Une épopée sentimentale et fromagère à la fois brute et lumineuse
Louise Courvoisier filme son Jura natal pour nous conter une épopée agricole dotée d’un charme fou. Vingt Dieux est un triple récit de première fois, pour sa réalisatrice, ses comédiens qui sont tous non-professionnels, et son personnage principal. Moderne et rustique, local et universel, elle réussit son affinage avec une sincérité très touchante. Quelle que soit la qualité des films français, semaine après semaine, une petite constellation de comédiens se partage les rôles. 2024 aura brillé de belles exceptions comme L'histoire de Souleymane, Le Royaume, ou Madame Hofmann et maintenant Vingt Dieux, qui rejoint cette veine de films d'une grande puissance, tombés d'horizons différents et interprétés avec une rare authenticité. Ne cherchant jamais à rajouter de la misère à la tristesse, la réalisatrice tire en permanence son film vers la lumière. En ça, Vingt Dieux a un air de La part des anges de Ken Loach au petit goût d’AOP et de produits laitiers. Mais surtout, ce premier long-métrage épate dans sa manière de portraiturer une jeunesse résiliente, débrouillarde et bienveillante, ce qui n'est pas gagné au début du film tant les jeunes garçons sont exaspérants. Sans imposer un quelconque discours hasardeux et sans fantasmer la vie paysanne façon Épinal, Louise Courvoisier nous entraîne dans ce récit d’apprentissage émouvant, idéalement incarné par des acteurs non professionnels, dont Clément Faveau et Maïwène Barthélemy, tous deux épatants, qui jouent le drame sans sensiblerie, l’humour sans truculence et la tendresse sans joliesse. Elle souhaitait raconter son histoire au sein d’un univers réaliste. Jurassienne, fille de deux musiciens reconvertis dans l’agriculture, elle porte sur ses personnages un regard d’une infinie douceur et on comprend mieux d’où vient tout l’amour qui circule dans ce film tendre, sincère, et drôle tout en réussissant à montrer la dureté de la vie rurale et des situations traversées par les personnages. La jeune cinéaste de 30 ans parvient à réaliser un très beau film, jouissif et libérateur, sur fond de détresse sociale du personnage principal, sans tomber dans le pathos ni dans la vulgarité.