« Les campagnes électorales dépendent avant tout de leurs acteurs »

Publié le par michelmonsay

Franz-Olivier Giesbert 009    

Interview réalisée le 9 janvier 2012 avant qu'il n'abuse un peu trop de la moquette ...!

 

Après avoir dirigé la rédaction du Nouvel Observateur et du Figaro, Franz-Olivier Giesbert est depuis 11 ans directeur de l’hebdomadaire Le Point, qui a été désigné meilleur magazine de l’année 2011. Auteur de 12 romans et 7 portraits politiques, il a aussi animé de nombreuses émissions à la télévision, dont actuellement « 2012, les grandes questions » sur France 5. A 63 ans, son parcours fait de lui un incontournable témoin et fin connaisseur de la vie politique.

 

On parle de l’élection présidentielle en permanence depuis de nombreux mois, y a-t-il un risque qu’elle n’intéresse plus les français ?

Franz-Olivier Giesbert - Avec la réduction du mandat présidentiel à 5 ans, on est entré dans un système qui s’apparente à celui des Etats-Unis avec une campagne électorale quasi permanente. L’élection à peine passée que l’on s’intéresse déjà à la prochaine échéance. Ce raccourcissement du mandat a pour conséquence de donner moins de hauteur de vue au président. Cela dit, les campagnes électorales dépendent avant tout de leurs acteurs. En 2002, la campagne était plutôt atone et sans grand intérêt, alors qu’en 2007 elle était beaucoup plus vivante et forte, même si les enjeux n’étaient pas clairement définis et si des sujets importants comme la dette n’ont pas été abordés. Pour cette année, je pense qu’elle sera peut-être un peu plus ennuyeuse, moins vendeuse pour la presse, mais que l’on ira plus au fond des problèmes.


La presse a-t-elle une influence dans cette campagne et quels seront les grands thèmes abordés ?

F.-O.G. - Les journalistes ne font pas les campagnes présidentielles, contrairement à ce que croient certains d’entre eux, ils ne font que suivre le mouvement. Ils ont beau interpeller, questionner, de toute façon ils ne changeront pas le cours de l’Histoire, seuls les politiques décident d’aller où bon leur semble. Pour preuve, j’ai posé des questions sur l’endettement en 2007, et on ne peut pas dire que j’ai été très suivi. Autre preuve de l’influence limitée de la presse, les candidats qu’elle a soutenus ont été battus, Balladur en 1995 ou Jospin en 2002.

Si le problème de l’endettement a été occulté en 2007 avec des candidats qui nous expliquaient qu’on le règlerait par la croissance, le thème paraît incontournable dans cette campagne. La France vit au-dessus de ses moyens depuis longtemps, il faut qu’elle réduise les dépenses publiques et elle va finir par le faire. Autre débat important, celui de l’Education Nationale où il faut revaloriser la condition enseignante, en redonnant une fierté aux enseignants et un sens à l’éducation. En ces temps de difficultés, il y aura aussi la protection sociale et la fiscalité. Enfin dans une élection présidentielle, il y a beaucoup d’émotionnel et il est possible qu’à l’occasion d’un fait divers, on reparle de sécurité.


La crise peut-elle engendrer des surprises et démobiliser des électeurs qui sont de plus en plus incrédules ?

F.-O.G. - A priori la crise devrait profiter à François Bayrou, il était le seul en 2007 à dire qu’il y avait un problème alors que les autres avaient tendance à le nier. S’il a les capacités de créer la surprise, il n’est pas le seul. La crise ne peut que mettre du vent dans les voiles de Marine Le Pen, qui a des solutions extrêmement simplistes mais que toute une partie de l’électorat est prête à entendre. Les politiciens ne s’adressent plus aux classes populaires, ils ont laissé en friche ce terrain qui est devenu le territoire de chasse privilégié de Marine Le Pen.

Même si la classe politique serine un discours faussement positif en racontant des sornettes d’élection en élection sur le retour de la croissance, il y a une grande inquiétude, un sentiment général de déclin, et les français ont besoin qu’on leur propose quelque chose de positif, des solutions. La France est le pays le plus pessimiste au monde et pourtant elle a beaucoup d’atouts, certes on est tombé très bas mais on peut repartir. Une campagne électorale n’est pas prévisible, il y a des ruptures, des retournements et un moment donné, cela peut se coaliser autour d’un candidat, autour de propositions qui vont brusquement changer la donne.


Sur quoi va se jouer l’élection et que peuvent attendre les petits candidats ?

F.-O.G. - Les français veulent à la fois quelqu’un qui les rassure, les protège et les sorte de cette crise. Leur candidat idéal serait une sorte d’hydre à 3 têtes, Sarkozy pour l’énergie, il est aussi une machine à mouliner les idées, Hollande pour le calme, la mesure, il est très consensuel et écoute beaucoup, enfin Bayrou pour la force de caractère, lui est pragmatique et joue la carte prophétique. Une campagne électorale est toujours violente, la personnalité des candidats peut faire la différence. Rien n’est joué, d’autant que Hollande a la position la moins facile, celle du favori, qui essaie de garder son terrain en prenant le moins de risques possibles, pour ne pas perdre des voies en s’aventurant dans telle ou telle direction. L’homme politique en campagne recherche la dynamique, c’est ce que fait aujourd’hui Sarkozy pour rattraper son retard. Il est difficile de faire un pronostic, d’habitude 2 candidats se détachent, cette fois-ci ils sont 4 à pouvoir être présent au 2ème tour.

Pour un petit parti, l’élection présidentielle est fondamentale, elle représente beaucoup d’exposition et lui permet de vivre. Certains des petits candidats n’iront pas au bout soit à cause du manque de parrainages, soit qu’ils l’ont déjà décidé et sont dans une posture de négociation avec les grands partis. Le filtre des 500 signatures est une bonne règle même si elle est injuste, pour éviter d’avoir trop de candidats. La possibilité que Marine Le Pen ne les obtienne pas, poserait un problème de démocratie.


Toutes les dernières élections ont vu la gauche l’emporter et les Verts réaliser un bon score, est-ce une indication pour la présidentielle ?

F.-O.G. – Non, je ne pense pas que cela joue. Il y a chez les français un petit côté normand où l’on ne met pas tous les œufs dans le même panier, une volonté d’équilibre, que la droite commence à mettre en avant. Par contre, le maillage municipal des élus socialistes va énormément aider François Hollande dans sa campagne. Pour les Verts, il y a des scrutins qui leur sont plus profitables que d’autres, l’élection présidentielle ne leur a jamais réussi et je ne suis pas sûr que les législatives leur soient favorables non plus. De toute façon, ils n’ont pas le monopole de l’écologie, ils ne peuvent pas la confisquer, c’est un sujet trop important pour le confier à un seul parti, et aujourd’hui il y a des écologistes aussi bien à droite qu’à gauche.

N’oublions pas pour finir que la situation économique actuelle est extrêmement changeante, et il peut y avoir des bouleversements à tout moment. Les événements extérieurs peuvent soudainement troubler la donne de cette campagne électorale. 

 

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