Une prouesse puissante et audacieuse du grand Jacques Audiard

Publié le par Michel Monsay

Une prouesse puissante et audacieuse du grand Jacques Audiard

Drame musical sur fond de narco-trafic mexicain et de transidentité, le génial Jacques Audiard joue une nouvelle fois brillamment avec le feu. Son film est tout autant viscéral et mélo, délicat, féroce et émouvant. Les parties chantées sont magnifiques et ne paraissent jamais artificielles, comme c'est souvent le cas dans la plupart des comédies musicales. Composé par la chanteuse Camille et Clément Ducol, le travail tout en polyphonie, en scansion qui fait sonner les mots, les lie, les délie, les tord, vient se cogner avec grâce contre la mise en scène âpre de Jacques Audiard, toujours au plus près des corps. Ajoutez à cela les chorégraphies mutantes de Damien Jallet, et à l’image quelque chose explose, détonne et rend chaque minute passionnante, car toujours en équilibre. On ne sait pas ce qui est passé par la tête du jury cannois quand il a décidé de ne pas donner la Palme d’Or à Emilia Perez. Le film a néanmoins eu deux prix, celui du Jury et celui de l’interprétation féminine pour Karla Sofía Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez et Adriana Paz, toutes quatre épatantes. Le cinéaste joue avec l’image de façon virtuose. Il plonge ses personnages dans des lumières tour à tour ouatées, fluorescentes ou sombres. Coupe son écran en deux, puis en trois. Fait chanter et danser ses héros au milieu de centaines de figurants. Les mélodies sont époustouflantes, les paroles vibrantes. On a l’impression que le film se réinvente continuellement, que ses coutures explosent. En s’invitant dans un genre totalement nouveau, la comédie musicale, Jacques Audiard fait la démonstration de sa capacité à renouveler son cinéma sans perdre un milligramme de son inventivité et de son goût du polar noir. Sa filmographie est composée de films inoubliables, comme Un prophète, De battre mon cœur s'est arrêté, Sur mes lèvres, ou plus récemment Les frères Sisters, Dheepan, ou De rouille et d'os. En abordant pêle-mêle et de manière frontale des thèmes aussi différents que la place des femmes dans la société, les questions de genre et les nouvelles parentalités, il fait preuve à 72 ans d'ultra-modernité. Avec son dixième long-métrage, Jacques Audiard réalise un film dément, qui nous captive, nous chavire et nous surprend de bout en bout. Espérons maintenant qu'il remporte l'Oscar du meilleur film étranger en mars prochain.

Publié dans Films

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