Spectacle hilarant et caustique, intime et universel
Avec Le champ des possibles, Élise Noiraud à la fois comédienne, auteure et metteuse en scène de 38 ans, signe un nouveau seule-en-scène, dernier volet d’une trilogie autofictionnelle, particulièrement abouti sur les affres du passage à l’âge adulte. A 19 ans, on n’est plus une enfant, pas tout à fait une adulte, on respire la jeunesse, on s’imagine une vie. Écrit au cordeau et joué avec une incroyable énergie, son spectacle nous embarque dans une histoire d’émancipation a priori banale, les premiers pas d’une jeune provinciale débarquant à Paris, mais qui se transforme en comédie humaine universelle, où se mêlent névroses familiales, espoirs déçus, désirs enfouis, lectures et rencontres déterminantes. Interprétant plus d’une dizaine de personnages, Élise Noiraud offre une performance théâtrale explosive à la fois drôle et sensible, où les scènes s'emboitent sans moment de suspension ou de conclusion, et où la comédienne passe avec une aisance bluffante, d’un personnage à l’autre. Même si tout paraît vrai dans l'histoire qu'interprète Élise Noiraud, il y a une petite part de fiction, et parmi les personnages qu'elle endosse, il y a sa mère, fil rouge du spectacle. Une mère aimante mais étouffante et culpabilisante. Une mère qui attend son retour dans le giron familial chaque week-end, et peu importe que sa fille ait prévu autre chose, une mère qui lui dit « tu fais ce que tu veux mais réfléchis bien, on n’est pas tout seul dans la vie », une mère qui cache sa dépression sous une fatigue constante et lui répète « je ne crois quand même pas avoir été la pire des mères ». Dans cette collection de figures hautes-en-couleur, chacun pourra retrouver des personnalités, des traits de caractère et des émotions qu’il a lui-même rencontrés. Et se souvenir, alors, de son propre champ des possibles. A la fois impressionnante performance de la comédienne et finesse d'écriture teintée d'ironie et de mélancolie, entre Philippe Caubère et Zouc, ce spectacle explore admirablement la conquête de la liberté d'une jeune femme, qui est loin d'être un long fleuve tranquille.
Le champ des possibles est à voir au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 19 décembre.