Héros au cœur tendre et à la droiture exemplaire

Publié le par michelmonsay

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Recordman de sélections en équipe de France masculine de football avec laquelle il a remporté la Coupe du monde 1998, l’Euro 2000 et a été finaliste de la Coupe du monde 2006, Lilian Thuram est sans conteste l’un des plus grands défenseurs de l’Histoire du foot. A tout juste 41 ans, il se consacre totalement à sa fondation créée en 2008 après avoir mis fin à sa carrière de joueur, pour lutter contre le racisme par l’éducation.

 

Autant lorsqu’il était footballeur qu’aujourd’hui avec sa fondation, Lilian Thuram reconnaît avoir eu la chance de toujours être dans le plaisir, celui d’un terrain de jeu jusqu’à l’âge de 36 ans, et maintenant en travaillant sur les notions de racisme et d’égalité qui sont très importantes pour lui. Elles ont d’ailleurs été présentes tout au long de son parcours à partir du moment où il a quitté sa Guadeloupe natale pour arriver en région parisienne à 9 ans : « Certains de mes camarades m’appelaient la noiraude, du nom d’une vache noire très stupide dans un dessin animé de l’époque. Cela m’attristait et je ne comprenais pas pourquoi la couleur noire était chargée aussi négativement. J’ai grandi avec les discussions chez moi entre les adultes expliquant ce qu’ils avaient vécu, mais aussi avec l’image du gardien de but noir Joseph-Antoine Bell en France, à qui certains supporters jetaient des bananes. Plus tard durant ma carrière en Italie, le public imitait le cri du singe lorsqu’un joueur noir avait le ballon. Voilà pourquoi l’envie de créer cette fondation, c’est l’histoire d’une vie. »

Très tôt, il a eu la chance de rencontrer des historiens, des scientifiques qui lui ont expliqué ce qu’était le racisme et ses fondements, favorisant ainsi sa réflexion sur le sujet sans développer de colère : « J’ai été en quelque sorte vacciné, et avait à la limite de la compassion pour les personnes aux comportements racistes. »

 

L’éducation contre le racisme

Comprendre que le racisme est culturel, lié à l’Histoire et basé sur une construction politique et économique, a permis à Lilian Thuram d’apprivoiser le problème. Il est persuadé que l’important est d’en parler, de ne pas rester passif, que le sujet ne soit pas tabou, et aujourd’hui avec sa fondation il essaie de déconstruire ce mécanisme du racisme nourri de préjugés qui nous conditionnent à penser. Parmi ceux-ci : « La hiérarchisation qui positionnait dans un passé récent les personnes de couleur noire, comme le chaînon manquant entre le singe et l’homme. » Une des actions principales de sa fondation est de prémunir les enfants susceptibles de subir le racisme, de la même manière qu’il l’a été, pour leur éviter de perdre l’estime de soi et tomber dans la violence.

Cela par le biais d’outils pédagogiques comme le DVD intitulé « Nous autres » : « Il s’agit entre autre d’expliquer aux enfants qui ne savent pas pourquoi il existe des personnes de couleurs différentes, que c’est uniquement une adaptation au climat, et déconstruire ainsi cette notion de race qui existe encore dans l’imaginaire collectif. » De plus en plus d’écoles demandent les différents outils de la fondation, et Lilian Thuram se déplace régulièrement dans toutes sortes d’établissements scolaires en France mais aussi à l’étranger pour échanger avec les enfants et leur professeur, en se servant de sa notoriété pour capter leur attention.

 

Contribuer à une prise de conscience

Dans cette même logique, il a aussi écrit des livres comme « Mes étoiles noires » pour rendre hommage à des personnages qui l’ont aidé à se construire, et mettre en lumière que l’Histoire des populations noires n’a pas commencé avec l’esclavage. Il a été commissaire général de l’exposition « Exhibitions : L’invention du sauvage » au musée du quai Branly à Paris qui a connu un beau succès durant le premier semestre 2012 : « Dans les années 1930, on allait voir des noirs au zoo du jardin d’acclimatation, que l’on présentait comme des sauvages, et même encore jusqu’en 1958 à l’exposition universelle de Bruxelles. »

Pour l’ancien footballeur, le racisme le plus violent, même s’il juge lâche celui des stades, est inconscient et émotionnel comme lorsqu’une personne va refuser un travail ou un appartement à quelqu’un de couleur à cause d’aprioris qu’il ne contrôle pas. Combattant de toutes les inégalités, il ne comprend pas qu’en 2012 des personnes soient prêtes à descendre dans la rue pour interdire l’égalité des droits aux homosexuels : « Cela nous renvoie à ceux qui ne voulaient pas la fin de l’esclavage, l’égalité selon la couleur de peau, le droit de vote pour les femmes. » Il n’hésite pas à s’investir dans plusieurs formes d’engagement amenant à une prise de conscience des problèmes, comme le collectif Roosevelt. Dans la continuité de son action il a été nommé ambassadeur de l’Unicef, pour lequel il va au moins une fois par an sur le terrain : « En voyant les problématiques dans le monde, cela amène une autre réflexion sur votre propre pays. » Il a par ailleurs refusé un ministère que lui proposait Nicolas Sarkozy, étant en désaccord avec sa politique et sentant que le Président voulait se servir de lui.

 

L’amour du foot dans ce qu’il a de plus noble

Son comportement irréprochable en tant que footballeur, à la fois dans le respect de porter le maillot de l’équipe de France et dans l’engagement physique tant à l’entraînement que durant les matchs, le rendait totalement légitime lorsqu’il s’est indigné du fiasco au mondial 2010 et de la grève des joueurs. Quoiqu’il fasse autant durant sa carrière qu’avec sa fondation, Lilian Thuram s’est toujours donné les moyens de le faire le mieux possible, voilà pourquoi aujourd’hui il rencontre et s’entoure de nombreux scientifiques pour faire passer un message irréfutable.

Toujours amoureux du football même s’il n’y est plus du tout impliqué, ce sport roi est pour lui une métaphore de la vie : « Le foot business est ni plus ni moins le reflet de notre société capitaliste. On s’attarde trop sur le salaire d’Ibrahimovic ou sur les problèmes entre joueurs et entraîneurs, alors que le plus passionnant se passe sur le terrain, où chaque joueur quelque soit le niveau participe au spectacle avec sa part de responsabilité. C’est un jeu d’équipe certes, mais où chacun peut devenir un soliste, peut se mettre à disposition de ses coéquipiers pour souffrir ensemble, gagner ensemble, il y a énormément de valeurs qui passent à travers le football dont les enfants peuvent profiter. »

 

Le cheminement d’un joueur à l’exigence hors du commun

Le jeune Thuram a commencé très tôt en Guadeloupe à taper dans un ballon, et tout s’est enchaîné sans qu’il ne se rende compte de la carrière qu’il se construisait, en n’ayant de cesse jusqu’à la fin de se remettre en cause pour progresser. Il signe son premier contrat professionnel à 18 ans au club de Monaco, où deux hommes vont l’aider à poser les bases de sa façon de voir le foot et la vie en général, l’entraîneur Arsène Wenger et le joueur Claude Puel. Durant ses six années dans la Principauté, il devient un défenseur de dimension nationale, puis internationale avec sa première sélection en équipe de France en 1994, pour laquelle il jouera 142 fois. Deux ans plus tard, il prend la direction de l’Italie où il reste une décennie, divisée à part égale entre Parme, où il atteint sa plénitude, et la Juventus de Turin. Son transfert de l’un à l’autre fait de lui le 2ème footballeur français le plus cher de tous les temps derrière Zidane. Cette longue période, pendant laquelle sont nés ses enfants, a laissé des traces affectives et il se sent encore aujourd’hui un peu italien. Autant la Juventus qu’ensuite Barcelone où il finit sa carrière, lui font toucher le plus haut niveau. Juste récompense pour celui qui est devenu l’un des tous meilleurs défenseurs au monde. Sa capacité d’adaptation et de mise à disposition du collectif, l’ont fait jouer toute sa carrière en équipe de France en tant qu’arrière droit, alors qu’en club il était défenseur central, son poste de prédilection.

 

Quel palmarès !

Lorsqu’on lui parle de la fabuleuse épopée de 1998 et 2000 où il gagne coup sur coup avec l’équipe de France la coupe du Monde et le championnat d’Europe, il l’analyse avec le recul comme un moment magique hors du temps : « Cela restera gravé en moi toute ma vie, de même que je serai toujours reconnaissant envers mes coéquipiers de m’avoir permis de réaliser un rêve d’enfant. Je n’oublierai jamais la finale contre le Brésil, la liesse avec le public sur les Champs-Elysées, la victoire à l’Euro deux ans plus tard, mais aussi l’échec lors de la coupe du Monde 2002 où nous manquions d’humilité. » Pour beaucoup, Lilian Thuram c’est aussi les deux seuls buts de sa carrière avec les Bleus, qu’il marque contre la Croatie pour qualifier la France en finale. Sans oublier la coupe du Monde 2006, où les Bleus arrivent une nouvelle fois en finale qu’ils perdent injustement sur un coup de tête, et où ce fabuleux défenseur gagne 95% de ses duels sur l’ensemble de la compétition.

 

Publié dans Portraits

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