Cette tragicomédie réussit ce prodige d’être un geste politique et un moment suspendu
Mahin a 70 ans, son mari est mort depuis longtemps, elle voit de temps à autres ses copines, téléphone à sa fille qui a peu de temps à lui consacrer. Ses jours et ses nuits sont semblables depuis la nuit des temps. Le temps : c’est ce qu’elle a de plus dans sa vie. Le temps de dormir. Le temps d’attendre. Mais attendre quoi ? Le film suit sans esbroufe cette femme ordinaire. Mais peu à peu, au détour d’un plan de Mahin solitaire dans le bar chic d’un hôtel, à la faveur d’une phrase échangée avec une jeune femme qu’elle a sorti des griffes de la police, tout le contexte de l’Iran d’aujourd’hui s’immisce dans le quotidien de cette femme normale. Et il est clair que rien n’est normal. Mahin a connu le temps où une femme pouvait chanter, danser, se maquiller, sortir seule, boire un verre. Mahin a connu le temps d’avant la police des mœurs qui depuis 2005 veille au respect des lois de l’Islam. Maryam Mighadam et Behtash Sanaeeha nous offrent un film tendre et iconoclaste porté par la lumineuse actrice Lili Farhadpour et l'attachant Esmaeel Mehrabi. Le duo de cinéastes, dont c'est le deuxième film, a voulu montrer le quotidien des femmes de la classe moyenne en Iran. Une fenêtre rarement entrouverte. Pour dresser ce portrait, ils ont franchi toutes les lignes rouges des restrictions. Trois ans de travail pour dénoncer la mainmise de la République islamique sur la gent féminine. Leur talent est de le faire avec finesse et humour. C’est beau, c’est joyeux et ça vous brise le cœur. Pour cette folle audace, ils sont menacés de prison et assignés à résidence en attente de leur procès pour « propagande contre le régime ». Femme ! Vie ! Liberté !, la révolution qui a embrasé l’Iran suite à l’assassinat de Jina Mahsa Amini n’est jamais citée ici, mais elle respire dans chaque plan du film, comme un cœur qui bat. Mon gâteau préféré est une courageuse célébration des sentiments et de la liberté.