Un film délicat sur la difficulté d'être soi dans la ruche du monde

Publié le par Michel Monsay

Un film délicat sur la difficulté d'être soi dans la ruche du monde

Le temps d’un été au Pays basque, Coco, 8 ans, affirme son identité. Celle-ci diffère du genre qui lui a été assigné à la naissance. La force de ce premier film réside dans sa manière de plonger directement au cœur du sujet, la transidentité, sans s’embarrasser des habituelles précautions d’usage sociologiques. Frontale, affirmée et douce, cette fiction réfute les codes de la fiction à thèse ou militants pour capter avec complicité les éveils d’un corps s’enhardissant à dire ce qu’il est profondément. Le jury berlinois a décerné le prix d’interprétation à sa très jeune comédienne principale, Sofia Otero, qui irradie de vérité. De son regard d’un brun intense se dégage une forme de lassitude et d’extrême mélancolie, qui peut passer d’un coup pour laisser place à une colère et à une inébranlable volonté. Réalisatrice basque, Estibaliz Urresola Solaguren nous propose un film qui se situe dans la lignée du merveilleux documentaire de Sébastien Lifshitz, Petite Fille, mais ce projet, poétique et délicat, voit plus loin que son sujet et l'inscrit dans le paysage. De fait, le film amène les personnages à se questionner sur leur identité. Ainsi, la mère se pose la question de l’héritage artistique sexiste que son père lui a laissé, tandis que la grand-mère est confrontée à sa vision binaire du genre. Par effet de propagation, la question de l’identité rejoint celle du territoire, et de la langue. Basque, le personnage central est à la fois français et espagnol tandis que le dialogue passe du basque au français et au castillan. S'il existe 20.000 espèces d'abeilles, peut-être y a-t-il plus de deux façons d'être humain, comme l'a compris le beau personnage de la grand-tante, vieille apicultrice consciente de la biodiversité et de ses richesses, la seule, dans sa sagesse, à vraiment entendre la petite fille enfermée dans son short de garçon. Ce film mystérieux et émouvant, d’un naturalisme solaire, petit miracle de simplicité sur un sujet douloureux, interroge, plus largement, le cadre familial, son poids, ses structures inamovibles que chacune, à un moment ou à un autre, doit transgresser pour se réaliser.

20 000 espèces d'abeilles est à voir ici en location pour 2,99 € ou sur toute plateforme de VOD.

Publié dans replay

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