Un émouvant récit d’apprentissage tendrement rude
Second long-métrage du réalisateur japonais de 28 ans, Hiroshi Okuyama, récit d’apprentissage aux forts accents autobiographiques, My Sunshine brille par son charme et sa délicatesse. La pudeur mène la danse dans ce trio hivernal sur l’île nippone d’Hokkaido. C’est l’histoire de trois personnages qui se rencontrent et allient leur solitude, au moment où le paysage se recouvre de neige. La trame émouvante du film naît des projections de chaque protagoniste sur un autre. Assurant l’écriture, la mise en scène, la direction de la photographie et le montage, Hiroshi Okuyama articule une intrigue précise mais sans esbroufe ni maniaquerie. Son sens du cadrage en format carré célèbre les nappes de ouate blanche autant que les silhouettes qui s’entraînent et glissent sur la glace. Tout un art du chromo sans vieillerie et de la vignette sans l’ampleur du CinémaScope, pour rester à hauteur modeste des êtres qu’il croque à l’écran. Le subtil équilibre triangulaire fonctionne dans un état de grâce suspendu mais s’avère humainement fragile, autant que la neige vouée à fondre. Sous couvert de douceur ambiante, le cinéaste raconte l’injonction sociétale, la résignation, et l’homophobie ordinaire, dans un monde où la force apparente l’emporte sur la vulnérabilité, et le hockey sur le patinage. Que fait-on de ses désirs et de ses rêves ? Jusqu’où peut-on les vivre et les assumer ? La tendresse et la mélancolie se donnent la main dans ce jeu de regards. La retenue et la frontalité aussi, dans un puzzle existentiel qui avance par touches, sans explication psychologisante ni lourdeur de sens. La grâce du film repose aussi sur deux jeunes novices, Keitatsu Koshiyama et Kiara Nakanishi, qui allient aisance sur patins comme dans le jeu des émotions. Comme il l’a fait dans la magnifique série Makanai en participant à l'écriture aux côtés du grand Hirokazu Kore-eda, Hiroshi Okuyama capte délicatement et sans effusion les petits gestes du quotidien, les réactions timides, les fou-rires tonitruants, les hésitations, les silences aussi, tout ce qui constitue ses personnages et leur interaction, et en fait un matériau absolument romanesque, beau, humain, simple. Le cinéaste fait de nous les témoins de la naissance d’un instant forcément fugace dans l’existence de son trio, et se dégage de son regard une infinie tendresse pour ces trois personnages. Ce joli film baigné de mélancolie gagne à trouver sa place au milieu du pimpant et du bruit, comme un ami qui veut du bien.