Un très beau film sensuel et engagé
Caméra d'or au Festival de Cannes 2021, qui récompense la meilleure première œuvre toutes compétitions confondues, Murina envoûte par sa beauté et son ambiguïté. C'est le premier long-métrage d'Antoneta Alamat Kusijanovic, une réalisatrice croate de 36 ans vivant à New-York. Le film, qui fut présenté à la Quinzaine des réalisateurs, élabore un récit où le paradis et l’enfer s’affrontent dans la splendeur infertile des îles Kornati en Croatie. A la fois éden et prison pour la jeune héroïne qui, depuis sa naissance, n’a jamais quitté ces terres ceintes par l’Adriatique, et y a grandi sous le joug despotique de son père. A travers un subtil récit d'émancipation contre le machisme ambiant et la toxicité de ce géniteur tyrannique et rétrograde, ce premier film captive avec son intrigue tendue, ses virées sous-marines, sa photographie lumineuse de la française Hélène Louvart, et ses personnages bien dessinés, chargés de regards et de non-dits qui trahissent des émotions à vif. Désir, frustration, embarras, amour, colère... Le voyage est intense. Dès lors, ce n'est plus seulement l'adolescente qui nage en apnée dans ces eaux troubles, c'est le spectateur, accroché par le suspense. Coproduit par Martin Scorsese, ce très beau film signe des débuts fracassants pour Antoneta Alamat Kusijanovic, et impose une personnalité artistique qui rappelle déjà celle de Jane Campion, qui, comme elle, plébiscite la nature sauvage, une mise en scène physique et sensuelle, et une héroïne en guerre. On pense aussi au Mustang de Deniz Gamze Ergüven, et la lutte contre ce patriarcat archaïque que l'on aimerait voir disparaître à jamais.