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La France perd l’une de ses dernières grandes consciences morales

Publié le par Michel Monsay

La France perd l’une de ses dernières grandes consciences morales

Homme d'exception, icône de l’humanisme à la française, orateur prodigieux et avocat redoutable, Robert Badinter est entré dans l’histoire en réussissant, comme garde des Sceaux de François Mitterrand, un doublé juridique magistral : l’abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981, et la dépénalisation de l’homosexualité, le 27 juillet 1982. Au-delà de ces deux avancées historiques, son bilan comme Garde des Sceaux est impressionnant au vu du nombre de réformes indispensables qu'il a mises en place. Il y a plus de quarante ans, Robert Badinter avertissait déjà : «Les générations à venir seront confrontées à un problème majeur de criminalité, car on ne peut pas construire une société sur le profit, sur la consommation, sur la rupture des liens de communauté et de solidarité, sur la rivalité entre les êtres et sur le repliement sur soi-même, et espérer qu’on n’augmentera pas en même temps la criminalité.» Qu’il est difficile aujourd’hui, quand la politique n’est qu’une lecture effrayée de sondages d’opinion et que tant de politiciens ne sont que des girouettes effarouchées du moindre coup de vent, de comprendre la trajectoire d’un homme qui a mené ses combats contre tout populisme et souvent contre une opinion publique chauffée à blanc par les ennemis de la liberté. La mort de Robert Badinter laisse un vide sidéral dans un pays qui ne l’aura pas assez écouté. Il n'y a plus aujourd'hui d'homme ou de femme politique de son envergure, voilà pourquoi on en est là, avec l'extrême droite si près du pouvoir, un Président tellement décevant et une classe politique au mieux insipide qui n'inspire plus rien. Encore une fois, merci à Libération pour cette magnifique Une pour rendre hommage à ce génial humaniste dont la force de conviction vous prenait aux tripes.

Publié dans Chroniques

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Formidable hommage à une artiste tuée à Auschwitz

Publié le par Michel Monsay

Formidable hommage à une artiste tuée à Auschwitz

Usant de gouache et de mots, l’Allemande Charlotte Salomon a mis sa courte vie en dessins. Après le livre de David Foenkinos, Muriel et Delphine Coulin explorent son œuvre avant-gardiste dans un documentaire bouleversant. «Prenez-en soin, c’est toute ma vie. » C’est avec ces mots inquiets, laissant présager d’une issue fatale, qu’une jeune Allemande de 25 ans abandonne de lourds cartons remplis de dessins à un médecin de Villefranche-sur-Mer, un matin de 1943. Quelques semaines plus tard, elle est arrêtée et déportée à Auschwitz, où elle meurt dès son arrivée, enceinte de cinq mois. Il aura fallu des décennies pour que le précieux trésor de Charlotte Salomon, confié au bon soin du Dr Moridis, émerge aux yeux du monde. Et que se révèle le talent de cette artiste précoce, qui signa en quelques mois une œuvre graphique et autobiographique unique, intitulée avec une belle ambiguïté Vie ? Ou théâtre ? Un ensemble phénoménal de mille trois cents gouaches colorées et de textes calligraphiés, tout en noirceur lucide et en ironie mordante, imaginant une forme narrative hybride entre la bande dessinée, le livret d’opérette et le story-board de film. Pour donner vie à ce documentaire, les sœurs Coulin, à qui l'on doit deux très bonnes fictions, 17 filles et Voir du pays, plongent dans cette œuvre pléthorique, conservée au Jewish Museum d’Amsterdam depuis que la famille de Charlotte, qui a pu récupérer les précieux cartons de dessins, en a fait don, dans les années 1970. Les réalisatrices rendent magnifiquement hommage aux admirables qualités graphiques, qui étincellent de couleurs chaudes, d’expressivité poétique, de sens féroce de la caricature et dont le trait cousine avec Chagall, de cette précoce artiste originaire de la bourgeoisie juive berlinoise, dont l’insouciance fut balayée dès l’enfance par les drames familiaux puis le fracas de l’Histoire. Vicky Krieps, Mathieu Amalric, Hanna Schygulla, Catherine Ringer et André Wilms prêtent leur voix aux protagonistes du petit théâtre de Charlotte Salomon, tout à la fois noir et baigné de couleurs, où l’art fait figure d’ultime rempart face au désespoir et aux suicides en cascade qui enténèbrent l’histoire familiale. Aux superbes gouaches qui alimentent ce précieux documentaire se mêlent des images d’archives, des musiques et des bruitages, pour une évocation aussi émouvante que délicate d’une artiste au talent fauché par la barbarie nazie.

Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie est à voir ci-dessous ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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Les ravages d'une masculinité meurtrière

Publié le par Michel Monsay

Les ravages d'une masculinité meurtrière

Iron Claw a beau s'ouvrir sur un match de catch, cette discipline sportive si particulière n'est que la toile de fond du film de Sean Durkin, et non son principal sujet d'étude. À travers le catch, c'est une histoire de fratrie sous l'emprise d'un père autoritaire, obsédé par la réussite et la gloire, que raconte le film, en l’occurrence celle de la famille Von Erich, qui a marqué l'histoire du catch dans les années 1980. Une des qualités du troisième film de Sean Durkin, après les très remarqués The Nest et Martha Marcy May Marlene, dont on a compris que le thème de prédilection était les mécanismes d’emprise masculine, est de raconter les dégâts d'une paternité toxique sans en grossir le trait, en en laissant décanter les vapeurs à mesure que le film avance. Tout en muscles suintant de testostérone et en cheveux longs, les quatre frères sont entrainés par leur père à poursuivre la soif de reconnaissance de ce dernier, quitte à s’y brûler la santé, le corps et le mental. Ce n’est pas une mystérieuse malédiction qui les poursuit, mais bien les ravages d’une masculinité meurtrière. À travers ce symbole du père, c’est aussi une certaine idée de l’Amérique, blanche, de droite et du sud, qui est battue en brèche. Si on pense parfois à Foxcatcher de Bennett Miller (2014) dans cette façon de mettre en scène l’épuisement et la chute de la puissance du corps masculin, Iron Claw rappelle aussi Celui par qui le scandale arrive de Vincente Minnelli (1960) dans sa critique d’un patriarcat assassin. Le plus beau et triste à la fois est que ces quatre frères classés par ordre de préférence et poussés à la rivalité, restent miraculeusement unis et aimants. Ils s'écoutent, règlent leurs différends quand ils en ont, s'admirent et prennent soin les uns des autres, malgré leur soif de reconnaissance paternelle. Zac Efron qui tient ici son meilleur rôle, physiquement métamorphosé, monstre herculéen au regard d’enfant, incarne avec justesse le frère ainé, habité par une naïveté salvatrice, face à un Holt McCallany impressionnant dans le rôle du père, tous deux entourés par une troupe d'acteurs et d'actrices convaincants, dont la lumineuse Lily James. Avec en arrière-plan toute la violence et la pudibonderie de la société américaine, qui voue un culte aussi fervent au Christ qu'aux armes à feux, Iron Claw nous interroge sur les codes de la virilité, et sur l'éducation et les conséquences de ce que l'on transmet comme valeurs aux garçons, dressés pour combattre, interdits de sentiments et d'émotions. Sean Durkin met en scène l'histoire de cette famille comme une tragédie grecque, avec par moments une esthétique de péplum qui figure très bien l'univers haut en couleur et proche de l'ambiance des arènes antiques de cette étrange discipline, quelque part entre le sport et le spectacle.

Publié dans Films

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Ils nous manquent tant !

Publié le par Michel Monsay

Ils nous manquent tant !

Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, les champions olympiques et cinq fois champions du monde, qui ont décidé de se mettre en pause de compétition depuis mars 2022, ont cependant participé à des tournées et spectacles en 2023. ils n'ont pas pour l'instant décider s'ils allaient reprendre la compétition ou l'arrêter définitivement, voilà pourquoi ces occasions de les revoir danser ensemble nous procure un bonheur absolu, notamment sur Roses, une très belle musique de Jean-Michel Blais. Indéniablement, ils incarnent la grâce ultime et ce qui se fait de mieux dans l'histoire du patinage artistique.

Publié dans Chroniques

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Une déclaration d’amour au jazz et à la bossa nova

Publié le par Michel Monsay

Une déclaration d’amour au jazz et à la bossa nova

Ce très beau film d'animation est à la fois une ode à la bossa nova, une enquête sur la disparition d'un grand pianiste brésilien, et un hommage à une Amérique latine laminée par les dictatures militaires. C'est aussi un passionnant voyage musical, historique et nostalgique où l'on croise d'immenses légendes de la musique, de Vinícius de Moraes à Chico Buarque, de Jobim à Caetano Veloso, mais aussi Ella Fitzgerald, Bill Evans et Bebo Valdés... Le titre They Shot the Piano Player est un clin d'œil au film de François Truffaut Tirez sur le pianiste  (1960). Il rappelle que deux mouvements artistiques d'ampleur, la bossa nova au Brésil et la Nouvelle Vague en France, ont surgi au même moment, et que Truffaut a marqué fortement certains artistes brésiliens. Le duo de réalisateurs à la baguette de ce film est composé de Fernando Trueba, cinéaste, scénariste et producteur musical, et Javier Mariscal, illustrateur, auteur de BD, graphiste et peintre, qui avaient déjà coréalisé le film d'animation Chico et Rita  (2011), une immersion euphorisante et mélancolique dans le milieu du jazz cubain. Les voilà de nouveau réunis autour d’un long-métrage animé, pour célébrer le continent latino-américain et la musique, à travers l’enquête d’un journaliste américain sur la disparition à Buenos Aires d’un prodige brésilien du piano, à la veille du coup d’État militaire argentin. Francisco Tenorio Jr s’est évaporé une nuit de mars 1976. Entre fiction et réalité, ce film crée son univers en assemblant les pièces accumulées par Fernando Trueba, qui a initialement voulu réaliser un documentaire en prises de vues réelles sur ce mystère. Il a sillonné le monde et la capitale argentine, et filmé plus de cent cinquante interviews, jusqu’à l’épouse de Tenorio, qui s’est confiée pour la première fois. La création par l’animation permet de ressusciter judicieusement le disparu, artiste épatant et violemment éliminé, le berceau carioca de la bossa nova, et la propagation de la dictature argentine, tout en s’autorisant la fiction à travers un guide extérieur, journaliste musical contemporain, inventé pour faciliter la narration. L’équilibre était périlleux à trouver entre l’hommage musical et le thriller politique. Les auteurs y parviennent parfaitement à force de tissage ingénieux et de beauté plastique. Le travail de Javier Mariscal et de ses équipes sur la couleur est captivant de nuances, de la luxuriance à la noirceur, et le trait n’est jamais forcé. C’est donc la joie et la douleur, la lumière et l’ombre, la vie et la mort, qui s’entrelacent sur l’écran. Ces sensations gagnent aussi le spectateur, car le tour de force des réalisateurs repose sur l’expérience sensorielle d’un univers enfui, sur l’invincibilité de la musique, et sur le témoignage historique et politique d’un monde dominé par le totalitarisme. Un regard au présent, où il fait bon de rappeler les horreurs du passé. They Shot the Piano Player rappelle enfin combien les artistes demeurent des symboles de liberté, envers et contre toutes les dérives. Une vérité brûlante d’actualité, partout où violence et ségrégation sévissent. Au final, un passionnant thriller documentaire animé, politique et musical.

Publié dans Films

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Une fois de plus, écœurant !

Publié le par Michel Monsay

Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
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Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !
Une fois de plus, écœurant !

Publié dans Chroniques

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Une heure hilarante d’introspection et d’élucubrations

Publié le par Michel Monsay

Une heure hilarante d’introspection et d’élucubrations
Une heure hilarante d’introspection et d’élucubrations

Dès les premières minutes d’Ô dedans, enregistré lors des ultimes représentations à l’Olympia, en décembre 2023, Roman Frayssinet, l’avoue : depuis son précédent spectacle, il a pris un sacré recul sur la vie et sur lui-même. À tout juste 30 ans, il s’est débarrassé de toutes ses addictions (drogue, alcool, sexe). Exit la nonchalance excessive, avec l’arrêt des substances, Roman Frayssinet s’est détaché de tous les travers qui en découlent, le culte de l’ego et des apparences, la peur du silence et de la solitude. Dans une scénographie minimaliste ingénieuse, nous donnant l’impression d’être quasiment seul au monde avec lui, il nous livre un spectacle hilarant en forme d’introspection, bourrée de digressions absurdes et rocambolesques. À la fois récit de vie lunaire et délirant, et cheminement intellectuel drôle, malin et émouvant, c’est le spectacle d’un homme apaisé, désormais à l’aise avec ses émotions, qui se révèle enfin à lui-même. La sobriété l’a rendu plus sensible, plus profond, sans nuire à son talent. L'humoriste déroule, sans temps mort, ses observations à propos notamment de la chirurgie esthétique, de ce que nos choix de vêtements disent de nous ou encore de l’injonction faite aux hommes de ne pas pleurer. Son souhait est, avant toute chose, de nous faire prendre du recul sur nous-même et nos propres perceptions du monde. À l’ère de la mise en scène de nos vies sur tous les réseaux, Roman Frayssinet rit des apparences. Il parle à la première personne et nous, on rit de ce que nous sommes. Assurément, un de nos tous meilleurs humoristes.

Ô dedans est à voir ici.

Publié dans replay

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Le souffle épique de John Woo à son meilleur

Publié le par Michel Monsay

Le souffle épique de John Woo à son meilleur

En 2009, après quinze années d’exil hollywoodien, John Woo revenait en Chine et livrait cette fresque historique fougueuse avec de belles échappées poétiques et des personnages nuancés. Adaptée d'un grand classique de la littérature chinoise, cette épopée guerrière décrit les événements à l'origine de la chute de la dynastie Han et de la partition de l'empire du Milieu en trois royaumes, au IIe siècle de notre ère. John Woo ne perd pas son temps, ni son spectateur, en tractations politiques. Il se concentre sur les stratégies martiales, et au fil des morceaux de bravoure où le cinéaste impressionne par sa maîtrise de l’action pure et la frénésie sensuelle des combats, on se familiarise avec L'Art de la guerre, texte fondateur de la stratégie militaire chinoise dont s'inspire le réalisateur : un subtil mélange de ruses et d'opportunisme. Un tel souffle épique est aujourd’hui rarissime, et l’éloge de l’héroïsme, de l’honneur et de l’amitié font renaître l’enfant épris de romantisme chevaleresque qui est en nous et que John Woo n’a jamais cessé d’être. Il n’y a que lui pour réussir un film foncièrement pacifiste où la guerre est aussi belle à voir.

Les 3 royaumes est à voir ici pour 3,99 € en location.

Publié dans replay

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Meurtres dans un jardin anglais

Publié le par Michel Monsay

Meurtres dans un jardin anglais

Ce passionnant téléfilm en deux parties nous raconte l'histoire des monstres de Gloucester, le couple qui horrifia l’Angleterre dans les années 90. En adoptant une approche psychologique, le scénariste brosse un portrait glaçant de vérité du couple de serial killers. C'est le mari qui est d'abord arrêté et on lui assigne une personne référente, qui, dans le système judiciaire anglais, veille aux droits et à la compréhension des enfants et des personnes vulnérables suspectés d'infraction pénale, la « femme de confiance » du titre. Cet étrange duo qui se forme est servi par la performance de deux excellents comédiens, d’une intensité rare dans la partition du chat et de la souris : Emily Watson, inoubliable héroïne de Breaking the waves ou plus récemment de l'une des meilleures miniséries de ces dernières années, Chernobyl, et Dominic West, héros ambigu, tour à tour bouleversant et détestable de la série The Affair, ou plus récemment Charles dans The Crown. Il est ici d’une ambivalence inquiétante, et montre une autre facette de la richesse de son jeu. Ce téléfilm déroule son récit par le prisme de cette relation trouble qui n'a de cesse d'interroger. Pourquoi cette femme poursuit-elle cette mission ô combien perturbante alors que l'individu qu'elle assiste est parfaitement en état de comprendre le contenu de ses échanges avec les forces de l'ordre ? Pourquoi s'investit-elle au point de délaisser sa famille ? En tout cas, la confrontation entre cette mère pleine d'empathie et le psychopathe est tout aussi troublante que fascinante, d'autant que les auteurs, la femme est peut-être encore pire que le mari, font montre d'un flegme sidérant face aux crimes horribles qu'ils ont commis. Toujours là pour nous faire découvrir des programmes inédits et souvent de qualité, Arte est allé déniché ce téléfilm de 2011 et on ne peut que les en remercier.

Une femme de confiance est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Troublant miroir à deux faces

Publié le par Michel Monsay

Troublant miroir à deux faces

Todd Haynes a un don pour creuser l’ambiguïté humaine. De fiction en documentaire, de sujet original en adaptation, de figure anonyme en célébrité iconique, il déploie un éventail complexe. Celui du regard d’un cinéaste sur des sujets d’études qu’il déconstruit pour mieux les reconstruire à sa manière, comme dans l'excellent Dark waters. Il filme ici un duo de femmes, entre fascination, vampirisation et affrontement, comme Ingmar Bergman le fit avec le remarquable Persona. May December est une réflexion sur la manière de raconter, de restituer, voire de penser une histoire et ses conséquences, tant du point de vue d'une actrice que d'un cinéaste. Une mise en abyme à la fois habile et honnête, puisque le scénario s’inspire d’une affaire réelle, celle de Mary Kay Letourneau, dans les années 1990. La présence des papillons, dont le cycle de vie (de l’œuf à la chenille, de la chrysalide à l’éclosion de l’adulte) rythme l’ensemble du film, esquisse le motif majeur de May December : la métamorphose qu’elle soit souhaitée, subie ou empêchée des différents protagonistes. Dans sa construction sous forme d’enquête où se télescopent des discours contradictoires, May December n’est pas sans rappeler les films de procès récents comme Saint Omer ou Anatomie d’une chute, qui butaient également sur l’impossibilité de déchiffrer une figure féminine opaque et suspendaient leur jugement. Natalie Portman, à l'instar de sa formidable prestation dans ce film, est rarement aussi convaincante que lorsqu’elle interroge son image d’éternelle bonne élève, comme dans Black Swan ou Jackie notamment. De May December, on pourrait dire que c’est une comédie légère, qui se moque de l'hypocrisie américaine. Non, c’est un drame en sourdine. Non, non, c’est une pièce de théâtre qui se moque du cinéma… Chez Todd Haynes, c’est toujours ainsi : avec talent, humour, finesse, le cinéaste nous balade dans divers genres, soulève quelques questions morales, se délecte des références filmiques glissées çà et là, et s’amuse à dynamiter les conventions sexuelles, comme dans ses deux plus beaux films que sont Carol et Loin du Paradis. Todd Haynes ne juge pas, ne condamne pas, mais, comme toujours, cherche l’inconfort du spectateur, et ça nous change tellement de la plupart des films, bien trop lisses et consensuels. Mensonges, faux-semblants, illusions… Peu à peu, tout change : rien n’est conforme à l’apparence, et les deux personnages de femmes se fondent en un seul, graduellement. Étonnante métamorphose, portée par deux actrices subtiles et déstabilisantes : on assiste, avec plaisir et malaise, à un vol d’identité.

Publié dans Films

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