Encantado, l'hymne à la vie de Lia Rodrigues
Un océan de tissus bariolés recouvre le plateau d’Encantado, nouveau spectacle de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues. Après avoir déroulé sur la scène l’immense patchwork bigarré que composent une centaine de couvertures aux couleurs et motifs variés, onze interprètes font un à un une nouvelle entrée. Nus et dans un parfait silence, ils s’emparent chacun à leur manière des tissus, inventant mille et une façons de couvrir et découvrir leur corps ou leur tête. Tour à tour humains, animaux, végétaux ou minéraux, ils s’engagent dans un rituel de plus en plus festif, de plus en plus choral. Tels des divinités farceuses ils plongent leur regard dans le nôtre, arborent des sourires malicieux, grimacent, grognent, font la noce. Ce dispositif, d’une grande beauté plastique, se compose en réalité d’une centaine de couvertures achetées sur un marché de Rio par Lia Rodrigues, qui est très attachée à des matériaux modestes et quotidiens. Dans un Brésil malmené par Bolsonaro et meurtri par la crise sanitaire, son Centre d’Arts est installé à Rio dans la favela de Maré, Lia Rodrigues a cherché comment dans sa nouvelle création réenchanter le quotidien. Pour ce faire elle s’est inspirée des « incantados », qui sont des esprits afro-amérindiens se déplaçant entre ciel et terre, transformant les jungles ou les eaux en lieux sacrés et ayant des pouvoirs de guérison. Avec une inventivité remarquable, la chorégraphe et ses superbes interprètes créent un monde où une humanité de toutes les couleurs, genres, nationalités se confond avec la nature, sur une bande-son composée de la musique et des chants du peuple Guarani Mbya, joués pendant la manifestation des indigènes brésiliens contre l'appropriation de leur terre par le gouvernement Bolsonaro, à Brasília en août dernier. La lenteur et le silence du début du spectacle fait place au fur et à mesure d'une intensification de la musique et de la scansion du rythme, à une transe dansée qui agit comme un rituel enchanteur contre la domination raciale et sexuelle.
A voir jusqu'à demain soir au Cent-Quatre à Paris, puis à Brive, La Rochelle, Angoulême, Bayonne, Pau, Saint-Médard en Jailles, Niort, Poitiers.