Une minisérie sombre et fascinante

Publié le par Michel Monsay

Une minisérie sombre et fascinante

L’intrigue de Shokuzai semble osciller entre le polar et le drame psychologique. Mais, très vite, Kiyoshi Kurosawa colore son récit d’un climat étrange. Rien d’étonnant pour un cinéaste qui aime flirter avec le surnaturel pour raconter le Japon déshumanisé d’aujourd’hui. Et, depuis ses débuts, excelle à incarner la peur, en maître du hors-champ, cet espace invisible d’où le danger peut surgir à chaque instant. Le fantastique est le moyen que le cinéaste a trouvé pour représenter la psyché tourmentée de personnages rongés par la culpabilité. Ce fantastique naît directement de la banalité du quotidien, grâce à une mise en scène au scalpel. À la manière d'un chef-d'œuvre du cinéma japonais, Rashomon d'Akira Kurosawa, qui n'a aucun lien de parenté avec le réalisateur de Shokuzai, le récit repose sur un drame auquel chacun de ses cinq épisodes fera retour à son commencement, bégayant ainsi la catastrophe initiale, envisagée à chaque fois sous l’angle d’un nouveau personnage, plutôt que de récapituler les épisodes précédents, comme pour l’encercler au lieu de se faire suite, pareilles à des ondes de choc traumatique. Le récit serpente à pas chassés à travers un réseau de névroses, en même temps qu’il investigue à travers chaque figure de femme et la veulerie des hommes qui l’entoure, une forme de précipité des pathologies sociales du Japon contemporain, décrit comme une zone peureuse et poreuse où blessures béantes et indicibles terreurs enfantines s’entrelacent aux désirs adultes. Le somptueux travail de l'image, tout de subtiles rimes chromatiques, oppose le temps chatoyant des jeux enfantins à un futur traumatisé qui n'en serait que la continuation dégradée, aux teintes si fanées que ses héroïnes, qui y trébuchent sans cesse sur les objets les plus anecdotiques d'une réalité méchante, en paraissent cadavériques, des pantins presque zombifiés. Kiyoshi Kurosawa met ici en œuvre tout son génie pour ciseler un récit complexe sur fond de pédophilie, de suicide, de jalousie, de meurtres, de perversions en tout genre et de rédemption.

Shokuzai est à voir ci-dessous ou ici sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article