Une Palme d'or éblouissante

Publié le par Michel Monsay

Une Palme d'or éblouissante

Le choix de la Palme d’or ne fait pas toujours l’unanimité au sein d’un jury, mais relève le plus souvent d’un consensus. A l’issue du festival de Cannes, Ruben Ostlund, le président du jury, a confié que la projection du film de Justine Triet avait été vécue par son équipe comme une expérience collective très intense, et d’ajouter : « c’est tout ce que j’attends du cinéma ». Après La Bataille de Solférino, Victoria et Sybil, Justine Triet dresse un nouveau portrait de femme forte, très sûre d’elle. Du moins en apparence, car la réalisatrice n’aime rien moins que de révéler la fragilité et les doutes de ses héroïnes. Cette fois, ce sont les fêlures d’un couple, ses déséquilibres qui sont mis au jour. Anatomie d'une chute est tout à la fois un drame conjugal qui se teinte de thriller avant de devenir un magistral film de procès, durant lequel on assiste, au fil des prises de parole qui décortiquent la vie d'un couple entre frustrations, jalousie et rivalités, à sa désintégration à travers tous les angles, psychologique, politique, sexuel et finalement judiciaire. Le théâtre de la justice, l’intime face à la machine judiciaire, Justine Triet les capte au sein d’une mise en scène qui marie la liberté du cinéma d’auteur à une assurance du geste digne d’un classique américain. Rien n’est donné pour acquis dans ce grand film sur l’ambiguïté des choses. Vertu cardinale en ces temps d’idées reçues, de lynchages médiatiques et de violences faites aux rapports hommes-femmes. En plus, pour servir parfaitement son ambition, la cinéaste s'est dotée d'une distribution en or, avec à sa tête l’exceptionnelle Sandra Hüller, puits de mystère capable de mêler à la froide dureté d’Isabelle Huppert l’émotive détresse de Romy Schneider. Il va sans dire qu'elle aurait mérité le Prix d'interprétation, mais gageons qu'un bout de la Palme d'or lui revient tellement sa performance est l'une des plus impressionnantes de ces dernières années. Il faut citer également l'excellent Antoine Reinartz et le jeune Milo Machado Graner, fascinant de maturité et de douleur contenue. La caméra filme au plus près les visages, comme pour entraîner le spectateur dans la psychologie des personnages. Justine Triet dynamite les académismes du film de prétoire, ce genre si souvent prévisible avec ses plaidoiries interminables, ses rebondissements surjoués et le cabotinage de ses comédiens. Une écriture remarquable, des acteurs parfaits, une atmosphère vénéneuse font de ce film une œuvre magistrale saluée unanimement par la critique et qui vient de dépasser le million de spectateurs en France.

Publié dans Films

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