Film noir sur planète rouge

Publié le par Michel Monsay

Film noir sur planète rouge

Rare incursion dans la science-fiction pour un film d’animation français, Mars Express de Jérémie Périn, dont c'est le premier long métrage, offre une belle réflexion, teintée d’action et d’humour, sur la place des robots dans le monde de demain. En plantant le décor sur une cité martienne en 2200, le réalisateur nous plonge dans un univers cyberpunk angoissant régi par des entrepreneurs corrompus, dans lequel le vivant est recréé de manière artificielle et où les inégalités sont criantes. Les humains se retrouvent dans cette cité martienne, car notre terre est devenue inhabitable, et ils sont en quête d'autres planètes habitables pour les accueillir dans les années à venir, révélant les velléités d’expansion sans limites de l’homme dans l’univers. C’est cette question de l’habitabilité qui fait de cette œuvre de science-fiction une œuvre en lien avec son temps. Si le réalisateur met en scène le principe de mobilité spatiale, il adresse une charge critique contre cette mobilité. Les humains ont beau changé de planète, ils continuent à reproduire les comportements qui rendent leurs environnements inhabitables : la recherche de profit et le refus de l'altérité. Si Mars Express emporte d’emblée la conviction quant au monde interconnecté qu’il nous présente, c’est parce qu’il ne cherche aucunement à le justifier, mais le montre directement en train de fonctionner, gourmand en notations modernistes qui s’accompagnent toujours d’une trouvaille plastique. Jérémie Périn et son coscénariste, Laurent Sarfati, se sont ingéniés à créer des entités – androïdes, hologrammes, hybrides – qui parcourent toute la gamme allant de l’humain au non-humain, du corps à son abstraction, reposant à chaque scène la question de l’être et de ses limites. Un corps augmenté est-il toujours un corps ? L’âme est-elle transférable dans une machine ? La grande idée de Mars Express est cinéphile : construire ce récit d’anticipation à la manière d’un film noir à l’ancienne avec une héroïne féminine cynique et solitaire digne du Marlowe de Raymond Chandler (joliment doublée par Léa Drucker) et lui octroyer un acolyte indéfectible, pourtant mort cinq ans auparavant... Personnage très bien vu que ce Carlos ressuscité, homme de main sensible, mais d’une trop vielle conception informatique pour accepter les mises à jour. Le film use d’un réalisme épuré qui brouille sans cesse les pistes entre humains et robots, partageant le même humour au milieu de la mitraille. Jérémie Périn impose, par sa science de l’animation qu'il pratique depuis de nombreuses années, un épique polar futuriste.

Publié dans Films

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