Une fable qui a du style et du chien dans une Chine pauvre et désolée
Nous sommes dans les plaines du désert de Gobi, dans les années 2000. La télévision montre les JO de Pékin 2008, qui se préparent, loin, très loin de cette Chine oubliée, misérable, peu vue au cinéma. C’est filmé comme un western, en panoramique à travers des steppes fantomatiques, jalonnées de cirques, de zoos à l’abandon. Un monde à l’agonie, où les animaux semblent prendre le dessus. Conte ou prémonition ? Peu de dialogues, de personnages, le cinéaste Guan Hu, qui a reçu le Prix Un certain regard au Festival de Cannes, slalome entre l’immensité des paysages et l’intimité du lien entre un humain et un animal, qui est comme un salut. Il inscrit son film dans le réel le plus terre-à-terre, dans cette Chine pré-olympique de 2008 ayant bâti et bâti encore pour se faire vitrine d’une certaine forme de miracle économique aux yeux du monde, ceci au détriment d’une population littéralement appauvrie et spoliée de ses villes et villages, chassée de ses habitations, jetée sur les routes en laissant en chemin ses animaux de compagnie. C’est le contraste entre la dureté de la peinture de cette chine contemporaine, mise en scène avec un mélange étonnant de beauté graphique en cinémascope et de raideur formelle, symbolisée par le mutisme du personnage principal, et la profonde douceur qu’elle dissimule qui rend le film si troublant. Ce western crépusculaire dénonce les mutations économiques tragiques et la perte des idéologies collectivistes. A 56 ans, le cinéaste a derrière lui trente ans de carrière, mais Black dog est son premier long-métrage qui sort en France. C'est un film traversé par des imaginaires contradictoires, convoquant autant le western classique américain qu’une frange contemplative du cinéma chinois contemporain, Mad Max et la comédie noire. Mais dès lors qu’on plonge à l’intérieur des références, Black Dog se révèle bien plus fin et précis qu’un simple film-hommage, et consiste plutôt en une charge politique contre le pouvoir chinois non dénuée d'humour.