Redoutable thriller politique
Sélectionné à Cannes en 2022 pour Un Certain Regard, le troisième film du cinéaste turc Emin Alper s’impose par son ampleur politique comme par son ambition esthétique. Solaire et sombre, ce thriller politique met en lumière ce qui se joue depuis le trop long mandat d'Erdogan, à savoir l’institutionnalisation de la corruption doublée d’un système de terreur. Aux prises avec l'obscurantisme qui sévit à Yaniklar, une ville fictive d'Anatolie qui ressemble à tant d'autres bien réelles, un jeune procureur habité par le sens du devoir et du droit est confronté à la fois à un populisme et un virilisme outrancier, mais aussi à d’immenses gouffres, comme venus d’un monde extraterrestre. Il s’agit de profondes dolines, impressionnants cratères de plusieurs mètres de profondeur. Elles rongent de plus en plus le paysage, par le double effet du réchauffement climatique et une surexploitation des nappes phréatiques. Ces érosions brutales sont comme une métaphore spectaculaire de l'instabilité d'un pays, la Turquie, au bord de l'abîme. Il est question dans Burning days d’urgence écologique, de pénurie d'eau, d’érosion meurtrière, de viol, de corruption, d’homophobie, de scission entre ville et province. Le film puissant, étouffant et angoissant d’Emin Alper, qui tient du thriller et du western, montre comment une communauté, soudée par les malversations, repliée sur ses intérêts et lourdement armée, finit par compromettre puis rejeter l’étranger qui menace ses privilèges. Tous les moyens sont bons pour nuire au justicier, dont les mains sont trop propres. Cette fable politique aux allures de polar brûlant dénonce avec brio la dérive autoritaire et populiste de la Turquie.