Troublante enquête dans les angles morts de la mémoire
Dans son septième roman, Monica Sabolo mène en parallèle le récit de l'histoire d'Action directe et celui de sa propre enfance, deux histoires marquées par la violence et la clandestinité. Son enquête sur le groupe terroriste d’extrême gauche a fait resurgir un traumatisme subi dans l'enfance, et plus largement émerger les zones d'ombre, les secrets et le caractère clandestin de sa propre histoire familiale. En se frottant à la violence radicale, assumée, du terrorisme, la narratrice met à jour celle qu'elle a subie, calfeutrée, plus sournoise, plus compliquée à identifier. Dans cette double enquête, Monica Sabolo interroge la question du crime, et celle de la culpabilité et du pardon. Cette romancière délicate, scrupuleuse et profonde, s’approche dans ce livre au plus près de ce qu’elle nomme « le cœur noir de son histoire », autour duquel déjà elle a construit, de façon plus ou moins visible ou subreptice, ses ouvrages précédents. Que cherche Monica Sabolo, tandis qu’elle scrute à n’en plus finir les quelques clichés dont on dispose de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron ? Apercevoir son propre visage d’adolescente bourgeoise, lisse et docile, intérieurement minée par une enfance chaotique et spoliée. Des résonances qui touchent, en fait, toute existence, la vie clandestine étant cette façon que nous avons tous de tenir à distance ces chagrins qui pourraient nous tuer. En mêlant terrorisme et inceste, violence politique et violence domestique, Monica Sabolo nous conduit de sa belle écriture avec dextérité sur les chemins du silence et ceux de la transgression, et nous touche par ses doutes, sa sensibilité, ses maladresses, les questions existentielles qu'elle soulève, la résurrection de sa mémoire enfouie dans un roman sincère et captivant.