Un entrelacs lumineux d’instants simples et cruciaux

Publié le par Michel Monsay

Un entrelacs lumineux d’instants simples et cruciaux

 L’Attachement de Carine Tardieu brille par sa subtilité et sa capacité à entremêler brillamment drame et comédie. La délicatesse au cinéma est rare et précieuse. Elle est au cœur de L’Attachement, et en fait le sel. Carine Tardieu tisse avec finesse les fils ténus de l’existence et parvient à relâcher, sans les défaire complètement et pour notre plus grand bonheur, les nœuds complexes des émotions humaines. La singularité de sa voix réside certainement dans son approche narrative et visuelle, si personnelle, qui lui permet de capturer avec une authenticité désarmante l’essence des relations humaines sans artifice. Ses dialogues, réalistes sans jamais être pauvres, révèlent ou dissimulent habilement. Son autre talent incontestable est la direction d’acteurs. Dans Les Jeunes Amants (2022), elle nous offrait avec Fanny Ardant et Melvil Poupaud un couple improbable et une alchimie palpable. Dans L’Attachement, Carine Tardieu parvient à révéler chez ses interprètes des nuances insoupçonnées et à extraire de leurs personnages la substantifique moelle de son récit. Valeria Bruni-Tedeschi livre une performance magistrale, explorant des territoires de jeu rarement atteints dans sa carrière, très loin de ses rôles habituels. Pio Marmaï, dont on connaît pourtant la vaste palette et l’intensité, nous touche par la justesse de ses émotions. Vimala Pons et Raphaël Quenard distillent eux aussi avec profondeur et nuance leurs personnages respectifs. Enfin, il y a cet enfant de six ans, effarant, merveilleux, drôle et décalé. Carine Tardieu a l’art de la suggestion. Elle disperse adroitement les sous-entendus, emploie les ellipses avec audace. Elle manie intelligence et sensibilité sans jamais brusquer nos cœurs devenus aussi fragiles qu’endurcis par une époque brutale. En tissant ainsi des liens invisibles mais indélébiles, sans jamais sombrer dans l’artifice, elle nous invite à ressentir plutôt qu’à simplement voir, et à nous attacher aux personnages comme ils s’attachent les uns aux autres. Son regard profondément humain et sa maîtrise du non-dit nous rappellent combien la retenue mise au service de l’émotion, de la forme et du fond, peut s’avérer puissante. On en ressort avec la certitude que c'est le lien avec les autres qui fait sens, quelles que soient les plumes qu’on doit parfois y laisser. Carine Tardieu confirme avec ce septième long-métrage son talent pour dépeindre la vie dans ce qu'elle a de plus intime. Elle tire sur les fils qui tricotent ce lien mystérieux qu'est l'attachement. Focalisant ici sa caméra sur ce qui est habituellement relégué dans les décors ou les arrière-plans, la cinéaste nous emmène loin des scénarios attendus. Elle scrute les sentiments, les émotions, dans la simplicité du quotidien, dans des situations qui peuvent paraître anodines, mais qui composent en réalité le nerf de l'existence.

Publié dans Films

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