Triste nouvelle

Publié le par Michel Monsay

Triste nouvelle

Il avait commencé à “L’Écho des savanes” avant d’arborer ses chemises à fleurs sur Canal+. Depuis son premier roman paru en 1991, il parcourait l’Histoire par la petite porte. Jean Teulé est mort brutalement le 18 octobre, d'un arrêt cardiaque, il avait 69 ans. Il avait le sens des titres : Crénom, Baudelaire ! ou Le Magasin des suicides, et encore Azincourt par temps de pluie…, et gardait de ses premières amours, la bande dessinée, un goût bondissant pour le décalage poétique et joyeux. C’est à L’Écho des savanes que Jean Teulé fit ses débuts de dessinateur, dans les années 1980, pas très loin du groupe Bazooka, avec Kiki et Loulou Picasso, ou Jean Rouzaud. Mais après avoir adapté en BD le roman de Jean Vautrin, Bloody Mary, le jeune homme avait commencé à se lasser, acceptant, un peu bravache, la proposition de Bernard Rapp qui l’installa alors dans la bande de L’assiette anglaise, son émission culturelle hebdomadaire diffusée sur Antenne 2. Dans ces années 1987-1989, ses reportages décalés sur des personnages inclassables faisaient un triomphe, car Jean Teulé aimait les gens, les modestes, les oubliés. Il allait afficher sa taille de géant, ses cheveux en bataille et ses chemises à fleurs jusque sur Canal +. À cette époque, il ne pensait pas officiellement à écrire et ce n’est qu’en 1991 qu’il publia son premier roman, Rainbow pour Rimbaud, aux éditions Julliard. Une œuvre zigzagante mais aussi un hommage enflammé au poète de Charleville. Désormais, Jean Teulé n’arrêterait plus de parcourir l’histoire de France, y entrant à chaque livre par la petite porte des crimes et des forfaits, préférant le Montespan à Madame, adorant l’anecdote pour mieux la monter en chantilly. Jean Teulé était aussi un ami fidèle, à ses éditeurs (Betty Mialet et Bernard Barrault, longtemps à la tête de Julliard avant de fonder en 2020 la maison d’édition portant leurs deux noms), à ses vieux copains, à ses lecteurs qui le suivaient dans ses dingueries. En revanche, il protégeait sa vie privée, sa compagne Miou-Miou avec qui il vivait discrètement depuis plus de vingt ans, ses habitudes parisiennes entre son bureau sans décorum et son bistrot de quartier. Jean Teulé est mort ? Une sale blague.

Publié dans Chroniques

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