Une bande-dessinée empreinte de sérénité

Publié le par Michel Monsay

Une bande-dessinée empreinte de sérénité

Il ne doit pas être facile pour un auteur d'arrêter une série phare et de rompre avec un personnage qui l'a accompagné pendant des années. Alors qu'il conclut aujourd'hui avec un dix-septième album sa série Jonathan entamée en 1975, le dessinateur suisse Cosey, Grand Prix du Festival d'Angoulême de la bande-dessinée en 2017, peut être fier d'avoir poursuivi pendant quarante-six ans cette fresque initiatique, à la fois populaire et unique, et d'avoir créé un univers et un personnage qui ont marqué l'histoire du neuvième art. On retrouve dans La piste de Yéshé sa narration fluide, ses choix chromatiques toujours sobres et francs, tout en ocres et bleus, sublimant la pureté du ciel et l'aridité des étendues désertiques. Le récit, limpide, est élégamment empreint de culture, de musique, de littérature, de spiritualité, de philosophie, d'engagement, de gastronomie aussi, ce qui a toujours fait le charme de la série. Petit cousin de Corto Maltese, Jonathan partage avec lui le goût des silences, du jeu, des demi-mots, des amours romantiques… bref, de l’ailleurs dans ce qu’il a de plus attirant. Ses aventures touchent à l’essentiel, à cette quête de réponses qui étreint tous ceux qui ne se satisfont pas d’une existence purement matérielle. L'action de cet album se déroule au Tibet, en grande partie dans un temple bouddhiste, où va séjourner le héros. Jonathan est la parfaite incarnation du voyageur un brin contemplatif, qui prend le temps d’ouvrir ses yeux et son esprit, de découvrir des cultures et de se laisser porter par les rencontres. S’il ne cache pas sa profonde amitié pour les Tibétains, et sait montrer au détour d’une case les vexations et traitements qu’ils subissent, Jonathan se garde bien de juger hâtivement et de mettre tous les chinois dans le même sac. Scénariste discret, Cosey apporte un soin scrupuleux à l’histoire, savant montage de fiction et d’anecdotes véridiques. Comme toujours, paysages et décors sont très beaux, avec cette patte graphique si particulière, cette façon artisanale de découper ses cases et composer ses planches, d’assembler patiemment les aplats de couleurs pour faire sentir une ambiance ou délivrer une émotion. Jonathan est comme une autobiographie imaginaire du dessinateur, une sorte de double fantasmé. Cosey est un grand rêveur, dont l’œuvre laisse une place importante au non-dit, à l’épure. Son personnage principal, Jonathan, est plutôt avare de mots, mais doué d’une extraordinaire sensibilité. C'est un antihéros très attachant, qui parcourt le monde sans esbroufe, ni éclat, mais avec un humanisme qui fait du bien de nos jours.

Une bande-dessinée empreinte de sérénité
Une bande-dessinée empreinte de sérénité
Une bande-dessinée empreinte de sérénité

Publié dans Livres

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article