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Merveilleux conte orientaliste, enchanté, mais aussi très critique sur le pouvoir du discours religieux

Publié le par Michel Monsay

Merveilleux conte orientaliste, enchanté, mais aussi très critique sur le pouvoir du discours religieux

Joann Sfar, dont je disais le plus grand bien de l'exposition qui s'est tenue récemment à Paris, est auteur, dessinateur, romancier, réalisateur. Son personnage le plus connu, créé en 2002, le plus adopté dans le monde de la bande dessinée par les français, est Le Chat du Rabbin qu'il a d'ailleurs adapté au cinéma. Ça lui est venu après les attentats du 11 septembre 2001, après la naissance de son premier enfant et après le décès de sa grand-mère d'Algérie. Pour mille raisons, il a eu envie de créer une histoire pour réenchanter la mémoire maghrébine et pour se battre contre cette promesse de choc des civilisations. Optant pour un système narratif assez littéraire, la voix off du chat raconte les événements et les dialogues, comme dans un roman, Joann Sfar donne ce qu’il a de meilleur : un talent pour les réparties fécondes, un dessin tout en relâchement mais jamais bâclé, et un humour mi-intello mi-potache. Le tout pour une vraie BD philosophique, de celle qui questionne la vie et son sens. Jacasseur invétéré voulant faire sa Bar Mitzvah après avoir avalé un perroquet dans le premier tome, donneur de leçons et de dictées à son propre maître dans le deuxième, le chat du rabbin s’est montré fou de jalousie envers le mari de sa maîtresse, Zlabya dans le troisième. Voyageur émérite, il a partout affiché des facultés d’observateur de premier plan, de son Algérie natale à la grise capitale française. En témoin privilégié du microcosme qui grouille autour de lui, emboîtant le pas du rabbin jusque dans ses prières solitaires, le chat s’est habitué à user d’une parole dénonciatrice de boniments religieux ou politiques. Si l’auteur se sert d’une imagerie de l’Algérie des années 1900 et de cartes postales d’une époque située entre la moitié du XIXe siècle et les années 1930 pour reconstituer les différents décors dans lesquels le chat évolue, son Alger et sa palette empruntent surtout à sa Nice natale, pour sa lumière et son ouverture sur la mer, et encore plus aux récits, histoires réelles ou légendaires, issus de souvenirs que sa grand-mère lui racontait alors qu’il était enfant. Les trois premiers tomes réunis ici du Chat du rabbin, qui en comporte douze, nous plonge dans l'univers drôle et incisif de Joann Sfar, à l'imagination prolifique et débridée. Il y a évidemment beaucoup de l'auteur dans le personnage de ce chat taquin, doté d’une parole libre et impertinente, qui travaille à sa façon à plus de fraternité. Formidable hymne à la tolérance, aux couleurs éclatantes et à l'ambiance typique des peintures orientalistes, Le chat du rabbin est devenu un classique indispensable de la bande dessinée.

Merveilleux conte orientaliste, enchanté, mais aussi très critique sur le pouvoir du discours religieux
Merveilleux conte orientaliste, enchanté, mais aussi très critique sur le pouvoir du discours religieux
Merveilleux conte orientaliste, enchanté, mais aussi très critique sur le pouvoir du discours religieux

Publié dans Livres

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Passionnant folk rock entre émotion et énergie

Publié le par Michel Monsay

Passionnant folk rock entre émotion et énergie

Hurray for the Riff Raff, le groupe mené par la chanteuse Alynda Segarra, native du Bronx d’ascendance portoricaine, se distingue par une approche autofictionnelle éloignée du passéisme et des clichés sépia du folk et du country-rock. Celle-ci offre, en prime, une description du déclin de l’empire américain, ravagé par le commerce des opioïdes et des armes à feu, l’expérience trumpiste et la menace de son retour. Hurray for the Riff Raff, désillusionné mais combatif, se tient du côté des ennemis d’« America first », nomades et sans-abri, minorités et marginaux. À dix-sept ans, elle s’est accroché sa guitare sur le dos et a sauté dans un train de marchandise. Elle s’est retrouvée à la Nouvelle-Orléans, où elle a fondé un orchestre de rue avec d’autres marginaux dans son genre, chantant, entre autres, de vieilles chansons de Woody Guthrie. Ça marchait plutôt bien pour elle, puisqu’elle dit avoir gagné correctement sa vie comme ça. Elle a pu financer ses propres enregistrements et les diffuser sous le nom, Hurray for the Riff RaffElle a publié son premier album professionnel en 2011, une production modeste mais qui a été remarquée. Il y a dans la voix d’Alynda Segarra, parfois, la colère et l’intensité de la jeune Patti Smith, qu’elle évoque un peu dans son personnage scénique, longs cheveux noirs coiffés d’un béret, une énergie punk, c’est certain. Mais ses orchestrations ont parfois la finesse et la sophistication rythmique de certains disques de Paul Simon, qui lui aussi s’est beaucoup inspiré des rythmes portoricains. En 2017, il y a eu l'excellent The Navigator, dont ce blog avait dit le plus grand bien. Dans son nouvel album qui porte un titre très explicite, The Past Is Still Alive, le passé est toujours vivant, Alynda Segarra évoque les souvenirs de cette vie libre et vagabonde, les odeurs, les parfums, les visages, les images qui lui restent de cette vie. L’amour, la perte, les errances vagabondes, l’homophobie… la chanteuse d’origine portoricaine est plus que jamais la voix des opprimés, à travers des chansons délicates et positives. Mais plutôt que de pleurer, avec nostalgie, un temps révolu, elle convoque ce désespoir qui servait autrefois de moteur pour, à défaut de croire en l’avenir, se battre au présent et ne rien lâcher. The Past is Still Alive séduit par sa sincérité et sa quête de beauté dans les ruines, et nous emballe tout au long des 10 chansons qui composent ce très bel album.

Ci-dessous, quatre superbes morceaux de The past is still alive :

Publié dans Disques

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Tristesse infinie pour l'icône de la chanson française

Publié le par Michel Monsay

Tristesse infinie pour l'icône de la chanson française
Tristesse infinie pour l'icône de la chanson française

À la fois populaire et décalée. À côté, au-dessus, ailleurs. Proche et insaisissable. Portée par la vague yéyé naissante, mais déjà détachée du lot, avec sa voix feutrée, sa diction distinguée et subtilement nonchalante. Son caractère mélancolique, empreint d’un romantisme classique, loin de Sheila et de Sylvie. Rien à faire, Françoise ne leur ressemble pas. Elle est élégante, elle est réservée. Elle est capable d’écrire et de composer elle-même, là où bien des chanteurs se contentent d’importer en France les hits venus d’ailleurs. Moins pulpeuse que ne le veulent les canons de l’époque, elle s’étonne qu’on la trouve si belle. Et peine à croire en un succès qu’elle n’a pas particulièrement cherché et qui, presque malgré elle, ne cesse d’enfler. L’année suivante, il est immense. « Françoise Hardy, un phénomène social », titre un journal suisse. Des milliers de filles se coiffent comme elle. Elle fait la Une des magazines et la fascination qu'elle exerce dépasse largement les frontières, Mick Jagger, David Bowie, Bob Dylan, Brian Jones en sont fous. Tout au long de sa carrière, elle aura suivi son instinct, cultivant un certain mystère et ne cherchant pas spécialement à plaire, et pourtant sa disparition provoque une grande tristesse.

Voici deux chansons qu'on ne se lasse pas d'écouter :

Publié dans Chroniques

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Un bonheur de le voir jouer, et les bonheurs en ce moment ça ne se refuse pas !

Publié le par Michel Monsay

Un bonheur de le voir jouer, et les bonheurs en ce moment ça ne se refuse pas !
Un bonheur de le voir jouer, et les bonheurs en ce moment ça ne se refuse pas !

Au terme d'une finale marathon, Carlos Alcaraz est venu à bout d'Alexander Zverev en cinq sets et 4h19 de jeu (6-3, 2-6, 5-7, 6-1, 6-2), dimanche à Roland-Garros. C'est le troisième titre du Grand Chelem pour l'Espagnol, son premier Porte d'Auteuil. Année après année, Carlos Alcaraz agrandit son domaine de compétences. Deux ans après avoir maîtrisé le dur à l'US Open 2022, un an après avoir dompté le gazon à Wimbledon 2023, l'Espagnol a décroché son troisième titre en Grand Chelem sur la terre battue de Roland-Garros, dimanche à 21 ans. Là où les jeunes loups du circuit se contentent parfois de frapper la balle méthodiquement, le tennis d’Alcaraz offre ce petit supplément d’âme. Il faut que ça claque, que ça crépite, que ça épate. Il est tantôt explosif en fond de court, tantôt soyeux dans le toucher de balle quand il caresse les amorties et les volées. Sur les sept derniers tournois du Grand Chelem, Jannik Sinner et Carlos Alcaraz en ont remporté quatre. Entre l’Italien, nouveau numéro 1 mondial, et l’Espagnol numéro 2, tous les ingrédients sont là pour alimenter sur la durée le feuilleton du circuit masculin, à condition que les blessures les épargnent. Carlos Alcaraz a bien démontré en remportant Roland Garros qu'il a un mental, un physique et un talent hors du commun, le tout avec une panoplie infinie de coups et une capacité d'adaptation impressionnante.

Pour voir un résumé de la finale, c'est ici.

Publié dans Chroniques

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Ce beau dessin de Joann Sfar pour se remettre de la connerie des français

Publié le par Michel Monsay

Ce beau dessin de Joann Sfar pour se remettre de la connerie des français

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Grande tristesse avec la disparition de Christophe Deloire

Publié le par Michel Monsay

Grande tristesse avec la disparition de Christophe Deloire

Le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), est mort ce samedi 8 juin à l'âge de 53 ans. Décédé des suites d’un cancer fulgurant, le journaliste était hospitalisé depuis plusieurs semaines à l’hôpital Saint-Louis, après la découverte tardive de tumeurs au cerveau. Ce défenseur infatigable de la liberté de la presse était à la tête de RSF depuis 2012, et a su transformé l’association en un champion mondial de la défense du journalisme, durant douze ans. En juillet 2023, il s’était vu confier la direction d’un comité de pilotage des États généraux de l’information. Au-delà de ces responsabilités récentes, il avait continué à incarner le visage de l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières, par exemple en se mobilisant pour dénoncer la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche en juin 2023. « Nous sommes ici pour éviter un nouveau carnage dans une rédaction », avait clamé Christophe Deloire, lors de la soirée de soutien à la rédaction du JDD, le 27 juin à Paris, faisant référence à CNews, Europe 1, Prisma et Paris Match, tous contrôlés par Bolloré, et qui ont subi les mêmes sorts. Interrogé sur France Inter, le 1er juillet, le secrétaire général de RSF avait clairement affirmé que « là où Bolloré passe, le journalisme trépasse. C’est un ogre qui digère les médias et les transforme en organe d’opinion ».

J'avais eu le plaisir d’interviewer Christophe Deloire il y a 7 ans au siège de Reporters sans frontières, voici l'interview.

Publié dans Chroniques

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Honteux !

Publié le par Michel Monsay

Honteux !
Honteux !
Honteux !

Pour que l'Europe continue d'exister et peser sur la scène internationale, allez voter et ne vous trompez pas de bulletin.

Publié dans Chroniques

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Une plongée exaltante dans les entrailles d’un restaurant de Chicago

Publié le par Michel Monsay

Une plongée exaltante dans les entrailles d’un restaurant de Chicago

La première saison de The Bear est en partie consacrée à l’assemblage des morceaux qui constituent la vie fracassée et brillante de Carmy, le personnage central. Mais d’entrée, ou presque, on apprend qu’il a dirigé la cuisine d'un très grand restaurant new-yorkais. Autour de lui, tout le monde se demande pourquoi il a tourné le dos à sa gloire naissante pour revenir faire des sandwiches. The Bear propose ainsi un tableau électrisant du quotidien d’un établissement bon marché de Chicago. Le coup de génie est ici d’étendre cette organisation qui régit la vie du restaurant à l’existence même des personnages. Mise en scène saisissante du travail, The Bear est aussi une étude sensible et cruelle de la crise de l’identité masculine. Avec son regard clair, son physique adolescent, l'excellent Jeremy Allen White, deux Gloden Globes et un Emmy award pour ce rôle, fait de Carmy un fils qui n’ose devenir père, qui reproduit malgré lui la cruauté dont il a été victime au long de sa carrière. Vidé de tout romantisme ou fantasme autour de la question de l’épuisement au travail comme matière inspirante, The Bear se rêve plutôt en une reconquête d’une discipline, déglinguée par des années de culture du chef-gourou, par le collectif, la mémoire et tout ce qui apporte du salé ou du sucré aux plats trop connus de l’existence. Filmé souvent caméra à l’épaule au plus près des acteurs, tous formidables, et au ras des casseroles, ce tourbillon quasi sans temps morts impressionne par sa virtuosité et sa puissance dramatique. Avec les mêmes qualités, la deuxième saison de The Bear, forte de ses audaces narratives et formelles, trouve un équilibre souverain qui la rend assez irrésistible. L’énervement et la colère qui baignaient la première saison ont fait place à un éloge du geste, de la patience et du soin, que l’on soigne le travail ou les autres. Cette série, multi récompensée aux Gloden Globes et aux Emmy awards, passionne par la finesse de son écriture, au style percutant de sa mise en scène et au talent de ses interprètes. En explosant son format d’origine, proche du huis clos, pour mieux développer l’humanité de ses personnages, elle confirme dans la saison 2 qu’elle est une des rares claques sérielles du moment. La saison 3 est annoncée dans un mois sur Disney +, on en salive.

The bear saison 1 et 2 sont à voir ici à 5,99 € avec pub ou 8,99 € sans pub sur Disney +, un mois d'abonnement sans engagement.

Publié dans replay

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En ce jour anniversaire, un dessin de Cabu qui nous manque tant

Publié le par Michel Monsay

En ce jour anniversaire, un dessin de Cabu qui nous manque tant

Malheureusement l'espoir de Cabu n'est pas du tout exaucé, loin de là, avec cette photo abjecte et ce dessin d'une tristesse infinie.

En ce jour anniversaire, un dessin de Cabu qui nous manque tant
En ce jour anniversaire, un dessin de Cabu qui nous manque tant

Publié dans Chroniques

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Une touchante romance inhabituelle et sans cynisme

Publié le par Michel Monsay

Une touchante romance inhabituelle et sans cynisme

Avec Memory, le cinéaste mexicain Michel Franco, qui travaille depuis quelques temps aux États-Unis, franchit un nouveau cap et signe un vrai mélo sans pathos, se servant de ses talents de metteur en scène rigoriste pour contrer la mièvrerie potentielle d'un tel sujet. Il faut dire que jusque-là dans les films de Michel Franco, en un instant, tout peut déraper. Memory semble d’abord ne pas devoir faire exception, qui réunit deux êtres en souffrance, susceptibles de s’abîmer davantage encore, et ménage une tension savamment contrôlée. Pourtant, cette fois, le cinéaste mexicain surprend en cheminant vers la douceur, l’espoir. Il n’y a pas de déjà vu dans ce cinéma intranquille, palpitant, où chaque instant passé avec ce drôle de couple débouche sur l’inconnu, aiguise l’attention. D'autant que le film est porté par deux acteurs éblouissants. Si Peter Sarsgaard n’a pas volé son prix d’interprétation à la dernière Mostra de Venise, Jessica Chastain, dont la présence et les qualités de jeu impressionnent, en méritait la moitié. Ce huitième film de Michel Franco revisite, à la lumière du mouvement #metoo, le thème des violences sexuelles qui a irrigué ses deux premiers longs-métrages (Daniel & Ana, 2009, et Después de Lucia, 2012). Il est de nouveau question d’abus, de traumas, de silences forcés, mais la douceur qui émane de la rencontre entre deux personnages blessés contribue à faire de ce film très ancré dans son époque une vraie réussite qui n’a rien à voir avec le jeu de massacre qu’on voit si souvent. Le cinéaste décrit avec délicatesse la reconquête d’une mémoire traumatique à travers une histoire d’amour hors norme, sur l'envoûtante musique de Procol Harum.

Publié dans Films

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