Une fiction coup de poing sur le drame des migrants
Prix spécial du jury à la Mostra de Venise, le somptueux dix-huitième long métrage de la cinéaste polonaise Agneszka Holland pose un regard à la fois frontal et subtil sur la question migratoire. C’est peu dire que Green Border et sa réalisatrice, ont été violemment attaqués par les plus hauts dirigeants polonais ultra conservateurs à la sortie du film. Et comment ne pas évoquer les menaces de mort et autres insultes sur les réseaux sociaux. Ce n’est malheureusement pas la première fois que la cinéaste est prise à partie pour ses films. Agnieszka Holland, cinéaste de la quête d’identité et des abjections de l’Histoire (Europa, Europa, l’Ombre de Staline), raconte le voyage d’une famille d’immigrants syriens vers l'Europe. Les événements à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie ont commencé à la fin de l’été 2021 et, immédiatement, une zone dite de la mort s’est créée entre les deux pays, dans une forêt marécageuse interdite aux regards extérieurs. C’est là que des milliers de réfugiés désirant mettre un pied dans une Europe aux allures de forteresse ont été ballottés, rejetés, sacrifiés. Filmé dans un noir et blanc tout autant magnifique que funèbre, Green Border est l’œuvre bouleversante d’une réalisatrice révoltée qui, sans prendre de gants, décrit l’horreur et ausculte les dilemmes silencieux. D’une puissance narrative redoutable, l'éclatement des points de vue permet d’opérer une analyse structurelle, plus à froid et moins manipulatrice qu’une simple stratégie immersive nous mettant exclusivement à la place des victimes. A 75 ans, Agnieszka Holland n'a pas renoncé à dénoncer, avec les moyens du cinéma, les douloureux paradoxes de notre époque. Quand on se demande, ces temps-ci, ce que peut le cinéma dans ce monde perdu : réveiller la rage et la révolte si elle s’assoupissent.
Green border est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.