Un grand Ridley Scott
A 83 ans, Ridley Scott à qui l'on doit tant de films inoubliables, "Alien", "Gladiator", "Blade runner", "American gangster", "Thelma et Louise", "Mensonges d'état", etc., a toujours une grande soif de cinéma et continue d'enchaîner les films. Pourtant avec "Le dernier duel", on pourrait penser que la boucle est bouclée, vu que son très beau premier film s'intitulait "Les duellistes", il n'en est rien, Ridley Scott fourmille d'idées et un autre film sort dans 15 jours. Il raconte ici une affaire de viol au Moyen Âge, mais son récit féministe est on ne peut plus contemporain. C'est aussi le récit historique du dernier duel judiciaire autorisé par le Parlement en France. Mais c'est avant tout l'histoire, tristement actuelle, d'une culture du viol omniprésente, dans laquelle la femme est toujours perdante. La virtuosité de la reconstitution historique saute aux yeux et nous offre une saisissante peinture du Moyen-Âge. Costumes, décors, éclairages et ambiances éblouissent par leur sobre et spectaculaire réalisme. Au delà des qualités techniques d'un réalisateur perfectionniste, le parti pris narratif, qui fait penser au sublime "Rashomon" de Kurosawa, confère au récit une puissance remarquable. Le film de Ridley Scott est à la fois épique tout en étant dans l'intimité, puisqu'il passe par les arcanes de la société patriarcale de l'époque où l'on n'accorde aucune importance à la parole de la femme, où les hommes, aussi braves et courageux soient-ils au combat, prennent des femmes comme ils prennent des terres. Magistralement filmé et composé de scènes à la beauté photographique indéniable, "Le dernier duel" est aussi porté par trois comédiens au sommet de leur art, Jodie Comer, Matt Damon et Adam Driver rivalisent de nuances et de finesse dans leur jeu, qui varie selon le point de vue du récit. Tout en racontant le Moyen-Âge, le film est très moderne sans être anachronique. C'est aussi une leçon de cinéma dans laquelle Ridley Scott démontre qu'une scène d'action n'est jamais aussi prenante, si on a bien pris le temps d'en déployer les enjeux. Le cinéaste, après quelques films de moindre intérêt, revient à son meilleur niveau avec cette œuvre puissante, féministe et passionnante.