Les images de l'effroi lors d'un moment charnière du journalisme télévisé
Une journée de septembre à jamais gravée dans les mémoires meurtries. L’impensable capturé pour l’éternité. Un attentat en temps réel à la télévision. Pour beaucoup d’entre nous, c’est à 2001 que l’on pense immédiatement, à ces deux tours réduites en poussières sur l’autel du fanatisme. Pourtant trente ans auparavant, le 5 septembre 1972, l’horreur avait déjà trouvé son visage en direct sur les postes de millions de foyers. Pour la première fois, grâce à l’arrivée des technologies satellites, les Jeux Olympiques allaient pouvoir être suivis sans discontinuité, dans le monde entier. La dernière compétition en Allemagne, en 1936, avait servi de tremplin à la propagande nazie. Cet évènement sera celui de la réconciliation, une célébration festive de l’esprit sportif et de la camaraderie. Mais un groupe terroriste en décidera autrement. Alors que les caméras de la planète sont braquées sur eux, ils vont prendre en otage des athlètes israéliens pour réclamer la libération de 234 prisonniers palestiniens. La suite est dans les livres d’histoire ou dans les souvenirs voilés de larmes de ceux qui étaient en âge de fixer un écran à l’époque. Ce n’est pas la première fois que le cinéma s’empare de cet épisode. On pense notamment au Munich de Steven Spielberg. L’angle de Tim Fehlbaum est de raconter le drame par le prisme de la régie en charge de le télédiffuser. Huis clos passionnant et saisissant, le film est un thriller qui laisse l’atrocité en arrière-plan. Sans surligner les ponts évidents avec notre époque, 5 Septembre interroge notre propre regard face aux images, questionnant la déontologie, la morale et l’éthique à un moment clé de l’audiovisuel, où ne pouvant s’appuyer sur aucun précédent, des reporters ont dessiné les limites de la décence. Dans notre ère de la violence omniprésente, où on l’on ne prend plus le temps de flouter l’infamie pour quelques vues et clics en plus, ce témoignage proche du docu-vérité n’en devient que plus captivant. Emportés dans un tourbillon frénétique, les protagonistes ne cessent de crier, paniquer, essayer tant bien que mal de garder le contrôle face à une situation sur laquelle ils n’ont aucune emprise ni maîtrise. Pourtant, dans cette effervescence permanente, c’est un silence qui choquera le plus, celui des protagonistes après avoir appris l’étendue de la tragédie. Car là-aussi, les mots n’auraient pas été à la hauteur. Plus d'un demi-siècle après les faits, ce film puissant, non content de revenir sur un épisode capital de l'histoire moderne, interroge aussi notre époque où les surenchères médiatiques, sur les chaînes d'info comme ailleurs, sont devenues des normes accablantes. Intelligent, minutieux, épuré, précis, et servi par une distribution impeccable, notamment Leonie Benesch, que l'on avait adorée dans La salle des profs, 5 Septembre est une réflexion pleine d’intelligence sur les enjeux éthiques de la fabrique de l’information en continu.