Touchante chronique familiale au cœur des années 80
L'un des courts-métrages de Mikhaël Hers s'inspirait librement d'un roman de Patrick Modiano, et son premier film, « Memory Lane » (2010), reprenait le titre d'un autre ouvrage de l'écrivain français, observateur si minutieux du travail incertain de la mémoire et du vacillement existentiel. Depuis ses débuts, Mikhaël Hers, un peu à la manière d'un Modiano du cinéma, donne naissance à des fictions délicates où il met en scène des protagonistes fragiles qui tentent de composer avec la violence du monde. Quatre ans après « Amanda », ce film bouleversant sur un jeune homme (Vincent Lacoste) contraint de passer à l'âge adulte après les attentats ayant endeuillé Paris, le cinéaste signe une nouvelle œuvre sensible qui confirme sa place essentielle dans le paysage du cinéma français. Mikhaël Hers, avec son art de l'ellipse et de la suggestion, reste fidèle à lui-même et, loin de toutes surenchères, filme avant tout des moments en creux qui témoignent des blessures secrètes et des états d'âme de ses personnages. C’est un puzzle humain sur les questionnements, les aspirations, la transmission et l’engagement, du tâtonnement à la révélation. La sensibilité du cinéaste se coule dans la description de ses créatures cinématographiques, au gré des jours et des nuits. Il y a de la mélancolie dans ces découvertes successives, soumises à l’abandon des couches du passé, mais il y a surtout un appétit grandissant pour le présent en marche, et pour la promesse de l’inconnu. La forme au lyrisme délicat épouse le propos. Le mélange des différents supports d’images, 16 mm, 35mm, numérique, filtres, archives urbaines des années 80, extraits de films, crée une matérialité palpable, dans laquelle les personnages évoluent avec une légèreté pourtant profonde. Charlotte Gainsbourg trouve ici l'un de ses plus beaux rôles, et Noée Abita, que l'on avait beaucoup aimé dans "Ava" et "Slalom", confirme son talent tout en sensibilité et spontanéité. Peu de cinéastes donnent l’impression, comme Mikhaël Hers, d’être en quête de douceur, sans honte ni mièvrerie, sans besoin non plus de s’en justifier. Une douce nostalgie enveloppe le film, notamment dans les très beaux plans de Paris, et on se laisse emporter par un impressionnisme envoûtant qui parvient à retenir le temps, suprême luxe, que l'on déguste avec un plaisir infini.