Puissant réquisitoire contre les dérives du jeunisme et la dictature des apparences
The Substance résonne comme une véritable déflagration dans les cœurs et les esprits. À la fois film politique et coup de force féministe jusqu’au-boutiste, monstrueux, décapant et régénérant. Sans comparaison aucune avec la vacuité du faible Titane de Julia Ducournau, la réalisatrice française Coralie Fargeat, dont c'est le deuxième film, démonte par le menu l’asservissement d’une femme, ex-actrice qui a connu la gloire de Hollywood et star télé d’aérobic vieillissante mais pourtant toujours très en forme, sous le joug de son image et d’un producteur avilissant. La cinéaste pointe les hommes et la société de consommation avec sa kalachnikov pour une seule revendication : l’arrêt immédiat de l’idolâtrie du jeunisme et des femmes-objets. Avec The Substance, Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes, Coralie Fargeat se révèle la digne héritière d'un David Cronenberg, en mettant au centre de son film le sujet du corps qui est au cœur de l'œuvre du réalisateur canadien. Écrit au cordeau avec une progression narrative qui ne laisse aucun répit, la réalisatrice met aussi en garde contre le star-système, et peut-être tous les milieux du business, qui cultivent l’exception corporelle à travers des jeunes femmes qui doivent être filiformes, toujours souriantes, d’une beauté universelle, dans un système où l’on n’a pas le droit de vieillir, de s’affadir et de se montrer vulnérable. Bien qu’il ne s’agisse que de son second long-métrage, Coralie Fargeat fait montre d’une maîtrise absolue de son sujet et de la mise en scène. Le montage est ingénieux, permettant d’explorer au quotidien toutes les facettes de la monstruosité humaine. Impressionnante Demi Moore, sublime Margaret Qualley et Dennis Quaid en roue libre, s’immiscent parfaitement dans cet univers qui pourrit de l’intérieur à cause d’un capitalisme ravageur qui n’a jamais assez d’argent et d’une jeunesse qui se voudrait toujours plus éternelle. Si des influences propres à Shining, Carrie, Elephant man et autres films d’horreur, pointent leur nez par-ci par-là, ce n’est que pour rajouter au plaisir provoqué par un film aussi cérébral que visuel, servi par une très belle photographie, des cadrages sensoriels, ainsi que des effets spéciaux et maquillages très réussis. Malgré ses sujets très sérieux, le film est d’autant plus rafraichissant que Coralie Fargeat n’oublie pas de conserver un humour féroce, l’ensemble surfant sur une atmosphère grand-guignolesque au milieu de ses élans de violence, lui conférant une valeur politique bien plus importante.