Une passionnante plongée dans l'atelier d'un génie
C‘est un plafond qui a fait hausser les yeux au ciel. En 1964, quand l’Opéra Garnier lève le rideau sur la nouvelle voûte colorée de 220 mètres carrés que lui a offerte Marc Chagall, Paris bruisse de la rumeur du scandale. Et la presse se déchaîne contre cette intrusion de l’art moderne au cœur du bâtiment second Empire aux rondeurs pâtissières. Soixante ans plus tard, les outrances de la polémique feraient presque sourire, quand on parcourt les coupures de presse jaunies exhumées par le Centre Pompidou dans l'exposition Chagall à l'œuvre, alors même que le fameux plafond chatoyant est devenu un incontournable du patrimoine parisien. De récentes donations des petites-filles de Chagall permettent de découvrir la genèse de cette coupole à la féerie colorée, dévoilée à travers une farandole de maquettes et de dessins préparatoires à la gouache, à l'encre, aux pastels et aux crayons de couleur où la fresque circulaire prend forme sous nos yeux, juxtaposant les chromos d’un Paris de carte postale (tour Eiffel, Arc de triomphe, Sacré-Cœur…) et le panthéon musical de l’artiste (Bizet, Verdi ou Beethoven). « Il faut faire chanter le dessin par la couleur », disait ce mélomane, qui élabora son œuvre monumentale au son de La Flûte enchantée. Cent vingt-sept dessins et collages chatoyants, cinq céramiques et sept sculptures composent cette très belle exposition, qui synthétise l'univers de cet immense artiste, empreint de poésie enfantine et de mythologie personnelle où se croisent folklores juif et slave. À l’entrée de l’exposition, notre regard est happé par des dizaines de superbes dessins : ceux des costumes réalisés pour une production de L'Oiseau de feu donnée par le Ballet Theatre de New York en 1944. La mélodie du pinceau, les notes qui dansent sur la toile, voilà le souffle musical qui anime l’œuvre de Chagall. Une musique qui l’inspire, le guide et le pousse à explorer de nouvelles voies visuelles. Sa peinture fusionne avec la danse elle-même, intégrant les mouvements des danseurs dans les plis des tissus, les éclats de couleur dans les mouvements chorégraphiques, dans une symphonie visuelle époustouflante. Tel un chef d’orchestre visionnaire, Chagall imagine des rythmes colorés, mêlant les arts dans des harmonies géométriques déclinées en une infinité de nuances. Sculpture, céramique, collage, peu importe le medium, tant que le voyage est si beau et si inspirant.
Chagall à l'œuvre est à voir au Centre Pompidou jusqu'au 26 février 2024, en voici quelques exemples :