Passionnant portrait d'un acteur pas comme les autres
Thierry Demaizière et Alban Teurlai réalisent un documentaire sur et par Vincent Lindon, aussi saisissant que déroutant de sincérité. Sur la base de nombreuses heures filmées par l'acteur lui-même, ce documentaire révèle un artiste sans filtre et plein de contrastes. Entre journal intime et autoportrait, ce film réalisé par le duo Demaizière et Teurlai est le second documentaire qu'il consacre à Vincent Lindon. Du premier film, centré davantage sur l'acteur, sa filmographie et son enfance, est né un lien d’amitié entre Vincent Lindon et les deux réalisateurs. Pour ce second film, ils ont proposé à celui-ci de se filmer et de s’enregistrer lui-même à l’aide de son téléphone, comme pour une sorte de journal intime. Entre fulgurances, coups de gueule et coups de spleen, on découvre un homme authentique, à la fois fragile et sûr de lui, à la fois fataliste et enthousiaste, un homme capable de drôlerie et de beaucoup d’autodérision alors qu'il peut nous apparaître sous les traits de quelqu'un de dépressif, ce qu'il n'est absolument pas le cas, selon les dires des deux cinéastes. Comme Vincent Lindon, dans des dîners, a des fulgurances, des moments où il est absolument génial, où il est en colère, où il est irrésistiblement drôle, ils ont commencé à le filmer à son insu. Pas pour le piéger, mais pour ne pas dénaturer le moment. Et au bout de quelques semaines, ils lui ont dit qu'ils le filmait et lui ont demandé s'ils pouvait continuer. Le comédien a donné son autorisation, mais les deux auteurs du documentaire ne pensaient pas que cela allait durer quatre ans. Cœur sanglant ne ressemble à aucun autre documentaire. Ici, pas de voix off ni d’interventions extérieures : seul Vincent Lindon s’exprime, dans un monologue intérieur ponctué d’émotions brutes. Le film se construit autour de messages vocaux qu’il enregistre, des confessions livrées sans retenue sur ses angoisses, ses colères et ses aspirations. À travers 150 heures de rushes, les réalisateurs ont façonné une œuvre qui oscille entre introspection et spontanéité, révélant un Vincent Lindon vulnérable, torturé, mais aussi drôle et excessif, entre colère et tendresse. Le documentaire met en lumière son besoin viscéral d’être écouté, compris, et surtout aimé. L’un des fils conducteurs du documentaire est le rapport de Vincent Lindon à son passé et à son enfance. Il confie avoir grandi avec des tics nerveux qui inquiétaient ses parents et généraient une déception pour eux, et explique que son besoin constant de reconnaissance vient en grande partie de là. Ce manque initial se reflète dans sa quête incessante de l’amour du public et de ses proches. Le drame de sa vie est que ses parents ne l’aient pas vu devenir célèbre. D'où le côté testamentaire de ce film à l'adresse de ses enfants. Quand tant de documentaires sur des personnalités ont tout du lissage auto-promotionnel complaisant, l'acteur prend visiblement un malin plaisir à faire tout l'inverse, à montrer ses aspérités, ses travers, ses faiblesses, à dire l'inavouable. La peur de mourir, et donc de vieillir est un thème récurrent qui alimente ses angoisses. Seule sa fierté semble lui offrir de rares répits. Comme lorsqu’il est choisi pour présider le Festival de Cannes, en 2022, ou reçoit le Prix d'interprétation à Cannes et la Palme d'or pour Titane. Comment ne pas être touché par les failles de cet acteur génial, écorché vif ? Une confession intime qui permet aussi de comprendre pourquoi et comment l’acteur s’investit autant dans ses rôles au cinéma, et pourquoi sa manière de jouer est aussi réaliste et fascinante.
Vincent Lindon cœur sanglant est à voir ci-dessous ou sur le replay d'Arte.