Drôle et touchante variation sur les tourments amoureux

Publié le par Michel Monsay

Drôle et touchante variation sur les tourments amoureux

Depuis ses débuts en l'an 2000, Emmanuel Mouret ne dévie pas de sa ligne et examine, de film en film, les mille et un mystères du sentiment amoureux et de l'art de la séduction avec un raffinement, une élégance et une passion pour le langage, uniques dans le cinéma français d'aujourd'hui. Après deux merveilles qui ont ravi les critiques et les spectateurs grâce à des scénarios sophistiqués où de multiples personnages entrecroisaient leur destin, Mademoiselle de Joncquières et Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait, le cinéaste joue la carte de l'épure et de la simplicité dans Chronique d'une liaison passagère. Comme à son excellente habitude, Emmanuel Mouret orchestre un jeu de dupes farfelu et émouvant avec une rare délicatesse et un art consommé de la suggestion, où il observe avec humour et empathie les petits arrangements de ses personnages avec la vérité et avec leurs désirs imprévisibles. Il semble y avoir comme un passage de relais pour Emmanuel Mouret acteur, qu’on avait l’habitude de voir jusqu’à Caprice. Empruntant à Jean-Pierre Léaud autant qu’à Woody Allen, Emmanuel Mouret avait composé un personnage d’amoureux tourmenté, empreint d’une douceur maladroite. Un rôle faisant écho à plusieurs films avec Vincent Macaigne, qui se glisse avec aisance dans ce personnage. Il y a les choses que les protagonistes se disent, et ce que la mise en scène nous montre. En dévoilant les émotions des amants exclusivement à travers des mouvements de cadres, des jeux de décor et des rythmiques de montage, Emmanuel Mouret les rend d'autant plus intenses. Le cinéaste s’amuse ici à inverser les rôles traditionnels au sein du couple : l’homme, pudique et réservé, versant volontiers dans l’autodépréciation, cède l’initiative à une femme beaucoup plus hardie que lui. Orfèvre de la maladresse sentimentale, soucieux d’expurger la romance de sa part la plus dramatique, Emmanuel Mouret confie à ses deux comédiens une partition funambule : celle d’incarner ce charmant travers de l’être amoureux qui consiste, sous le regard de l’autre, à se mentir à soi-même. Grâce à la précision de l’écriture, à la fluidité et l'inventivité de la mise en scène, Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne donnent à voir toute la palette de leur talent, et font de ce film un moment de grâce à la légèreté trompeuse où l'on rit autant que l'on est attendri.

Publié dans Films

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