Une comédie douce-amère sur les désillusions face à un monde en mutation
Dans son nouveau film, Nanni Moretti filme et joue son alter ego avec humour et causticité. Les légendaires obsessions morales du cinéaste italien sont là mais la drôlerie se révèle plus généreuse et rafraîchissante. Nanni Moretti, 69 ans, dans la peau de Giovanni, cinéaste grincheux et désabusé, limite misanthrope, qui feint d’être dépassé avec une modestie sans doute fausse. Le réalisateur italien a bien conscience de penser que c’était mieux avant, mais il s’en amuse avec un mélange assez audacieux d’ironie acide et de mélancolie à prendre au premier degré. Ce Giovanni a de faux airs de Woody Allen avec ses antidépresseurs, ses monologues et son monde qui s’écroule autour de lui comme un château de cartes. Mais ce que raconte Nanni Moretti, ce n’est pas seulement la crise d’un homme mûr. C’est celle du cinéma, à qui le réalisateur adresse une poignante déclaration d’amour à l’heure où, en Italie, les salles obscures peinent à retrouver la lumière après la crise du Covid. L'acteur et réalisateur campe un metteur en scène bougon et insupportable, affligé par ses proches qui le désespèrent, par son pays qui a oublié son passé, et par un univers des images où prospèrent les apôtres du formatage. Le constat est amer, voire pire, mais Moretti refuse l'apitoiement et la complaisance. Comme à ses plus belles heures il préfère en rire (jaune), notamment dans deux scènes hilarantes : l'une où il interrompt le tournage d'un confrère réalisateur décervelé et parle merveilleusement, en invoquant Tu ne tueras point de Kieslowski, de la violence au cinéma, de sa nécessité et de sa morale, l'autre où il s'engueule avec les représentants de Netflix. Le cinéaste entraîne le spectateur dans un récit buissonnier où les chansons de variété italiennes châtient la morosité et où le pouvoir utopique du cinéma contredit la litanie accablante de la triste réalité. Entouré de ses fidèles et merveilleux acteurs que sont Margherita Buy et Silvio Orlando, et avec un humour qui, plus que jamais, sert d'antidote à la désespérance, Nanni Moretti, dans ce Vers un avenir radieux qui prend parfois des allures de testament, signe un nouveau chapitre inspiré de son grand roman personnel et national avec cette foi sans faille dans le cinéma, qui a le pouvoir de réparer les blessures d’amour, de changer le cours de l’histoire, ou de faire marcher des éléphants en plein cœur de Rome.