écosystèmes et de nos existences, et signe un beau film, un peu en retrait des précédents à mon sens, mais néanmoins récompensé du Lion d’argent à Venise. Tout le mouvement de Le mal n'existe pas s’articule autour de points de rupture, dans un mélange de douceur et de brutalité, qui font sentir ce que l’impermanence de toute chose signifie. Cela vaut pour nos vies en général, et pour le monde dans lequel évoluent les personnages de cette histoire en particulier. Takumi, sa fille Hana, et les habitants d'un village au cœur de la nature, voient arriver d’un œil inquiet un projet de « glamping », un camping glamour pour urbains en mal de chlorophylle, initié par une entreprise cynique et incompétente en matière d’aménagement du territoire. La menace qui plane sur cet environnement naturel se comprend d’autant plus que les premières séquences nous immergent dans une nature préservée, sur les pas de Takumi, qui connaît la flore et la faune comme personne, instruit sa fille sur les particularités propres à chaque espèce d’arbre, maîtrise l’art de couper du bois et remplit patiemment des barils d’eau de source à la louche pour les besoins du restaurant local. Dans ces séquences où le temps se suspend, la mise en scène nous invite à respirer et adopter un rythme bien loin de nos vies urbaines, pour être au plus près des éléments. Ryusuke Hamaguchi prend soin de ciseler ses dialogues et de dissoudre tout manichéisme au profit d’un discours nuancé et sensible, même si le capitalisme forcené se heurte ici au bon sens et au respect élémentaire de la nature. Le mal n'existe pas est une expérience sensorielle et une fable écologique qui dit la nécessité et l'urgence de préserver les équilibres de la nature.

Publié dans Films

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L'imaginaire foisonnant de l'un des plus grands auteurs français de BD : Joann Sfar

Publié le par Michel Monsay

L'imaginaire foisonnant de l'un des plus grands auteurs français de BD : Joann Sfar

Le dessinateur prolifique, cinéaste et écrivain Joann Sfar a fait l’objet d’une belle exposition rétrospective au Musée d'art et d'histoire du judaïsme, malheureusement terminée depuis dimanche, qui en plus de 250 planches et dessins inédits, a extrait l’essentiel de son œuvre et de sa vie. A l’entrée de l’exposition, des images, émouvantes, racontent un petit garçon choyé, qui pousse à l’ombre d’une mère magnifique et d’un père qui prend de la place. Au moment du décès de sa maman, alors qu’il n’avait pas quatre ans, on a raconté à Joann Sfar qu’elle était partie en voyage. Depuis, pour calmer son angoisse, et converser avec les fantômes, il dessine, noircit des carnets entiers, et écrit des bandes dessinées. Formé à l’école des Beaux-Arts de Paris en 1992, où il enseignera en 2016, cet iconoclaste révère aussi bien les maîtres de la bande dessinée que les peintres de l’École de Paris. Entre art moderne et neuvième art, Joann Sfar est particulièrement connu pour Le chat du rabbin, dans lequel au fil de douze albums, il y détourne avec bonheur l’imagerie coloniale et la peinture orientaliste, abordant la cohabitation des juifs, des chrétiens et des musulmans en Algérie avant l’indépendance, les croyances populaires, l’antisémitisme, l’amour et l’érotisme. Les drames, la musique, l’enfance,... le parcours de l'exposition décline des thématiques récurrentes dans la production du dessinateur qui comprend aussi des films, avec souvent le fil rouge de la culture juive. Les références religieuses, l’histoire du XXe siècle et des figures tutélaires, telles que Marc Chagall ou Romain Gary, constituent une source d’inspiration inépuisable pour ce niçois, qui est à 52 ans l'un des auteurs de bande dessinée les plus doués de sa génération. Les nombreux extraits de carnets intimes où il croque et commente son quotidien avec un esprit décapant se révèlent particulièrement savoureux. La créativité exubérante de Joann Sfar qui dessine comme il respire, constamment, est ici intelligemment concentrée. Apparaît dès lors la cohérence de son univers : un trait souple et frémissant, des couleurs chaudes, un humour mordant et une fantaisie joyeuse s’élevant contre tout dogmatisme. Chez cet incroyant, comme il se définit, on découvre deux obsessions : faire entendre une voix juive humaniste dans le monde contemporain, et faire l’apologie de la tolérance. Bon client pour les médias, grâce notamment à une belle éloquence sur les sujets de société ou de politique internationale, le conteur capte une attention à laquelle peu de bédéistes ont accès. Il faut dire que l’artiste est un poids lourd dans son domaine, ne serait-ce qu’au regard de sa production personnelle : environ 220 albums publiés depuis 1994, sans compter une vingtaine de romans et essais, à peu près autant de livres d’art et d’illustration, d’innombrables collaborations, ainsi que quatre longs-métrages, dont le plus connu qui lui valu un César : Gainsbourg, une vie héroïque avec Éric Elmosnino. Promoteur d’un judaïsme plus culturel que religieux, Joann Sfar n’est pas qu’un raconteur né penché sur le balcon de l’humanité, il est aussi un formidable fabricant d’images dont l’expressivité et la sensualité doivent beaucoup à l’intuition. Cette exposition, onirique, colorée, émouvante et drôle, lui a rendu un bel hommage.

En plus des superbes œuvres de Joann Sfar, trois très belles pièces du Musée d'art et d'histoire du judaïsme, où s'est tenu l'exposition : Un chandelier, une sculpture de Chana Orloff et un tableau de Marc Chagall.

L'imaginaire foisonnant de l'un des plus grands auteurs français de BD : Joann Sfar
L'imaginaire foisonnant de l'un des plus grands auteurs français de BD : Joann Sfar
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L'imaginaire foisonnant de l'un des plus grands auteurs français de BD : Joann Sfar
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L'imaginaire foisonnant de l'un des plus grands auteurs français de BD : Joann Sfar

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Magnifique Zaho de Sagazan

Publié le par Michel Monsay

Magnifique Zaho de Sagazan

Dans une cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes bien meilleure qu'à l'accoutumée, Zaho de Sagazan, dont on a déjà dit le plus grand bien, a montré une nouvelle fois l'étendue de son talent en reprenant Modern love de David Bowie, ce qui a provoqué une grande émotion à Greta Gerwig, la présidente du jury, en lui rappelant une scène emblématique de Frances Ha, le film qui l'a révélée.

Publié dans Chroniques

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Un thriller subtil, dénué d’artifices et de clichés

Publié le par Michel Monsay

Un thriller subtil, dénué d’artifices et de clichés

Frère aîné de l'une des plus talentueuses actrices françaises, Anaïs Demoustier, Stéphane a su se faire un prénom. Il y a d’abord eu en 2014 un premier long-métrage remarqué, Terre battue, puis on a beaucoup aimé son troisième en 2020, La fille au bracelet. Son quatrième film, librement inspiré par des faits réels, se déroule en Corse, une île dont la beauté ne saurait faire oublier la violence. D’entrée, Borgo nous plonge en immersion totale dans une prison pas comme les autres. Sous la direction de Stéphane Demoustier, la troublante Hafsia Herzi donne à son personnage des aspérités inattendues. Derrière la façade revêche de la gardienne de prison, on découvre une femme mystérieuse, sensible, droite, et fatiguée par la vie. Au-delà du réalisme de l’univers carcéral, Borgo tisse des liens et des thèmes sous-jacents qui viennent nourrir la dramaturgie du film : la charge mentale qui écrase une jeune mère de famille, dont le mari traverse une mauvaise passe, le racisme, la violence, la pression d’un milieu professionnel fermé, étouffant, l’ignorance d’une administration pénitencière qui détient les clés du calme et joue avec le feu, l’instabilité écrasante d’un territoire insulaire gangréné par ses règlements de comptes… En misant sur une double temporalité, et sur une restriction de la profondeur de champ, le réalisateur parvient à resserrer son étau avec maestria et fait admirablement ressentir et comprendre l’omniprésence des tentacules de la pieuvre mafieuse, où la violence est constamment à l’affût, même si on ne la voit quasiment pas. Borgo pose des questions morales, mais ce n’est pas un film moralisant. Après La Fille au bracelet qui s’intéressait déjà à la notion de culpabilité à partir d’un fait divers réel, le cinéaste explore à nouveau les méandres d’un personnage complexe, et réussit un passionnant film de genre qui s’ancre dans une réalité sociale forte en sondant cette ambiguïté que nous avons tous en nous.

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On marche sur la tête

Publié le par Michel Monsay

On marche sur la tête
On marche sur la tête

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Brancusi, le maître de l'épure

Publié le par Michel Monsay

Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure

Avec 400 œuvres dont plus de 120 sculptures, mais aussi des photographies, dessins, carnets, peintures et films de l’artiste, la grande rétrospective Brancusi, organisée au Centre Pompidou, constitue un événement exceptionnel. Elle offre l’opportunité de découvrir toutes les dimensions de la création de ce grand artiste considéré comme l’inventeur de la sculpture moderne. Il était avec Rodin, dont il a été brièvement l'assistant, l'un des plus grands sculpteurs du XXe siècle, même s'il ne faut pas oublier Chana Orloff, admirée récemment sur ce blog. L'artiste roumain (1876-1957) a commencé dans le figuratif avant de styliser de plus en plus ses œuvres. La rupture apportée par Brancusi dans l'histoire de la sculpture est triple : c'est une révolution du geste, une révolution de la forme et une révolution de l'espace. Servi par une élégante scénographie, le parcours thématique, organisé autour des séries de référence de l'artiste, met en lumière les grands enjeux de la sculpture moderne : l'ambiguïté de la forme (Princesse X), le portrait (les sublimes Mademoiselle Pogany), le rapport à l'espace, le rôle du socle, dont certains sont aussi beaux que les sculptures elles-mêmes, les jeux de mouvements et de reflets, la représentation de l'animal (Le Coq, Le Poisson, Le Phoque) et le rapport au monumental (Le Baiser, La Colonne sans fin). Autre point fort de l'exposition : l'atelier du sculpteur, son établi et ses outils. L'artiste avait légué son atelier, situé impasse Ronsin (15e arrondissement), à l'État. Reconstitué à l'identique après la mort de l'artiste, l'atelier était abrité dans un pavillon installé sur le parvis du Musée national d'art moderne. Il a été fermé à l'aune des grands travaux de rénovation et de désamiantage du Centre Pompidou qui doivent débuter après la fermeture du bâtiment à l'été 2025, pour cinq ans. Autre moment fort, la présentation, le long des vitres du pignon nord du Centre Pompidou, d’un ensemble de différentes versions de L’Oiseau dans l’espace qui se détachent ainsi sur le ciel de Paris. En rapprochant ses sculptures avec celles de Rodin ou avec des marbres anatoliens des Cyclades, en présentant une foule de documents jamais montrés car très récemment acquis, l’art de Brancusi se révèle humain et passionnant. L'épure de ses créations n'est en rien liée à une simplicité de sa personnalité. C'est même le contraire. Il y a le côté rustique de celui qui fût un artisan, et il maîtrise parfaitement le travail manuel de ses sculptures. Certaines de ses œuvres sont modelées en un seul bloc, ce qui nécessite une dextérité certaine. Par ailleurs, lorsqu'il crée des bronzes, l'artiste se charge lui-même de réaliser la patine lustrée, si brillante. En visitant cette très belle exposition, on mesure l'ampleur de l'influence de l'artiste sur la suite de l'histoire de l'art.

Brancusi est à voir jusqu'au 1er juillet au Centre Pompidou.

Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
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Brancusi, le maître de l'épure
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Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
Brancusi, le maître de l'épure
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De toutes les couleurs

Publié le par Michel Monsay

De toutes les couleurs

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Le chevalier servant des lettres s'en est allé

Publié le par Michel Monsay

Le chevalier servant des lettres s'en est allé

Il y a 11 ans j'avais eu le plaisir de faire le portrait de Bernard Pivot en allant le rencontrer une heure chez lui, près de l'avenue des Ternes à Paris. Voici l'article que j'avais écrit :

Tout ce que fait cet amoureux de la langue française a toujours été couronné de succès. Depuis Apostrophes et Bouillon de culture à la télévision, jusqu’aux livres qu’il a écrits, en passant par ses fameuses dictées et aujourd’hui ses lectures spectacles sur scène.

 

Dans la foisonnante collection des dictionnaires amoureux, celui consacré au vin écrit par Bernard Pivot en 2006 est l’ouvrage qui s’est le plus vendu. Il était donc prévisible qu’une version illustrée voit le jour. Sorti ces jours-ci, ce beau livre est richement pourvu de photos, dessins et reproductions de tableaux qui accompagnent parfaitement les textes de l’auteur. S’il l’a conçu initialement pour mettre en avant les rapports du vin et de la culture et non écrire un livre technique de plus, Bernard Pivot a voulu aussi y mêler ses souvenirs liés aux vins. Dès son enfance dans la petite propriété familiale du Beaujolais, il a pratiqué les travaux viticoles avec le vigneron de ses parents durant toutes les vacances scolaires jusqu’à l’âge de vingt ans. Il est resté attaché à ce vin et à cette région où il possède une maison avec un hectare de vignes autour, destiné à la cave coopérative de son village à laquelle il est adhérent. Dans les années 1980, cet amateur de vin a résisté à la tentation d’acheter des vignobles comme beaucoup de personnalités l’avaient fait à l’époque, pour ne pas altérer son image en ayant des bouteilles de vin à son nom tout en faisant la promotion de livres sur le service public.

 

D’un public à l’autre

De une à trois fois par mois, il monte sur scène un peu partout en France pour une lecture spectacle de ses livres. Une trentaine de représentations ont déjà eu lieu après qu’il ait commencé il y a un an et demi au Théâtre du Rond-point à Paris, sur une idée de Jean-Michel Ribes son directeur. Bernard Pivot, qui a passé une grande partie de sa vie professionnelle à lire les textes des autres devant deux ou trois millions de téléspectateurs invisibles, a été excité par le challenge de lire ses propres textes face à un public réel. Parmi les théâtres où il s’est produit, l’expérience la plus émouvante s’est déroulée en juillet dernier à 5 km de chez lui dans le Beaujolais, devant une salle comble de proches et de voisins, où il a rajouté pour l’occasion des textes sur le vin à son spectacle.

La fidélité du public qu’il mesure sur cette aventure théâtrale, mais aussi à chaque sortie de livre, ou au vu des 180 000 personnes qui le suivent sur Twitter, n’a jamais faibli depuis Apostrophes. Cette émission mythique qui est restée dans l’esprit de tous ceux qui ont eu le bonheur de la connaître, pourra désormais être visible par tous. Douze émissions entières choisies par Bernard Pivot lui-même sur les 724 existantes, seront disponibles début novembre en DVD, et viendront s’ajouter aux tête-à-tête avec de grands écrivains qui sont déjà dans le commerce.

 

La miraculeuse alchimie d’Apostrophes

L’engouement autour d’Apostrophes qui dépassait largement le cercle des intellectuels au moment de sa diffusion, et même 23 ans après la dernière, s’explique par une conjonction de facteurs favorables selon son animateur : « Au-delà du fait que j’étais probablement la bonne personne au bon moment et que j’ai eu la chance d’être adopté par les écrivains et par les téléspectateurs, il y avait une attention aux livres qui est moins présente aujourd’hui. On prenait le temps de regarder une émission culturelle vu le nombre de chaînes plus limité, enfin le téléspectateur était attiré par ce genre de programme alors qu’aujourd’hui il a plus envie de se distraire. J’estimais une émission réussie lorsque l’on apprenait des choses, découvrait un écrivain, et qu’on avait envie de la poursuivre dans la lecture des livres. » Beaucoup de personnes d’horizons très divers, comme en témoignaient les libraires, se sont mises à lire après avoir vu Apostrophes, cette émission les valorisait.

Comme il y a toujours un décalage entre la parole et l’écrit, parfois certains auteurs étaient meilleurs sur le plateau que dans leur livre, ou inversement comme Patrick Modiano et ses hésitations. Des rencontres marquantes, il y en a eu énormément pour Bernard Pivot mais parmi elles, une s’est faite sur le terrain de la séduction : « Je suis tombé amoureux fou de Jane Fonda pendant qu’elle parlait en direct, et du coup j’ai un peu négligé les autres invités, j’étais au bord de la faute professionnelle. »

 

Profil atypique

Sa passion du football qui l’a amené à suivre pour France 2 quatre coupes du monde en tant que consultant, ainsi que ses origines beaujolaises, ont suscité les critiques de certains intellectuels. Ce côté populaire a certainement dû contribuer au succès de l’animateur auprès d’un large public. On lui a aussi reproché de ne pas avoir fait des études supérieures de lettres, à part celles de journalisme, qui auraient justifié la place importante qu’il avait à la télévision et dans le monde littéraire. Paradoxalement, ce manque a peut-être était une de ses forces, selon l’écrivain et ami Jorge Semprun, qui pensait que la curiosité d’étudiant dont faisait preuve Bernard Pivot lorsqu’il interviewait les écrivains avec gourmandise et malice pour savoir et comprendre, venait de ce manque. Son université à lui a été la télévision chaque vendredi soir. Cela dit, l’influence qu’avait l’animateur était considérable, tous les auteurs voulaient venir sur le plateau d’Apostrophes et le lendemain de l’émission, les ventes des livres présentés grimpaient en flèche.

 

Une carrière télé exemplaire

On peut remarquer une constante dans sa vie, ce n’est pas lui qui initiait les projets. Chaque fois on venait le chercher, comme pour ses débuts à la télévision alors qu’il travaillait au Figaro littéraire et avait une chronique humoristique sur Europe 1. Pour commencer, il crée l’émission Ouvrez les guillemets en 1973 sur la première chaîne, et à l’éclatement de l’ORTF il passe sur Antenne 2 pour lancer Apostrophes en janvier 1975, qu’il arrête 15 ans plus tard : « Je menais une vie monacale au milieu des livres, lisais entre 10 et 14 heures par jour, ne sortais jamais si ce n’est pour un match de football de temps en temps, et j’avais envie de retourner au cinéma, au théâtre et à l’opéra. »

D’où la création de Bouillon de culture en 1991. Cette émission qui a duré dix ans, traitait de différentes formes d’art dans ses premières années avant que le tropisme littéraire reprenne le dessus. Moins à l’aise pour interviewer des comédiens que des créateurs comme les metteurs en scène, Bernard Pivot se rappelle avec la disparation récente de Patrice Chéreau, de la formidable émission en 1994 où il l’avait invité en compagnie de l’équipe du film La Reine Margot et de l’historien Jean Tulard. Cinéma, littérature et histoire avaient été mêlés dans un vrai bouillon de culture ce soir-là. Pour clôturer sa carrière à la télévision, il a fait pendant quatre ans dans Double je, le portrait de personnalités d’origine étrangère ayant fait le choix de s’exprimer dans notre langue ou de vivre en France.

 

Un littéraire qui s’ignorait

L’idée du journalisme, encore une fois n’est pas de lui mais d’un parent éloigné. Après une scolarité plutôt moyenne jusqu’au Bac, il était assez peu sûr de lui et assez peu ambitieux mais il a tout de même intégré le centre de formation des journalistes : « Le médiocre lycéen est devenu un brillant étudiant, j’avais trouvé ma voie et je suis sorti vice-major de ma promotion. » Pourtant l’amour des mots et de la langue française a démarré très tôt, puisque son premier livre de chevet a été le Petit Larousse alors qu’il n’avait pas dix ans. Cette passion s’est concrétisée évidemment dans la lecture, mais aussi avec ses fameuses dictées des Dicos d’or qu’il a animés durant vingt ans. S’il a écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire de la télévision, Bernard Pivot a aussi exercé son métier dans la presse écrite, avec quinze années au Figaro littéraire, puis il a crée le magazine Lire, et aujourd’hui encore il a une chronique dans le Journal du Dimanche. Il faut ajouter à cela l’écriture d’une dizaine de livres, dont le dernier consacré à son nouveau dada, les tweets : « C’est un bon exercice où il faut savoir exprimer une idée, un sentiment, un souvenir en 140 signes et en y mettant un peu d’humour ou de gravité. »

 

Taillé pour l’Académie Goncourt

Lorsque Bernard Pivot a arrêté Bouillon de culture, Jérôme Garcin lui a dit : « Et maintenant l’Académie Française ? » Ce à quoi Bernard Pivot a répondu : « L’habit vert et les discours ne conviennent pas à ma nature modeste, en revanche l’Académie Goncourt me plairait beaucoup, on y fait trois choses que je sais à peu près bien faire : Lire, boire et manger. » Trois ans plus tard, il est élu à l’Académie Goncourt en octobre 2004 pour services rendus aux livres et à la littérature. Il devient ainsi le premier journaliste à avoir cet honneur. Aujourd’hui à 78 ans, il souhaite garder une santé assez bonne pour continuer à lire, boire et manger sans oublier écrire, dont il a longtemps refoulé l’envie avant de s’y consacrer depuis la fin de sa carrière à la télévision.

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Macron, une nouvelle fois totalement irresponsable

Publié le par Michel Monsay

Macron, une nouvelle fois totalement irresponsable

En autorisant discrètement de nouveaux puits de pétrole en Seine et Marne qui risquent de contaminer la source d’eau potable à proximité, l’État commet une fois de plus une aberration environnementale et sanitaire. Le gouvernement a en effet approuvé en catimini l’élargissement sur un périmètre cinq fois plus vaste qu’auparavant d’une concession pétrolière près de la forêt de Fontainebleau. C’est pendant la trêve des confiseurs, le 27 décembre, que la Première ministre Elisabeth Borne a signé un décret favorisant le forage de deux nouveaux puits de pétrole en Seine-et-Marne, vite contresigné par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, et par Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition énergétique. Petit problème, la France ne manque plus de pétrole (de toute façon, les concessions dans l’Hexagone fournissent à peine 1 % de notre consommation en hydrocarbures), car en 2024, la vraie pénurie que commencent à ressentir les Français est celle de l’eau. Ce projet menace la nappe phréatique directement à des points de captage qui permettent d’alimenter en eau potable plus de 180 000 Franciliens, de la commune voisine au VIIe arrondissement de Paris. Sans surprise, l’établissement public Eau de Paris entend s’opposer maintenant à cette initiative nostalgique qui pourrait vite tourner à la catastrophe écologique. Mais quand Macron et sa clique vont-ils arrêter de faire n'importe quoi derrière des sourires hypocrites, des beaux discours et des conventions citoyennes qui ne sont que de la poudre aux yeux ?

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Fleur de chardon

Publié le par Michel Monsay

Fleur de chardon

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