Une comédie jubilatoire et touchante
Louis Garrel, acteur et réalisateur, dont le potentiel comique n'était pas franchement évident avant qu'il ne passe derrière la caméra, réussit pour son quatrième long-métrage un formidable film au croisement audacieux entre la chronique familiale, le polar burlesque et la comédie romantique. Alternant les instants de mélancolie et d'irrésistibles scènes de comédie, L'Innocent est un film réjouissant dans sa manière d'aller et venir entre les genres, de ne pas imposer au spectateur de rire ou de pleurer. Comédie sur le jeu, et plus subtilement sur le métier d'acteur et la prise de risque comme art de vivre, L'Innocent donne aussi à voir Louis Garrel tel qu'on ne l'avait jamais vu à l'écran, en grand enfant écrasé par ses névroses. Libéré d'un héritage paternel pesant qui pouvait noyer ses précédentes tentatives derrière la caméra, Louis Garrel se tourne vers la figure maternelle pour trouver une désinvolture et une sensibilité salvatrices. Le film va d'ailleurs puiser dans l'expérience personnelle de sa propre mère, Brigitte Sy, qui a elle-même travaillé en prison et épousé un détenu. Le scénario se coule avec délice dans les codes du genre policier, pour mieux les déjouer. Bien sûr, il y a des poursuites, des filatures, des portes de prison, des fonds de troquets et des revolvers. Cependant, L'Innocent se veut surtout un film d'amour sur le métier d'acteur. Cet art étrange, ce talent de s'épanouir en se fuyant, de devenir pleinement soi-même en jouant le rôle d'un autre. Les comédiens du film sont d'ailleurs tous parfaits, la fausse nonchalance de Louis Garrel, le magnétisme de Roschdy Zem, la souplesse de jeu d'Anouk Grinberg, la fougue de Noémie Merlant, toutes deux rayonnantes et apportant un petit grain de folie douce irrésistible. L'Innocent est surprenant, drôle, touchant et d'une modestie égale à sa tendresse. Le genre de film qu'on aimerait croiser plus souvent.